Montpellier. Gilets jaunes et marcheurs pour le climat : tous ensemble, ou pas

Le Poing Publié le 18 mars 2019 à 17:33 (mis à jour le 18 mars 2019 à 17:35)
Marche du siècle pour le climat, acte XVIII des gilets jaunes et marche des solidarités contre les violences policières et le racisme d’État : les trois mobilisations se sont croisées ce samedi 16 mars à Montpellier, dans des ambiances variées, à la croisée des chemins entre convergence et cloisonnement des luttes.

Entre fraternité et rejet mutuel

À l’initiative du collectif « Migrants Bienvenue 34 », une centaine de personnes ont partagé un repas tiré du sac vers midi dans les jardins du Peyrou. Les militants ont ensuite formé un cortège pour rejoindre le rassemblement des gilets jaunes sur la place de Comédie, avec en tête l’idée de pousser à la convergence avec la marche contre le réchauffement climatique, initialement appelée à deux pas de là, sur l’esplanade Charles de Gaulle. Va s’en suivre une sorte de chassé-croisé entre les deux défilés, entre moments de fraternité, d’indifférence ou de rejets mutuels.

À 14h, les 2500 gilets jaunes massés autour de la statue des Trois grâces commencent à s’exciter d’impatience, un sentiment dont les premiers « Ahou » se font déjà l’écho. La mobilisation du 16 mars, la dix-huitième, a été annoncée comme une journée-clé pour le mouvement, et les premières images des Champs-Élysées évoquent les scènes insurrectionnelles du premier décembre… Pendant ce temps-là, à Montpellier, les gilets jaunes scrutent la marche pour le climat autour de l’Esplanade. Le pari des écolos est réussi : plus de huit mille manifestants discutent, dansent ou chantent au rythme des fanfares et des chorales. Un nombre non négligeable d’entre eux, éparpillés dans le rassemblement, portent le fameux gilet et s’égosillent à coups de « Macron démission » pour tuer le temps. Cette impatience les poussera à partir vers la préfecture, dans la direction opposée à celle de la marche pour le climat !

Première division donc, même si les deux cortèges se retrouvent finalement au boulevard du Jeu de Paume, après un bref et traditionnel affrontement entre gilets jaunes et gendarmes mobiles au niveau de la préfecture. Cette seconde rencontre des gilets jaunes et des écolos est pour le moins paradoxale : de part et d’autres, des manifestants scandent « Tous ensemble », tandis qu’un individu couvert de pancartes bariolées s’efforce de convaincre les gilets jaunes de ne pas emboîter le pas au défilé vert : « Nous, on n’est pas des casseurs, on ne veut pas de vous ici ! ». Une petite rivière de gilets jaunes, déjà lassés de la tranquillité des marcheurs pour le climat, se dirigent vers la gare Saint-Roch, à contre-courant de la marée verte. Malgré cette divergence, la liesse et le bonheur de se retrouver s’expriment dans une confusion relative, et les deux cortèges maintenant emboîtés occupent maintenant tout le boulevard, totalisant environ dix mille personnes.

L’irrésistible appel de l’émeute

L’objectif des organisateurs de la marche pour le climat est de rejoindre le parc Montcalm, où se tient une édition du village des alternatives, avec stand de bouffes, animations et présentation des « alternatives concrètes » qui prétendent soulager un peu, ici et maintenant, les maux de notre planète. Entre l’avenue Clémenceau et celle de Toulouse, ce charmant programme perd soudainement en attrait aux yeux des gilets jaunes. « Où est-ce qu’il nous emmène, la police municipale nous encadre, c’est une humiliation, il faut faire demi-tour, il y a des gilets jaunes qui nous attendent à la gare ! » peut-on entendre dans la foule. Ni une, ni deux, les gilets jaunes ne résistent pas longtemps à ce goût de la confrontation qui les caractérise, comme aimantés à l’idée de partir à l’assaut de l’Écusson bourgeois. Des street-médics font tourner le mot que le groupe initialement parti à la gare est ensuite remonté vers la préfecture, il s’agit donc de les rejoindre.

Seulement voilà, la police pointe le bout de son nez avec une stratégie bien nette : coller les manifestants sans répit, tonfas au poing, jusqu’à les disperser complètement, et rapidement, pour éviter toute dégradation. Vers 17h, les forces de l’ordre stationnées en haut de la rue Saint-Guilhem chargent en distribuant généreusement des coups de matraques. Une personne est interpellée, l’air se charge en lacrymogène. Au Peyrou, plusieurs fourgons de gendarmes mobiles bloquent l’accès au Jeu de Paume. Une dame présente une main enflée, stigmate de la précédente charge. D’un coup, des gendarmes foncent dans le tas, nouvelle interpellation d’un manifestant, traîné au sol. Stressés par les montées d’adrénaline successives et pressés par les policiers, les manifestants se divisent dans les rues de l’Ecusson en prenant le soin de ne pas se jeter dans les bras des agents de la brigade anti-criminalité. Des tentatives de se retrouver sur la Comédie sont aussitôt avortées par les grenades lacrymogènes. Restent environ deux cents personnes, traqués par plusieurs dizaines d’agents de la BAC. Un petit groupe de gilets jaunes ayant réussi à semer ces policiers si détestés les toisent. Un manifestant blessé par un éclat de grenade au crâne fait son apparition.

La journée se termine par un étrange face-à-face sur l’Esplanade entre les forces de l’ordre, dont leur chef Christophe Barret, procureur de la République, et quelques manifestants perdus et frustrés de cette fin de mobilisation prématurée. Entre sympathie et invectives, les échanges fusent. On se remémore cette drôle de journée, marquée par une convergence partielle avec les écolos, et un échec à déborder le dispositif policier, et on se rappelle les prochains rendez-vous : mardi prochain, pour la manifestation syndicale interprofessionnelle qui partira à 14h d’Antigone, et bien évidemment, samedi prochain pour l’acte XIX des gilets jaunes.

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