Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Gaza, fermeture des points de passage = menace de famine

12 mars 2025
Dans le Nord de Gaza

Le 12 Mars Abu Amir fait le point sur la situation de blocus total de Gaza qui persiste. Jusqu’où iront ils, jusqu’où accepterons nous qu’ils aillent ?

Plus de 80 % des 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza dépendent de l’aide humanitaire, alors que la souffrance de la population se poursuit après que l’armée israélienne a interrompu l’entrée de l’aide depuis neuf jours.

« La situation est devenue insupportable », déclare la Palestinienne sexagénaire Oum Hassan Abdel Rahman, alors qu’elle ramasse du bois pour allumer un feu et tenter de préparer un repas pour sa famille dans sa maison partiellement détruite à Khan Younis, au sud de la bande de Gaza.

La situation d’Oum Hassan reflète celle de la majorité des habitants de Gaza, qui subissent les conséquences de la fermeture des points de passage par Israël et du blocage de l’entrée de l’aide humanitaire, du carburant et du gaz de cuisson depuis plus d’une semaine. De plus, la plus grande station de dessalement d’eau de Gaza a cessé de fonctionner le dimanche 9 mars en raison des coupures d’électricité.

Israël a fermé les points de passage, notamment celui de Kerem Shalom, et a interdit l’entrée des aides et des marchandises depuis le matin du 2 mars, après la fin de la première phase de l’accord de cessez-le-feu qui a duré 42 jours, depuis son entrée en vigueur le 19 janvier dernier.

Oum Hassan affirme que la fermeture des points de passage a entraîné la disparition de nombreux produits des marchés et une flambée des prix. En montrant une boîte de haricots en conserve devant elle, elle ajoute : “C’est notre petit-déjeuner aujourd’hui, des conserves que nous faisons chauffer sur un feu de bois faute de gaz.”

Des prix qui s’envolent

Ces derniers jours, les réseaux sociaux ont été inondés de plaintes concernant la disparition de nombreux produits et l’augmentation drastique des prix des rares marchandises disponibles. Selon Oum Hassan, qui subvient aux besoins d’une famille de dix personnes, ces prix sont désormais inaccessibles pour la majorité des habitants, surtout après des mois de guerre qui leur ont fait perdre leurs sources de revenus et leurs économies.

Après un long déplacement forcé, Oum Hassan est retournée dans sa maison partiellement détruite, où elle dépend presque entièrement de l’aide humanitaire pour subvenir aux besoins de sa famille.

Les estimations locales et internationales indiquent que plus de 80 % des habitants de Gaza comptent sur l’aide humanitaire pour assurer leur survie quotidienne, rendant la fermeture continue des points de passage une menace directe pour leur survie.

Oum Hassan ironise sur la situation difficile en esquissant un sourire amer : « Nous n’avons même pas eu le temps d’oublier les conserves que nous devons déjà y revenir, et cette fois, nous les cuisons sur le feu parce que nous n’avons plus de gaz. »

Elle explique avoir déposé sa seule bouteille de gaz chez le distributeur agréé pour la faire remplir avant la fermeture des points de passage par Israël, mais qu’elle ne l’a toujours pas récupérée à cause de l’interdiction d’entrée du gaz et du carburant. Le prix du gaz de cuisson sur le marché noir a explosé, atteignant 120 shekels par kilo, contre moins de 40 shekels auparavant. Chez les distributeurs agréés, le prix officiel pour une recharge de 8 kilos était de 60 shekels avant la fermeture.

Les points de passage, un outil de chantage

Selon l’organisation Médecins sans frontières, Israël utilise l’aide humanitaire comme une arme de guerre. Dans un message publié sur la plateforme X, l’organisation a déclaré qu’« Israël entrave une fois de plus l’acheminement de l’aide et l’utilise comme un levier de négociation, ce qui est inacceptable et entraînera des conséquences désastreuses. »

De son côté, le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a averti que « l’arrêt par Israël de l’acheminement de l’aide vers Gaza menace la vie des civils, déjà épuisés après 16 mois de guerre dévastatrice. » Il a ajouté que « la grande majorité des habitants de Gaza dépendent de l’aide pour survivre, » insistant sur le fait que « l’aide humanitaire ne doit jamais être utilisée comme un outil de négociation dans un conflit. »

Craintes de famine et reprise des combats

La fermeture des points de passage a accru les craintes d’une détérioration de la situation humanitaire ou d’une reprise de la guerre. Mohamed Abou Amcha, qui est retourné dans le nord de Gaza après des mois de déplacement dans le sud, témoigne : « La situation est extrêmement tendue, les menaces sont constantes, et la fermeture des points de passage aggrave les choses en menaçant de provoquer une nouvelle famine. »

Sur les marchés, de nombreux vendeurs affirment que la hausse des prix est principalement due aux « grands commerçants », qu’ils accusent de stocker les marchandises et de les écouler en petites quantités afin de maximiser leurs profits face à la crise actuelle.

Bien que les autorités locales de Gaza annoncent régulièrement des campagnes pour contrôler les prix, les habitants ne ressentent aucune amélioration réelle dans la disponibilité des produits ou la baisse des prix. En réponse, le gouvernement a appelé les commerçants à « faire preuve de responsabilité nationale et à ne pas exploiter la situation difficile des habitants. »

Une crise aux conséquences multiples

Le directeur du bureau gouvernemental de l’information, Ismaïl Al-Thawabta, a mis en garde contre le retour imminent de la famine à Gaza si l’interdiction d’entrée de l’aide humanitaire se poursuit, surtout en raison de l’arrêt de la production locale et de la dépendance totale de la population à l’aide alimentaire.

Il a ajouté que les conséquences de la fermeture des points de passage ne se limitent pas au manque de nourriture. L’interdiction d’entrée des médicaments et du matériel médical met en danger la vie de milliers de patients et de blessés. De plus, l’absence d’équipements lourds entrave le déblaiement des décombres, alors que des milliers de corps sont encore ensevelis sous les ruines.

Par ailleurs, la crise du carburant menace de paralyser les hôpitaux et de priver d’électricité les centres d’hébergement et les infrastructures vitales, ce qui pourrait provoquer une catastrophe sanitaire et environnementale. Enfin, l’interdiction d’entrée des matériaux d’abri laisse près d’un million et demi de personnes sans logement, dans un contexte de températures glaciales et de conditions de vie extrêmement précaires, marquées par le manque d’eau, de nourriture et d’électricité.

Jour après jour, la situation à Gaza se détériore, alors que la fermeture des points de passage et l’interdiction d’entrée de l’aide continuent d’aggraver une crise humanitaire sans précédent.

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