Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Des cris sous les décombres
1 avril 2025C’est le 1er Avril, c’est sordide, atroce ce monde qui reste spectateur : texte d’Abu Amir
Dans une scène qui se répète quotidiennement, l’armée israélienne poursuit son agression sanglante contre la bande de Gaza, piétinant toutes les lois internationales et les valeurs humaines censées protéger les civils en temps de guerre. Rien ne semble interdit : toutes les armes sont permises, tous les moyens sont légitimes tant qu’ils mènent à un seul objectif — tuer le plus grand nombre possible de Palestiniens sous prétexte d’éliminer le Hamas. Comme si toute Gaza était Hamas, comme si le fœtus dans le ventre de sa mère, le nourrisson dans son berceau ou le vieillard sous sa tente étaient tous des cibles légitimes. Même les fœtus n’ont pas été épargnés par cette guerre féroce. Le nettoyage ethnique ne distingue ni petit ni grand, et la mort se distribue équitablement à tous.
Chaque minute qui passe apporte une nouvelle frappe — aérienne, terrestre ou maritime — qui déchire les corps et transforme les âmes en simples chiffres, consignés dans les rapports des organisations de défense des droits humains, sans éveiller la moindre conscience. Au cœur de ce silence international honteux, les habitants de Gaza remarquent un type de bombardement nouveau, inédit. Les bombes larguées font un bruit plus effrayant, plus puissant, et leur pouvoir destructeur est sans précédent. Ce sont des armes nouvelles, peut-être expérimentales, qui font disparaître les corps et transforment les maisons en cratères profonds, comme si elles n’avaient jamais existé.
Pendant que les bombes s’abattent sur les quartiers, des discussions se tiennent dans les coulisses du gouvernement israélien, révélant l’ampleur du racisme enraciné dans l’esprit de certains ministres. Selon le journal Yediot Aharonot, lors d’une réunion du cabinet il y a deux jours, plusieurs ministres ont proposé de couper entièrement l’électricité à Gaza pour faire pression sur le Hamas. Mais le coordinateur des activités gouvernementales, Ghassan Alian, a expliqué qu’Israël ne fournit déjà plus d’électricité à Gaza, et que la lumière visible provient de générateurs privés et de panneaux solaires. Ce à quoi le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a répondu : « Alors, nous devons détruire les générateurs et éteindre leurs lumières. » Tzachi Hanegbi, chef du Conseil de sécurité nationale, a ajouté sur un ton sarcastique : « Ghassan, éteins-leur le soleil. Gaza doit être dans le noir, même en plein jour. »
Dans une escalade grave, l’armée israélienne a ordonné à tous les habitants des zones de Rafah — y compris les municipalités d’al-Nasr, al-Shawka, les zones orientales et occidentales, ainsi que les quartiers de Salam, al-Manara et Qizan al-Najjar — d’évacuer immédiatement vers les centres d’hébergement situés à Al-Mawasi, Khan Younès. Les ordres d’évacuation concernent toute la ville de Rafah, dans ce qui constitue l’avertissement le plus vaste depuis la reprise de la guerre, avec des menaces de retour à des combats intensifiés pour « éliminer les capacités des organisations terroristes », selon le communiqué militaire.
Les victimes ne sont pas seulement des civils dans leurs maisons — les agriculteurs aussi sont pris pour cibles. Selon des témoins, un drone israélien a ciblé un groupe d’agriculteurs à l’est du camp de Maghazi. Le contact a été perdu avec trois d’entre eux, tandis que les ambulances peinent à accéder à la zone en raison des tirs continus des forces israéliennes présentes.
Sur le plan humanitaire, le Programme alimentaire mondial a lancé une alerte sévère : les stocks alimentaires destinés à soutenir ses opérations à Gaza ne suffiront pas au-delà de deux semaines, menaçant des centaines de milliers de personnes d’une famine imminente.
Sur le front des négociations, le journal Haaretz a révélé que les services de sécurité israéliens considèrent les ordres d’évacuation de Rafah comme un moyen de pression pour contraindre le Hamas à accepter la libération de 11 otages vivants, contre cinq proposés par le mouvement. Bien que l’armée n’ait pas encore lancé d’opérations terrestres dans ces zones évacuées, elle se prépare à élargir son action si aucun accord n’est trouvé.
Dans ce contexte, la directrice des recherches à Amnesty International a affirmé que Netanyahou est accusé de crimes de guerre, d’avoir utilisé la famine comme arme, et d’avoir intentionnellement ciblé des civils, des actes qui relèvent de crimes contre l’humanité. Elle a ajouté que toute visite de Netanyahou dans un pays membre de la Cour pénale internationale sans arrestation ne ferait qu’encourager Israël à commettre davantage de crimes.
