Après le confinement, l’explosion
L’union nationale à tout prix ! Voilà en somme le cri d’un gouvernement aux abois. Alors que le pays, comme une grande partie de l’Humanité, est confiné depuis deux semaines, la stupeur des premiers jours laisse place à une sourde colère dans la population. À Montpellier comme ailleurs, les rues sont toujours plus ou moins désertes. Mais ce grand vide quadrillé par une police toujours plus oppressante (elle ne nous aura pas épargné les drones aboyant leurs ordres) masque mal l’agitation des esprits derrière les portes closes.
Selon des récents sondages, le gouvernement a perdu en une semaine dix points de confiance. Et ce n’est que le début. Il faut dire que les ratages catastrophiques succèdent aux coups de com’ lamentables.
Après nous avoir expliqué que les masques ne servaient à rien pour les personnes n’étant pas contaminées, la population a vu le président en porter un, et tout le monde aujourd’hui compris qu’il s’agissait simplement d’une impossibilité matérielle : les usines de production ayant fermées et les stocks ayant été liquidés par les politiques libérales successives, le gouvernement n’avait plus les moyens d’en fournir suffisamment. Pas même aux soignants.
Macron envoie des flics patrouiller dans les rues, des navires de guerre surveiller les Antilles, des ouvriers crever sur les chantiers et des ministres mentir sur les plateaux télé. Le conseil constitutionnel lui-même valide une loi sur « l’état d’urgence sanitaire » dérogeant à la Constitution, alors que les libertés individuelles et le droit du travail sont les premières victimes de l’épidémie. L’Élysée s’empêtre dans sa propre fuite en avant : les applaudissements et les louanges pour les soignants ne remplaceront ni les milliers de lits fermés dans les hôpitaux, ni les crédits supprimés pour la recherche scientifique. Ni, bien sûr, toutes les vies perdues.
Aujourd’hui, le gouvernement bafouille, menace, supplie. Aujourd’hui, des personnes travaillant dans la grande distribution et dans la santé meurent. Qui peut croire que la fin du confinement débouchera sur autre chose qu’une crise politique majeure ?
Car la vie politique alterne période froide et période chaude. Le confinement est une période froide. Bien que la CGT appelle à la grève pour protester contre le danger de mort pesant sur de nombreuses personnes continuant de travailler, la majeure partie de la société attend des jours meilleurs.
Mais l’économie mondiale plonge à une vitesse folle, rappelant la crise de 2008 voire la grande dépression des années 1920. Ce choc énorme, cette production et cette consommation à l’arrêt, cette Humanité emmurée, ces bourses en chute libre, auront des répercussions politiques dépassant la simple indignation.
Les commissions d’enquête parlementaire et les procès annoncés ici et là, du RN aux Républicains en passant par des médecins célèbres et par les Insoumis, restent bien en deçà des enjeux du moment.
La fin (très progressive, probablement) de la pandémie ouvrira une période nouvelle. À quoi ressemblera-t-elle ?
En négatif, il y aura le bilan humain catastrophique, qui mettra probablement des années à émerger dans sa dimension réelle. Il y a fort à parier que la plupart des lois sécuritaires mises en place pendant le confinement, comme les pires réformes judiciaires, économiques et sociales, seront conservées sous des prétextes plus ou moins odieux. On peut aussi prévoir qu’une partie des plus précaires, et plus largement des classes populaires, auront été encore appauvris, fragilisés et frappés par ces crises
D’un autre côté, il y aura du positif. Qui pourra encore prétendre que les personnes travaillant dans la santé, l’agriculture ou la distribution doivent être « responsabilisées » – bref, être moins payées que des traders et des start-upers ? Qui pourra encore croire aux merveilles du libre marché et du libéralisme, quand l’État a dû soudainement se résoudre à contrôler toute l’économie pour parer au pire ? Des liens de solidarité se seront sans doute créés. La condition des prisonniers sera peut être vue d’un œil différent par des personnes restées enfermées chez elles quelques semaines. Et la légitimité d’un gouvernement voulant à tout prix nous faire voter et travailler, quitte à nous mettre en danger de mort, sera sans doute discutée.
Avant, pendant ou après le beau mois de mai, il y aura des célébrations, des hommages, mais aussi des manifestations et des révoltes. Il faudra être à la hauteur du moment, de cet effondrement programmé d’un modèle politico-économique (et, avec lui, de secteurs entiers, parmi lesquels journaux papiers, commerces divers et entreprises plus ou moins parasitaires). Nous ne pourrons pas laisser les choses revenir à la normale, avec tant de personnes disparues et quelques lois affreuses en plus. Nous devrons faire de ce moment ce qu’il doit être : un tournant historique. Non pas vers une inquiétante dystopie autoritaire, mais vers un monde débarrassé des structures criminelles aujourd’hui incapables de gérer la pandémie. Pour pouvoir dire « plus jamais ça ! » sans hypocrisie. Car nous ne reviendrons jamais au monde d’avant.
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