Deux journées pour la lutte internationale des droits des femmes à Montpellier
Dimanche 7 et lundi 8 mars plusieurs événements pour la Journée internationale des droits des femmes se sont tenus à Montpellier. Retour sur ces journées.
Patrons, Patrie, Patriarcat. Mêmes racines, même combat.
Dimanche à l’appel de plusieurs collectifs une grande manifestation est partie de la place du nombre d’or renommée Place des Pétroleuses pour l’occasion. Si le faible nombre réuni à 14h00 pouvait inquiéter ça et là, la rue se sera largement fait entendre sur le reste de l’après-midi. Après plusieurs prises de paroles, notamment du Mouvement des Femmes Kurdes et du Collectif de Sans-Papiers de Montpellier, largement applaudies, le cortège s’est élancé pendant près de trois heures dans les rues montpelliéraines. Un cortège largement composé de féministes. Fortes, fières, radicales et en colère.
S’arrêtant sur le parvis de l’Opera-Comedie, malheureusement trop habitué à accueillir des revendications aussi basiques que l’égalité des droits pour tous·tes, plusieurs nouvelles prises de paroles se sont succédé dont la sono n’aura malheureusement pas portée les voix, pourtant puissantes, assez loin pour que la totalité du cortège s’en fasse écho.

Repartant non sans moins d’entrain, un deuxième arrêt a eu lieu devant la préfecture ou plus précisément autour de la fontaine de sa devanture. Le collectif CQFAD+ (anciennement Collages Féministes de Montpellier) et l’acabatucada ont livré là une longue performance donnant indéniablement le ton de cette manifestation. Anecdote mise à part, cette même fontaine était la nuit précédente, accueil éphémère de 4 étudiants éméchés et pêchés “nus comme des vers” par la police nationale. Si le fait prête à sourire, il nous tarde de pouvoir en faire de même de nos corps de femmes sans craindre agressions verbales ou viols à laquelle la même police nous rétorquerait un “mais vous étiez habillée comment ?”. Passons.


Si les institutions, rouillées, s’en réfèrent encore à un féminisme empreint d’universalisme, les tambours de la bien nommée acabatucada et le cri des colleureuses auront harangué avec enthousiasme un parterre de manifestant·es scandant à gorges déployées “Patrons, patrie, patriarcat. Mêmes racines, même combat”, “Riposte féministe dans la rue nous on est là”. Et c’est après plusieurs applaudissements aux paroles de “Siamo tutti antifascisti” et de longs ACAB que la révolution féministe en cours s’en est allée rendre visite à sa deuxième institution préférée, la Justice. Là, après la chorégraphie désormais connue de “Un violador en tu camino” par les Sudakas, une prise de parole de Osez le Féminisme aura fait quelque peu jaser dans l’auditoire. « En fait elles disent des trucs bien aussi mais le problème c’est que le fond est gerbant. Pas de féminisme sans les putes, merde ! » entendrons-nous. C’est que l’association entend faire reconnaître la prostitution comme violence faite aux femmes. “Sex work is work” répondent les pancartes. Nous vivons dans une société capitaliste et le travail est une réalité, quels droits d’aucun·es ont sur celles et ceux qui choisissent celui du sexe ? A ce jour le travail mené par des associations telles que Médecins du Monde, semble bien plus efficace dans l’accompagnement des TDS (travaileur·ses du sexe) que celui de la criminalisation.
Aussi belle et haute en déguisements et couleurs ait été cette manifestation, il semble invraisemblable qu’en 2021 nous en soyons encore là. Encore à essuyer des salves de commentaires puants de misogynie et d’ignorance. Encore à devoir revendiquer l’application de droits des femmes pourtant existants sur le territoire français. Encore à devoir se battre pour que les hommes arrêtent de violer. Pour que l’espace public ne soit pas public pour seulement les 48,5% de la population (oui, une minorité). Pour que prononcer le mot “règle” ne provoque pas une mimique de dégoût sur les le faciès de cette minorité.
Lundi 8 mars, grève féministe, rassemblement sur la place de la Comédie
Le lendemain, ce lundi 8 mars, l’ambiance sur la Comédie était bien moins festive. Environ deux cents personnes se sont réunies pour des prises de paroles et une assemblée générale en plein air, à la manière de nuit debout.
La première intervenante, syndiquée à la CGT, a rappelé au combien les métiers les plus féminisés (soin, santé, éducation, ménage) avaient été mis en avant pendant cette période de pandémie, mais sans hausse de salaires. Pour rappel, en France, les hommes gagnent environ 25 % plus que les femmes à salaire égal. « C’est comme si les femmes travaillaient gratuitement à partir de 15h40 ! » a tonné une intervenante.
Dans la lignée des interventions syndicales, un membre de l’union syndicale solidaire a rappelé qu’un tiers des femmes se faisaient harceler sur leur lieu de travail. Elle et son syndicat demandent à l’État un investissement d’un milliard d’euros pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Après les prises de paroles devait se tenir un village associatif, annulé par les autorités locales. Qui de la préfecture ou de la ville a interdit la tenue du village pour “motifs sanitaires”, nous ne le savons pas.
Se tenait toutefois en parallèle, tout au long de la journée, un live Facebook sur la page de la Ville de Montpellier à l’occasion du 8 mars. Michael Delafosse a annoncé, en copie conforme à Macron, faire “de l’égalité homme-femme la priorité de [son] mandat”. Et il aura fallu moins de 5 minutes à notre cher édile pour sortir la carte “sécurité”. Car, poursuit-il, “il est inadmissible que de jeunes filles, sortant du lycée à 17h, se fassent importuner, par exemple Faubourg du Courreau, pour rejoindre le jardin du Peyrou”. Sacré exemple que celui du lycée privé de Notre-Dame-De-La-Merci et du quartier de Figuerolles. Décidément, le maire a bien appris les leçons du féminisme blanc et laïc.