De son côté, la chaîne israélienne Kan a révélé de nouveaux détails sur la proposition israélienne concernant l’échange des otages : – Jour 1 : libération de 10 otages vivants, dont le soldat américano-israélien Idan Alexander ;
– Jour 5 : le Hamas doit fournir une liste complète des 59 otages restants, avec l’état précis de chacun ;
– Jour 10 : restitution des corps de 16 otages décédés.
En contrepartie, Israël libérera des prisonniers palestiniens dans les mêmes proportions que dans l’accord précédent.
Pendant les jours de trêve, des négociations porteront sur « le lendemain », avec des exigences israéliennes supplémentaires : libération de tous les otages, restitution des corps, création d’une zone de sécurité à l’intérieur de Gaza, désarmement complet et exil des dirigeants du Hamas hors de la bande.
Le Hamas a exprimé son refus de cette proposition, déclarant qu’il est prêt à libérer uniquement cinq otages vivants.
Jusqu’à présent, Israël n’a fixé aucun délai pour une réponse, mais elle menace d’intensifier son opération terrestre et de prendre le contrôle de nouvelles zones. Selon Axios, citant un responsable israélien, l’armée prévoit d’occuper 25 % de la bande de Gaza dans les deux à trois semaines, dans le cadre d’une campagne de pression maximale pour forcer le Hamas à céder.
Le rapport précise qu’Israël a accepté de discuter de la deuxième phase du cessez-le-feu, qui inclurait la fin de la guerre et le retrait complet de l’armée israélienne de Gaza, à condition que les négociations progressent. Le Hamas, en retour, libérerait les otages restants. L’objectif fondamental d’Israël reste cependant de prendre le contrôle de vastes portions de territoire et de les transformer en « zones de sécurité tampon ».
Dans une évolution parallèle, le journal Israel Hayom rapporte qu’Israël a demandé à l’Égypte et aux États-Unis de démanteler les infrastructures militaires que l’armée égyptienne a construites dans le Sinaï, en violation, selon Israël, de l’accord de paix bilatéral. Un haut responsable de la sécurité israélienne a qualifié ces actions de « grave violation de l’annexe sécuritaire ».
Ce responsable a affirmé qu’Israël tient à préserver l’accord de paix avec l’Égypte, qu’elle n’a pas l’intention de modifier son déploiement militaire à la frontière, mais qu’elle ne peut tolérer la situation actuelle.
Entre-temps, l’UNICEF a annoncé que 322 enfants ont été tués et 609 blessés à Gaza depuis la reprise des hostilités il y a seulement deux semaines. Le Département d’État américain, quant à lui, a accusé le Hamas d’avoir détourné l’usage des infrastructures civiles pour se protéger, mettant ainsi les travailleurs humanitaires en danger face aux frappes israéliennes.
Mais au milieu de cette obscurité, un miracle s’est produit hier à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza. Une jeune fille de 16 ans est sortie seule des décombres après avoir été portée disparue pendant quatre jours et déclarée morte avec sa famille, tuée dans le bombardement de leur maison. Elle errait dans la rue, hébétée, couverte de poussière, le visage blessé et ensanglanté, sous le regard stupéfait des passants qui n’en croyaient pas leurs yeux. Cette scène poignante et miraculeuse révèle l’ampleur de la tragédie : de nombreuses personnes survivent plusieurs jours sous les ruines, parlent aux secours, demandent de l’aide… mais meurent lentement, faute de moyens de sauvetage. Les équipes de la défense civile sont souvent incapables d’agir, sans équipements adaptés ni renforts.
Et ce qui est encore plus douloureux que les bombardements eux-mêmes, c’est la souffrance des proches, lorsqu’ils entendent les voix de leurs êtres chers crier sous les décombres, appeler leurs noms, demander de l’eau, de l’air, de l’aide… sans pouvoir rien faire d’autre que pleurer et prier. Combien de mères se sont assises sur les ruines de leur maison, entendant la voix de leur enfant les appeler, incapables de soulever une seule pierre, attendant en vain une aide qui n’arrive jamais ? Combien de pères ont murmuré des mots d’espoir à leur fils piégé, tout en sachant que le temps s’écoule et que personne n’arrivera à temps ? Ce sont des moments qui dépassent toute description, semblables à une lente agonie, où l’on regarde un être cher mourir sans pouvoir lui tenir la main ou lui dire adieu. Ces histoires se répètent chaque jour. Elles ne figurent pas dans les bulletins d’informations ni dans les rapports officiels, mais elles constituent la vérité nue vécue par les habitants, avec toute sa douleur et son désespoir.
Face à ces atrocités quotidiennes, une question demeure : jusqu’à quand le monde restera-t-il spectateur ? Combien d’enfants devront encore mourir, combien de villes devront être rasées, avant que la conscience humaine ne s’éveille ? Gaza saigne, la terre hurle, et le silence international est un crime de plus ajouté à une longue liste de meurtres et d’abandons.
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