Montpellier. Peu à peu, la CGT et les gilets jaunes apprennent à travailler ensemble

Le Poing Publié le 12 mars 2019 à 16:37 (mis à jour le 13 mars 2019 à 11:18)
Dégoûtés par la corruption et les traîtrises des politiciens, les gilets jaunes se sont d’abord montrés hostiles aux syndicats. Les militants de base n’ont jamais été pointés du doigt, mais leurs drapeaux n’étaient pas les bienvenus dans les cortèges. Peu à peu, la situation a changé : constatant qu’un certain nombre de syndicalistes étaient présents sur les ronds-points et que les blocages partiels ne suffisaient pas à faire plier le gouvernement, la question de la grève s’est posée, et les gilets jaunes se sont donc intéressés aux positions des syndicalistes. À Montpellier, les chasubles rouges et les gilets jaunes se sont rassemblés ensemble devant les locaux du Medef ce matin, et ils ont pour la première fois tenu une conférence de presse commune.

L’occasion manquée du 5 février

Le 10 janvier, plusieurs dizaines de gilets jaunes se sont invités dans la maison des syndicats de Montpellier pour leur demander de se positionner clairement sur le mouvement et les violences policières. À cette occasion, les gilets jaunes ont rencontré des représentants de la CGT, FSU, SUD et ont discuté longuement avec un délégué de FO, mais rien de concret n’est sorti de ces entretiens. Pas rancuniers, les gilets jaunes ont rejoint par milliers la manifestation intersyndicale du 5 février, mais le service d’ordre de la CGT a tout fait pour reléguer en arrière les gilets jaunes, qui n’ont même pas officiellement été invités en amont à prendre la parole.

Une convergence timide mais bien réelle

Ce matin, cette fameuse convergence est devenue un peu plus palpable : parmi la cinquantaine de personnes présentes devant les locaux du Medef, on comptait plusieurs dizaines de gilets jaunes, et des échanges ont pu avoir lieu, même s’ils ont parfois tourné à l’empoignade. Les gilets jaunes auraient préféré une action plus virulente – raison pour laquelle ils ont érigé une petite barricade –, et ils n’ont pas compris pourquoi la CGT a toléré la présence d’un policier des renseignements territoriaux parmi eux. Mais le fait est que cette conférence de presse commune s’est tenue, permettant ainsi au secrétaire de l’union départementale de la CGT et à deux gilets jaunes mandatés par la commission convergence de l’assemblée du Peyrou de parler d’une même voix. Tous dénoncent la vie chère, le chômage, la précarité, « le scandale de ces six millions de personnes privées totalement ou partiellement d’emploi », « le choix du patronat de verser des dividendes plutôt que d’investir dans la recherche », « la suppression de quatre milliards d’impôts pour les plus riches alors que dans le même temps on demande quatre milliards d’efforts pour les plus pauvres », « le fait que certains n’arrivent pas à vivre dignement du fruit de leur travail », « la responsabilité du gouvernement pour les 204 blessés à la tête, les 21 éborgnés, les 5 mains arrachées, les plus de 5000 blessés, les 8700 gardes à vue, les 1800 condamnations et les centaines d’incarcérations ». Tous réclament « l’augmentation des salaires en allant chercher l’argent dans les caisses du patronat », « la suppression des cadeaux fiscaux aux multinationales », « le retrait du lanceur de balles de défense » ou bien encore « l’arrêt de la privatisation des services publics ».

C’est en revanche sur la question de la manière d’obtenir la satisfaction de ces revendications que les divergences apparaissent. Les deux gilets jaunes ont invité le secrétaire syndical à se joindre « à la grande rencontre qui aura lieu le 19 mars au Peyrou à l’occasion de la journée de grève et de manifestation intersyndicale », mais il a décliné l’invitation : « notre priorité pour le 19 mars, c’est de maintenir le cadre intersyndical, et nous ne participerons donc pas à cette assemblée » a-t-il précisé, avant de proposer aux gilets jaunes « un débat sur la justice fiscale et sociale ». « Avec les syndicats, nous avons une colonne vertébrale de revendications communes, mais il faut maintenant s’entendre sur l’organisation concrète, au quotidien. » a reconnu l’une des deux gilets jaunes. Optimiste, le représentant de la CGT a noté que « les contacts avec les gilets deviennent réguliers, et c’est une évolution importante face à un gouvernement qui parie sur l’usure de toutes celles et ceux qui s’opposent à lui ». Si les chasubles rouges, les gilets jaunes et les blacks blocs parvenaient à s’unir, le gouvernement pourrait bien finir par en voir de toutes les couleurs.

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