Social
Entretien 24 décembre 2022

« Près de six mois sans salaire, et même en négatif » : entretien avec les”suspendus” de Blouses Blanches Libres 34

Des membres du collectif Blouses Blanches Libres 34 au pied du sapin de Noël de la place de la Comédie à Montpellier.

Le Poing a réalisé cet entretien avec Elsa, éducatrice membre du collectif de ”supendus” pour refus de se faire vacciner contre le Covid Blouses Blanches Libres 34, c’est l’occasion de mettre en lumière l’activité et l’actualité d’une lutte contre une mesure inédite à l’encontre du droit du travail.

Le Poing : Quelle a été la situation des suspendus après les premières mesures pour imposer l’usage du vaccin ?

Elsa : Toutes les personnes qui ont été suspendues l’ont été à compter du 15 septembre 2021 et ont eu l’interdiction d’aller travailler ailleurs, même chez Mac Donald, avant le mois d’ avril 2022. Donc près de six mois sans salaires et même en négatif pour celles et ceux dont la mutuelle par exemple était retirée de leur absence de salaire.

Le Poing : C’est de là qu’est né le collectif Blouses Blanches Libres 34. Qu’est-il devenu aujourd’hui ?

Elsa : Le collectif regroupe quatre cent personnes à Montpellier mais cela ne veut pas dire quatre-cent suspendu.e.s. La palette des situations est très diversifiée allant des vrai.e.s suspendu.e.s, aux personnes en arrêt maladie ou vacciné.e.s soit de force soit faussement. Tout le monde n’a pas opté pour la même solution, chacun.e est obligé.e de bricoler et maintenant les gens désespèrent et s’éloignent, lâchent et rompent avec un retour dans l’institution. Mais de toutes façons « les suspendu.e.s » concernent beaucoup plus de monde que ce que nous en dit la presse, même si c’est très difficile de connaître le chiffre exact.

Le Poing : Il n’y a que des soignants dans ce collectif ?

Elsa : Non. Le collectif regroupe des gens d’univers sociaux et politiques très différents et de professions également : toutes les statuts du soin, du médico-social mais également du transport ou du judiciaire, bref tous les métiers y sont représentés alors que la presse réduit ce mouvement aux infirmiè.e.s. Précisons qu’un.e infirmièr.e « antivax » ça n’existe pas car c’est une catégorie de la population survaccinée par obligation légale et statutaire !

Le Poing : Comment l’activité du groupe a-t-elle évoluée ?

Elsa : Dans les premiers mois c’était la panique, il fallait s’organiser pour survivre et le collectif se réunissait toutes les semaines ce qui n’est plus le cas actuellement, les réunions sont plus diffuses depuis les présidentielles. Il existe en ce moment effectivement une opération de soutien « le Noël des suspendus » qui se déroule à Montpellier ou dans certains villages autour avec la plupart du temps quelques personnes qui se relaient au stand.

Le Poing : Comment tu définirais toi-même la raison d’être de ce collectif ?

Elsa : La question de fond qui animait le collectif c’était de ne pas céder à la menace, ne pas accepter d’avoir le couteau sous la gorge pour une obligation vaccinale dont on ne connaît pas réellement et scientifiquement les bénéfices et pouvoir mettre ce débat à plat, permettre qu’il ait lieu. Avoir le droit de se poser des questions, avoir des doutes, respecter le principe de précaution, ne pas se précipiter si vite, si fort vers l’obligation vaccinale.

Le Poing : Vous avez reçu un soutien de la part des syndicats ?

Elsa : Suspendre des professionnel.le.s pour une durée indéterminée est un inédit social qui défie le code du travail, ne le respecte pas. Sur cette suspension nous n’avons pas trouvé le soutien nécessaire des syndicats pour la défense du code du travail, un peu à l’égal du mouvement des gilets jaunes. Sud Solidaire par exemple a juste proposé une aide financière alors qu’il s’agissait de mettre en place une défense juridique du code du travail, de réfléchir à d’autres solutions face au fait de laisser sur le côté une partie des salarié.e.s qui refusaient cette épreuve de force imposée. Le collectif n’a pas un discours uniforme sur toutes ces questions et personnellement je pense que si le vaccin a pu diminuer le taux d’angoisse pour certaines personnes c’est toujours ça de pris ! On a le droit d’être ambivalent de chercher à en débattre.

Le Poing : Tu trouves que l’activité du collectif permet d’embrayer facilement sur des questions politiques plus larges ?

Elsa : Maintenant la question de la réintégration ne permet pas forcément d’aborder le débat en s’éveillant aux questions politiques. En effet la LFI qui avait proposé une loi permettant la réintégration a été bloquée par les macronistes qui ont joué la montre et maintenant c’est le parti de Marine Le Pen qui va proposer son texte lors de sa niche parlementaire en février et la FI a déjà retiré son soutien au texte. Tout cela provoque des réactions de rejet au sein du collectif pour qui ce qui compte c’est la réintégration après tant de galère. L’ hôpital allait déjà mal avant le Covid, le système de soin était déjà en bout de course, en danger, toutes les suppressions de lit et les conditions de travail étant à l’actif de nos gouvernements successifs. Mais le collectif des BBL permet il aujourd’hui de prendre le temps et le chemin de poser le problème au-delà de la réintégration ? C’est toute la question, politique !


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