Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Gaza entre le feu des raids et le froid de l’hiver
16 décembre 2025Le 15 Décembre Abu Amir décrit une souffrance humaine à Gaza qui dépasse les limites du silence international.
Dans une scène qui se complexifie d’heure en heure, les raids israéliens se poursuivent sur les villes de Rafah et Khan Younès, en violations successives d’un accord de cessez-le-feu qui à peine avait repris son souffle avant de redevenir lettre morte face à une escalade incessante sur le terrain. À l’aube de lundi, les avions de chasse israéliens sont revenus survoler intensément le ciel de Rafah, lançant leurs missiles sur des quartiers surpeuplés de déplacés, tandis qu’un tir nourri provenant des véhicules militaires stationnés au nord de la ville semait la panique parmi des habitants pris au piège sous les bombardements, incapables de fuir ou même de comprendre ce qui se passait autour d’eux au milieu des explosions successives.
Au large de Gaza, les vedettes militaires ouvraient elles aussi un feu nourri au large de la côte d’Al-Sudaniya, accompagnées de tirs de grenades sonores qui secouaient l’atmosphère et accentuaient la tension, tandis que les survols maritimes et aériens provocateurs se poursuivaient à toute heure, confirmant que le calme censé accompagner l’accord de cessez-le-feu est loin de la réalité.
Selon des témoins et des rapports locaux, Israël continue de violer l’accord par ses raids répétés et par la modification des points convenus pour la ligne de retrait connue sous le nom de « ligne jaune ». Parallèlement, l’aide humanitaire est restreinte et empêchée d’atteindre des milliers de familles coincées sous les décombres ou dans les tentes. Malgré les appels du Hamas à respecter pleinement l’accord et l’invitation faite aux médiateurs d’intervenir pour mettre fin à ces violations, Israël, selon des médias hébreux, refuse toujours de passer à la deuxième phase de l’accord, tandis que les pressions américaines semblent, jusqu’à présent, incapables de modifier la position du gouvernement de Netanyahou. Une source sécuritaire israélienne a déclaré que la mise en œuvre de cette phase « reste lointaine », soulignant l’absence d’États prêts à participer à la force internationale de stabilisation censée être déployée à Gaza conformément aux termes de l’accord, alors qu’Israël poursuit le dossier du corps du soldat Ran Goeili, dont elle réclame la restitution depuis l’intérieur de la bande, un dossier qui rend encore plus complexe la scène politique et militaire.
Depuis le début de la première phase de l’accord, le 10 octobre 2025, après deux années d’une guerre dévastatrice ayant coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes et détruit la majeure partie des infrastructures civiles du secteur, les Gazaouis tentent de reconstruire ce qui reste de leur vie dans des conditions presque inhumaines. La guerre n’a pas seulement détruit les bâtiments : elle a laissé derrière elle des cicatrices profondes dans les âmes et des scènes difficilement effaçables de la mémoire. Les habitants vivent entre un passé tragique et un présent qui ne leur promet rien sinon davantage de malheurs. Même après l’annonce du cessez-le-feu, ils n’ont pas trouvé de véritable répit : les violations continues, le bruit des avions, les bombardements soudains et l’absence de sécurité ont fait de la peur une composante constante de leur quotidien.
Sur le plan humanitaire, les habitants du secteur vivent l’une des périodes les plus rudes qu’ils aient connues depuis de longues années. L’hiver, censé apporter pluie et calme, s’est transformé cette année en un cauchemar aggravant leur souffrance. Les tentes qui abritent des centaines de milliers de déplacés sont usées, ne protègent ni du froid ni de la pluie, les vents nocturnes arrachent les piquets et s’infiltrent par les trous du tissu pour ronger les corps des enfants, des malades et des personnes âgées. Beaucoup décrivent leurs nuits comme une bataille pour résister au froid plus qu’un moment pour dormir, car le sommeil, dans de telles conditions, est un luxe que personne ne peut se permettre. Les mères voyant leurs enfants grelotter, passent des heures à tenter d’allumer un petit feu, réparer une déchirure dans le toit de la tente, ou calmer un enfant qui pleure de peur, de froid, de faim.
