Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Du mensonge d’ Oslo au Génocide de Gaza

25 novembre 2025

Un mensonge peut durer trente ans, transformer les espoirs en décombres : Gaza ne meurt pas et se renouvelle! Texte d’Abu Amir le 25 Novembre

Depuis plus de trente ans, les Palestiniens tissaient leurs rêves sur un fil qu’ils croyaient les mener vers les rivages de l’État et de l’indépendance. On leur avait dit que l’accord appelé « Oslo » marquerait le début d’une nouvelle étape : une étape où la porte de la liberté s’ouvrirait, où le drapeau palestinien flotterait sur Jérusalem, et où la terre retournerait à son peuple après des décennies d’occupation. Les mots enivraient alors, les promesses séduisaient, et l’horizon paraissait, ne serait-ce qu’un instant, un peu moins sombre. Mais entre les déclarations et les applaudissements, entre les photos de signatures sous les projecteurs, un grand leurre prenait naissance : un leurre qui allait coûter aux Palestiniens une vie de pertes et de brisures.

On avait cru qu’Oslo serait le chemin le plus court vers l’État, mais il ne fut que le chemin le plus long vers la déception. Alors que les Palestiniens rassemblaient leurs plaies, espérant cinq années menant à la souveraineté, les faits sur le terrain racontaient une toute autre histoire. Les colonies s’étendaient comme si elles poussaient de chaque pierre, et la terre était morcelée comme si une carte avait été préparée pour effacer toute possibilité d’un État futur. Le Palestinien entrait dans une zone et sortait d’une autre par des passages ressemblant à des portes de prison, et le rêve politique était remplacé par une « paix économique » qui ne ressemblait ni à la paix ni à une économie mais plutôt à une tentative d’étouffement enveloppée de discours modernistes.

Gaza, la plus pauvre et la plus densément peuplée, était aussi la plus consciente de l’expansion de l’illusion. Alors que les accords annonçaient une « période d’espoir », les habitants du territoire sentaient leur vie reculer. Ils n’obtinrent ni liberté de mouvement, ni ouverture de passages, ni amélioration économique, ni signes d’un État proche. Le mensonge d’Oslo grandissait et avec lui le désespoir.

Au début des années 2000, le paysage entier s’est renversé. La deuxième Intifada a éclaté, dévoilant la fausseté d’un « processus de paix » construit sur une base fragile. Puis est venu le retrait israélien de Gaza en 2005, présenté au monde comme un geste courageux vers la paix, mais qui s’est rapidement transformé en prélude à un siège étouffant encerclant le territoire de toutes parts. En 2007, le territoire a été complètement fermé, devenant la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Les Gazaouis n’attendaient plus l’avenir, mais les heures d’électricité, les citernes d’eau, et le minimum vital.

Durant de longues années, le citoyen de Gaza a cherché dans les détails minuscules un sens à la survie. Quelques heures d’électricité, une eau impropre à la consommation, un chômage dépassant la moitié de la population, trois guerres majeures entre 2008 et 2014 qui ont détruit des milliers de maisons et réduit des milliers de rêves en ruines. Le Palestinien de Gaza mesurait sa journée à l’énergie qu’il lui restait pour tenir, et non à l’espoir qu’il lui restait pour vivre. Gaza, avant le Déluge d’al-Aqsa, vivait au bord de l’explosion et au bord de l’oubli aussi.

En Cisjordanie, les colonies dévoraient la terre avec voracité. Chaque jour, une nouvelle colonie ; chaque semaine, une nouvelle route de contournement ; chaque mois, une nouvelle loi légalisant davantage de contrôle. Et tandis que les gouvernements israéliens — successifs sans exception — parlaient de paix devant le monde, ils faisaient le contraire sur le terrain. Trois décennies ont démontré que le gouvernement israélien n’a jamais désiré une paix réelle, non parce qu’elle serait impossible, mais parce qu’elle signifierait renoncer à un projet que l’occupation ne veut pas abandonner : un projet de domination, d’annexion et d’expansion coloniale jusqu’au dernier fragment de terre. Une paix de ce genre ne convient pas à un gouvernement qui voit dans le Palestinien un obstacle, dans la terre une conquête, dans les accords une simple couverture pour consolider les faits accomplis.

