Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Comment mon corps réagit il au danger?
28 septembre 2025Les thématiques abordées dans les ateliers hebdomadaires de soutien psychologique pour les femmes sont à la fois à l’écoute de chacune mais permettent aussi une élaboration psychique de leur vécu : 28 Septembre camp de Durra – Ouest de Deir al-Balah
Dans les ruelles étroites du camp, où l’odeur de la poussière se mêle aux voix des enfants, se dessine la scène de femmes portant dans leurs yeux des histoires qui n’ont pas encore été écrites. La réalité du déplacement n’est pas seulement un passage d’une maison à un abri temporaire, mais un voyage éprouvant où les repères de stabilité sont arrachés et où les âmes cherchent des racines sur une terre étrangère.
Les femmes du camp de Durra, à l’ouest de Deir al-Balah, vivent quotidiennement entre deux luttes : celle de la survie matérielle et celle de la résilience psychologique. La peur ne s’éteint pas avec la fin des bombardements ; elle demeure, telle une ombre longue et persistante, tapie dans la poitrine. L’équipe UJFP continue de tendre la main pour tirer les femmes du gouffre du découragement et du désespoir, en offrant des séances de soutien psychologique pour bâtir des stratégies pratiques redonnant aux femmes la capacité de retrouver leurs identités fragmentées.
Dès le début de la séance, il est apparu clairement que les femmes avaient un besoin urgent d’un espace où leurs voix pouvaient être entendues, et où leurs expériences, aussi douloureuses soient-elles, pouvaient être accueillies.
« Nous ne sommes pas là pour vous dire ce que vous devez ressentir, mais pour marcher ensemble sur le chemin de la guérison. »
La séance a commencé par une activité intitulée Le Pont du retour. Les femmes ont été invitées à reconnaître les réactions de leur corps face au danger.
« Quand le corps se fige, tremble, ou pousse à fuir, ce n’est pas de la faiblesse, mais un système naturel programmé pour nous protéger. »
Cette clarification a brisé un mur de culpabilité qui pesait sur beaucoup de femmes.
L’une d’elles a murmuré :« Je pensais m’être trahie en n’ayant pas pu crier ou résister, mais j’ai compris que mon corps tentait de me sauver. »
Sur les visages d’autres femmes s’est inscrite une surprise mêlée à un début de prise de conscience. La scène s’est transformée semant les graines d’une réconciliation intérieure.
Après ce moment de compréhension, la séance a pris une dimension pratique avec l’exercice Les cinq sens.
Les femmes ont été invitées à fermer les yeux un instant, puis à les rouvrir et observer
Que voyez-vous ? Quels sons atteignent vos oreilles ? Quelles odeurs flottent dans l’air ? Quel goût cette seconde laisse-t-elle sur vos langues ? Que ressentent vos mains en ce moment ?
Ces minutes ont constitué une pause face à la fuite incessante vers le passé. Les femmes ont redécouvert de petits détails négligés depuis longtemps : le souffle du vent sur les tentes, les rires lointains d’enfants jouant dehors, la texture d’un tissu évoquant un souvenir familier.
« J’ai eu l’impression de respirer profondément pour la première fois depuis des mois. J’ai saisi un fil qui me relie au moment présent. »
Une compétence ramenant les femmes des labyrinthes du passé vers un présent qu’elles pouvaient contrôler.
L’un des instants les plus puissants fut lorsque les participantes durent écrire une lettre à elles-mêmes, mais depuis le futur : celui où elles auraient surmonté la douleur et retrouvé le chemin de la guérison.
Une jeune femme écrivit : « Tu n’as pas faibli, tu as tenu bon, et demain ton sourire reviendra. »
Une mère écrivit à son futur moi :« Tu te souviendras de ces jours comme d’un lointain souvenir, et un jour tu riras en racontant à tes enfants ton courage. »
La séance s’est achevée par un moment profondément humain : les femmes furent invitées à exprimer une force qu’elles avaient découverte en elles-mêmes. Cette étape s’est transformée en un espace d’affirmations positives, où chaque mot reflétait une résilience jusque-là invisible.
« J’ai compris que je suis forte, car je n’ai pas perdu ma capacité à rêver malgré tout ce que j’ai traversé. »
Une autre murmura :« Mon courage n’était pas de fuir la peur, mais de continuer à vivre malgré sa présence. »
Les femmes se soutenaient mutuellement, transmettant un message clair : la force collective multiplie les chances de guérison individuelle.
Les femmes ne sont pas sorties de la séance totalement libérées de leurs douleurs, mais quelque chose avait changé en elles. Leurs visages étaient différents à la sortie : des yeux plus lumineux, des traits empreints d’une certaine sérénité, et une démarche plus assurée. Elles avaient compris que ce qu’elles vivaient n’était ni une honte ni une faiblesse, mais une étape qui pouvait être surmontée.
Les femmes ont appris dans cette séance que la résilience ne se limite pas à affronter le danger, mais qu’elle signifie aussi reconstruire son récit, le raconter autrement : non pas avec la voix des victimes, mais avec celle des survivantes.
Un espace presque sacré qui a redonné aux femmes la conviction qu’elles portent en elles une force indestructible, et que le chemin vers la guérison avait déjà commencé, dès leurs premiers pas dans cet atelier.
Lien vers les photos et vidéos
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