Le système de santé est presque effondré, les hôpitaux de campagne surchargés sont incapables d’accueillir davantage de blessés. De nombreux médicaments sont épuisés, d’autres arrivent en quantités insuffisantes pour couvrir ne serait-ce qu’une petite partie des besoins, tandis que le nombre de patients souffrant d’infections respiratoires et de fortes grippes augmente en raison de l’exposition constante au froid et à la pluie. Pour ceux qui souffrent de maladies chroniques, les difficultés sont encore plus grandes : la pénurie de traitement et la difficulté d’y accéder rendent de nombreuses situations tragiques, simplement faute d’un abri sûr et de soins essentiels.
Sur le plan psychologique, les habitants du secteur traversent un état d’épuisement émotionnel et mental. La peur permanente, la perte de proches, l’incertitude quant à l’avenir et les nouvelles incessantes annonçant un possible retour de l’escalade à tout moment ont entraîné des niveaux de stress sans précédent. Les enfants, en particulier, souffrent de troubles du sommeil, de crises de panique, d’énurésie, et de longs silences précédant les larmes. Les centres de soutien psychologique qui existaient avant la guerre ont été détruits ou fonctionnent avec des capacités limitées, alors que les besoins n’ont jamais été aussi urgents. Dans chaque ruelle des camps temporaires, on peut lire l’épuisement sur les visages : yeux creusés, pas lents, corps affaiblis, voix éteintes cherchant une consolation dans un quotidien qui s’acharne à briser ce qui reste d’espoir.
La situation de vie n’est pas moins dure : la nourriture est rare, l’eau potable l’est encore plus, et les files d’attente devant les points de distribution d’aide s’étendent des heures durant sous la pluie. Beaucoup rentrent les mains vides parce que les quantités distribuées ne suffisent qu’à une part limitée des personnes. Ceux qui réussissent à obtenir un peu de nourriture la partagent souvent avec d’autres familles démunies, illustrant une solidarité admirable malgré l’oppression, tout en révélant l’ampleur du dénuement humanitaire imposé. L’électricité est presque inexistante, et les habitants dépendent de petites batteries ou de panneaux solaires défectueux qui ne fournissent même pas le minimum nécessaire à la vie quotidienne. Quant à la cuisson et au chauffage, ils sont devenus un lointain rêve, car obtenir du gaz ou du bois est aujourd’hui presque impossible.
Ce qui pèse encore plus lourd dans les cœurs que les conditions de vie, c’est ce profond sentiment d’abandon, celui d’un monde qui les laisse sous la pluie et les bombardements affronter seuls leur destin. Beaucoup demandent, avec une amertume palpable : jusqu’à quand durera cette punition collective ? Jusqu’à quand Israël continuera-t-elle d’agir en dehors des lois internationales, indifférente aux accords et à la vie des civils ? Jusqu’à quand la communauté internationale restera-t-elle incapable d’imposer une solution garantissant une vie digne aux habitants de Gaza, épuisés par les guerres, l’exil et la destruction ? Ces questions restent sans réponse, mais elles résonnent dans chaque tente, chaque rue et chaque recoin du secteur sinistré.
Et malgré toute cette douleur, les Gazaouis restent attachés à une petite lueur d’espoir qui réapparaît à chaque accalmie après une vague de bombardements. Un espoir de rentrer un jour dans des maisons nouvelles au lieu des ruines du passé, de voir leurs enfants vivre en sécurité, et de traverser un hiver qui frappe aux fenêtres plutôt qu’aux parois des tentes. Mais cet espoir demeure fragile tant qu’Israël poursuit ses violations et tant que le monde se contente d’observer sans exercer une pression réelle pour mettre fin à ces agressions qui menacent la vie de millions de personnes.
Entre des raids qui se répètent, un accord violé et un hiver qui redouble la douleur, les habitants de Gaza vivent un nouveau chapitre d’une souffrance continue. Une souffrance qui place l’humanité devant une épreuve morale difficile et soulève une question plus urgente que jamais : jusqu’à quand Israël continuera-t-elle à infliger de telles souffrances aux habitants du secteur, indifférente aux principes de l’humanité et du droit international ? La réponse à cette question ne devrait pas être laissée au temps, mais imposée par une volonté internationale capable de rendre justice et de prévenir la répétition de la tragédie, avant que ce qui reste des visages du secteur ne disparaisse sous les décombres de la guerre, du froid, de la faim et du désespoir.
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