Revenons au monde réel. C’est donc une assemblée générale improvisée qui a eu lieu sur la Comédie, où tout le monde a pu prendre la parole. Des situations et problématiques diverses ont alors émergés, rendant compte de la multiplicité des axes de luttes pour faire valoir les droits des femmes, de manière plus ou moins spécifique : Une retraitée est intervenue pour disait qu’elle touchait en moyenne 40 % de pension de retraite en moins qu’un homme, une intermittente du spectacle est venue raconter que sa collègue, n’ayant pas travaillé l’an dernier à cause de la pandémie, n’a pas pu avoir droit à des congés maternité à la récente naissance de son enfant…
Une cohorte de sages-femmes en grève sont venues déployer leur banderole pour dénoncer l’invisibilisation et le manque de moyens qui les concerne depuis le début de l’épidémie.
Un collectif de soutien aux Ouighours a également alerter l’assemblée sur les viols, les mutilations, les stérilisations et le travail forcé que subissent les femmes Ouighours dans les camps de concentrations chinois. Des personnes non-membres d’organisations ou d’associations ont enfin pris la parole, toujours pour exposer de multiples situations : Une plainte pour violences conjugales qui a finalement débouché en procès après de longs mois de combat juridique, quelques mots sur les violences que subissent les travailleuses du sexe et les femmes sans papiers…

Pour lier toutes ces revendications pour l’accès au droit et à la dignité des femmes, l’inter-organisation à l’origine de l’appel à rassemblement a appelé à se réunir en dehors des dates du 8 mars et du 25 novembre (journée mondiale contre les violences faites aux femmes) pour construire sur le long terme un rapport de force qui permettrait d’arracher des victoires à l’État et à la société patriarcale !
Et nous. On ne compte pas s’en tenir à ces dates non plus. Dans les jours et semaines qui viennent nous publierons 8 interviews de 8 militant·es féministes impliqué·es, hier ou aujourd’hui, dans ce long combat contre celleux dominé·es par le patriarcat. “Il ne tombera pas, nous le ferons chuter”.
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