Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Fracture du gouvernement israélien, escalade des massacres à Gaza
15 mai 2025Le 14 Mai Abu Amir envoie ce texte pour dire à quel point les gens ne demandent rien de plus que la fin des massacres
Gaza ne dort jamais. Quiconque la visite n’entend que le sifflement des avions et ne voit que des tas de décombres, des corps d’enfants déchirés, et des mères hébétées qui s’accrochent aux noms de leurs enfants plus qu’à leurs mains. La guerre a dépassé tout ce que l’esprit humain peut concevoir, et le sang n’est plus l’exception, mais la règle.
Les massacres se succèdent sans relâche. Les bombardements ont visé des hôpitaux, dont l’hôpital européen de Khan Younès et un bâtiment de l’hôpital Nasser, dans une atteinte flagrante à des installations supposées être sûres et neutres. Même les tentes des déplacés n’ont pas été épargnées, et les écoles se sont transformées en cimetières collectifs. Chaque recoin de Gaza est devenu une cible, chaque mouvement est aux yeux des avions. Plus de cinquante civils sont tués chaque jour, en majorité des femmes et des enfants, dans des crimes assumés, sans aucune honte à la lumière du jour.
Il est devenu évident que cette guerre ne vise plus des combattants, mais la vie elle-même. La banque d’objectifs de l’armée israélienne semble épuisée, ne laissant à l’armée qu’un seul but : anéantir les innocents et frapper ce qu’il reste de souffle.
Mais ce qui a attiré récemment l’attention, c’est le changement de ton à l’échelle mondiale.
De nombreuses voix s’élèvent désormais depuis diverses capitales, appelant Israël à cesser les massacres, à laisser entrer l’aide humanitaire, et à s’asseoir à la table des négociations.
Plus important encore, le discours politique occidental, longtemps doux ou complice, commence à changer. Plusieurs déclarations ont été émises ces derniers jours par des responsables internationaux, dénonçant clairement la politique de famine imposée par Israël, la violation systématique du droit international humanitaire, les crimes de guerre, voire les crimes de génocide perpétrés contre les civils palestiniens de Gaza.
Pour la première fois depuis des années, le terme “génocide” domine les bulletins d’information internationaux, non comme une simple accusation, mais comme une réalité soutenue par des images et des témoignages.
Même les médias occidentaux, qui ont longtemps relayé la version israélienne, commencent à revoir leur position. Les reportages, les témoignages de terrain, et les images d’enfants extraits des décombres ont inversé l’opinion publique et réveillé une conscience humaine — même si c’est tardivement.
Mais il ne s’agit pas seulement de déclarations. La pression populaire mondiale augmente à un niveau sans précédent.
Manifestations dans de grandes capitales, grèves étudiantes, campagnes de boycott, déclarations d’universités, de syndicats, d’artistes et d’universitaires — tous exigent la fin de l’agression, la levée du blocus, et la reddition des comptes pour les crimes commis.
Les peuples du monde ne se contentent plus de la version officielle, ils n’acceptent les justifications répétées du meurtre d’enfants. Et cette pression commence à embarrasser les gouvernements soutenant Israël et à perturber leurs calculs.
La politique israélienne, qui pendant longtemps semblait être un atout stratégique, devient un fardeau lourd pour les intérêts de ces pays. Il n’est plus possible de la défendre, ni politiquement, ni moralement, ni médiatiquement. Israël devient un poids pour ses partenaires occidentaux dans tous les dossiers, les plaçant en confrontation directe avec leurs propres peuples en colère.
Au cœur de cette transformation, le gouvernement de Netanyahou vit un effondrement interne sans précédent. La rue israélienne est en ébullition : manifestations quasi quotidiennes, opposition politique farouche, divisions au sein de la coalition au pouvoir, et appels à la démission du gouvernement.
Beaucoup en Israël tiennent désormais Netanyahou pour responsable de l’aggravation de l’isolement international, de la prolongation de la guerre, et de la mise en péril de l’avenir de l’État. Même son plus fidèle soutien – Donald Trump – qui fut pendant des années le pilier politique et idéologique d’Israël, semble désormais vouloir s’en éloigner et réorganiser ses cartes sans elle.
Sous cette pression internationale et interne, le gouvernement israélien accélère ses frappes, comme s’il courait contre sa propre fin. Aucun lieu n’est épargné par ses feux : ni hôpital, ni école, ni camp de déplacés. L’objectif n’est plus de remporter des gains militaires, mais de provoquer un maximum de morts et de destructions avant d’être contraint de s’arrêter.
Et au milieu de tout cela, le mot “trêve” refait surface. Un mot léger à la prononciation, mais lourd de sens dans les cœurs.
À Gaza, la trêve ne se lit pas dans les communiqués politiques, mais dans les visages des déplacés.
Dans les camps, les maisons détruites, les couloirs des hôpitaux, les gens ne parlent pas des “conditions de cessez-le-feu”, mais demandent :
“Est-ce que les bombardements vont cesser ? Allons-nous survivre jusqu’à demain ? Pourrons-nous retourner chez nous ?”
À chaque visite dans ces lieux, une question me hante, répétée sans relâche par les déplacés :
“Y a-t-il une trêve ? Savez-vous quelque chose ?”
Ils voient en moi, en tant que travailleur humanitaire d’une organisation internationale, une source possible d’information.
Et je n’ai à leur répondre que ceci :
“Nous ne savons pas, nous espérons comme vous.”
Je le dis en essayant de leur transmettre un peu de réconfort, mais en vérité, moi-même je cherche quelqu’un pour me rassurer.
À Gaza, la trêve n’est pas un article de négociation, mais une vie volée que l’on veut retrouver.
C’est le droit pour un enfant de dormir sans être réveillé par un missile, pour une mère de marcher dans la rue sans trembler à chaque bruit, pour un nouveau-né de naître dans des bras, non dans un cratère.
Les gens ne demandent rien de plus que la fin des massacres.
Mais malgré cela, ils ne font plus facilement confiance.
Chaque trêve passée a été le prélude à un nouveau massacre, chaque promesse du monde s’est soldée par un bain de sang.
Et malgré la trahison, Gaza attend toujours.
Elle attend que les armes se taisent, que la lumière revienne, que les décombres soient dégagés, que les enfants retournent à l’école.
Elle attend, dans le silence et la dignité,
Avec des larmes rarement versées, mais qui suintent entre les mots.
Elle attend, parce qu’elle est épuisée par la mort,
Et parce qu’elle mérite la vie.
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