« Le moment populiste et les gilets jaunes »

Le Poing Publié le 20 mars 2019 à 15:57
Une conférence intitulée « Le moment populiste et les gilets jaunes » s’est tenue la semaine dernière à l’université Paul Valéry de Montpellier en présence d’une trentaine de participants. Celle-ci était organisée par le cercle de Montpellier du nouveau média d’opinion indépendant « Le Vent Se Lève », qui tenait sa première réunion la semaine précédente. La présentation de cette conférence interroge les récentes évolutions des mouvements sociaux en France comme en Europe, alors que les gilets jaunes font réapparaître les questions autour de la définition du peuple, de sa place, de son rôle mais aussi de son pouvoir.

La crise politique des démocraties parlementaires, liée à la crise économique du système capitaliste, a ainsi différents effets. La première question abordée lors de la conférence est celle de la définition du populisme. Cette catégorie est souvent employée dans les médias dominants ou par les principaux responsables politiques pour délégitimer et critiquer leurs opposants, notamment les mouvements de contestation accusés de porter une critique simpliste des « élites » et du « système ».

Mais existe-t-il des partis populistes ? Il est rappelé que tous les candidats à l’élection présidentielle française de 2017 ont prétendu parler au nom de la majorité du peuple et se sont présenté en opposant au système, en définissant ce dernier de manière très différente. Il n’existerait en réalité que des « stratégies populistes », certaines exclusives et fondées sur le rejet d’une minorité du peuple (comme le fait l’extrême droite), d’autres inclusives et ciblant les classes dominantes (comme le font Podemos en Espagne ou la France insoumise en France). C’est en tout cas sur cette analyse que s’appuie la stratégie des penseurs du « populisme de gauche », tels qu’Ernesto Laclau et Chantal Mouffe.

La conférence est également l’occasion de discuter des limites de ces stratégies – incapacité à renverser les politiques d’austérité en Grèce, ou même à dépasser la gauche de gouvernement décrédibilisée par la crise en Espagne. Le mouvement des gilets Jaunes est au cœur de la présentation puis des débats qui s’ensuivent : s’agit-il d’un mouvement représentant les classes populaires en lutte, comme le défend Gérard Noiriel, ou plutôt d’une révolte de la « classe moyenne », comme le pense Alain Badiou ? Comment d’ailleurs définir cette « classe moyenne » qui semble avoir bien peu de contenu matériel ? Les gilets jaunes sont-ils porteurs d’un contenu progressiste, sur lequel pourraient s’appuyer des forces politiques – soit pour se faire élire en cooptant le mouvement, soit pour renforcer un pouvoir populaire émergent ?

Ces questions stratégiques et ces analyses ont permis un riche débat où ont été évoqués l’expérience des gauches européennes mais également latino-américaines, les nouvelles formes prises par la social-démocratie, les stratégies de communication politique à l’œuvre et les liens entre question sociale et question nationale, notamment en Catalogne. Les intervenants s’accordent sur le fait que nous assistons aujourd’hui à la fin d’une séquence politique après la longue décrue des mouvements sociaux traditionnels dirigés par les syndicats, de 2006 à 2016, et que nous voyons aujourd’hui émerger une autre forme de contestation de masse qui bouscule les étiquettes et les modes d’action existant auparavant en portant une intelligence collective et un renouveau des tactiques qui commencent à peine à être analysés.


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