Le gouvernement israélien n’a pas été seul à écrire ce scénario. Le monde, avec ses grandes puissances, a participé — par son silence, ses discours ou son incapacité — à produire un nouveau mensonge chaque fois que le précédent commençait à s’effriter. De la « solution à deux États » qui n’a jamais approché l’application, au « processus de paix » qui n’a pas avancé d’un pas, jusqu’au « Deal du siècle » de 2020, qui ressemblait davantage à un acte officiel de décès des droits palestiniens. Ce plan n’a rien révélé de nouveau ; il n’a fait que dévoiler une vérité qui mûrissait depuis trois décennies : il n’y avait pas de paix en construction, mais un leurre en gestion. Il n’y avait pas un État en préparation, mais une cause effacée pièce par pièce. Les Palestiniens ne se rapprochaient pas de leurs droits: ils étaient enterrés sous des couches de promesses diluées.

Puis vint le 7 octobre 2023, le moment de l’explosion que le monde n’avait pas vu venir. Le Déluge d’al-Aqsa n’était pas une simple opération militaire, mais le résultat de décennies de tension, de siège, d’ignorance du monde, du silence des gouvernements, des désillusions commencées à Oslo et enroulées sans relâche. Et dans les heures qui ont suivi l’opération, les portes de l’enfer se sont ouvertes sur Gaza: une guerre sans précédent en ampleur de destruction, en intensité des bombardements, en ciblage du vivant et du bâti, en écrasement des infrastructures, en effacement de quartiers, d’hôpitaux, d’universités, de mosquées et d’églises.

Les habitants de Gaza se sont retrouvés à vivre la fin du monde chaque jour. Des maisons effacées, des enfants tués, des familles enterrées sous les décombres, des hôpitaux transformés en champs de bataille. La faim progresse, la maladie se répand, l’eau se raréfie, et les gens cherchent les bases mêmes de la vie. Le Palestinien n’attend plus un lendemain meilleur, mais une heure sans bombardement, une minute avec de l’eau, un instant où il peut entendre des nouvelles de son fils, de sa mère ou de sa sœur.

Les mères cherchent de la nourriture plus qu’elles ne cherchent le repos, les enfants craignent le sommeil plus qu’ils ne redoutent l’éveil, les malades meurent lentement faute de soins, les personnes âgées vivent sur les souvenirs de maisons détruites, et les pères dissimulent leur peur pour donner un peu de force à leurs enfants. Les corps sont enterrés dans des fosses communes, les écoles se transforment en refuges misérables où s’entassent les familles. Ce n’est pas une tragédie soudaine, mais le résultat de longues décennies de siège, de gel des solutions et de mensonges répétés aux Palestiniens.

Trois décennies d’histoire ont révélé la vérité du mensonge : le mensonge de l’État proche, de la paix durable, de la prospérité économique, du discours selon lequel Gaza serait « d’abord ». Les habitants se sont retrouvés finalement et douloureusement les plus accablés. La vérité majeure est devenue claire : Israël n’a jamais avancé vers une solution, et les gouvernements du monde — par leur silence, leur complicité ou leur soutien — ont participé à un scénario dont les Palestiniens paient seuls le prix.

Pourtant, tout ce chaos n’a pas effacé une chose : la conscience palestinienne née sous les décombres. Une génération née après Oslo, ayant vécu toutes les guerres, ayant grandi sous le siège, est aujourd’hui plus lucide que jamais. Une génération qui n’a pas été trompée par les promesses, qui n’a vu dans les slogans de « paix » qu’un voile couvrant une politique approfondissant l’occupation au lieu de l’abolir. Une génération qui sait désormais que la lutte ne peut être réduite à un compromis incomplet, et que la liberté ne vient pas d’une table de négociation contrôlée en dehors de la volonté palestinienne.

Et au milieu des ruines, quelque chose qui ressemble à de la lumière naît toujours. Pas la lumière de la solution, ni celle de l’État, mais celle d’une volonté qui n’a pas été bombardée malgré tout. Les Palestiniens — particulièrement à Gaza — résistent encore au minimum possible : par la résilience, par l’espoir, par la réparation d’une tente après chaque bombardement, et par la reconstruction incessante de ce qui tombe chaque jour. La cause palestinienne, malgré toutes les tentatives de l’effacer, demeure vivante, vibrante, présente, obligeant le monde — qu’il le veuille ou non — à y revenir encore et encore.

Le mensonge avait commencé par un rêve… il s’est achevé en ruines. Mais ces ruines n’ont pas réussi à tuer la volonté. Car les peuples ne sont pas vaincus facilement, Gaza, malgré toute la destruction écrit encore la page la plus dure et la plus sincère de ce conflit. Une page qui dit clairement : un mensonge peut durer trente ans, mais il ne peut effacer la vérité. Et la vérité des Palestiniens, malgré la lourdeur des plaies, est une cause qui ne meurt pas sous les bombes… mais se renouvelle.

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