Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Gaza : Sous les décombres

21 mai 2025
Vue du camp de réfugié.e.s de Jabalyia depuis la chambre du journaliste Hamza Salha

Abu Amir le 21 mai envoie un texte qui écrit une des multiples histoires de vie mortellement dangereuse et inhumaine qui sont la réalité de Gaza aujourd’hui. Histoires de vie et de mort dans une cellule d’un commissariat détruit au Nord de Gaza.

Un commissariat détruit dans le quartier d’Al-Nasr. Dans des cellules brûlées autrefois utilisées pour la détention, ces sans-abri ont trouvé un dernier refuge après que l’occupation a détruit leurs maisons dans la ville de Beit Lahia. Ils ont fui vers un endroit sans abri, sans adresse, sinon la ruine. Le bâtiment qu’ils ont investi n’est plus habitable : murs fracassés, toit menaçant de s’effondrer, chaque recoin empeste la mort et la cendre.

Hadeel Shahada, atteinte d’un cancer, y vit avec ses deux parents âgés, sa sœur, ses deux filles, ses deux frères et leurs familles – un total de 19 personnes, en majorité des femmes et des enfants. Hadeel, d’une voix tremblante de peur, déclare : « Nous vivons sous une menace constante : soit le lieu sera de nouveau bombardé, soit nous serons ensevelis sous ses décombres, soit nous mourrons de faim. »

Depuis le début de la guerre le 7 octobre 2023, jusqu’au cessez-le-feu du 19 janvier, puis la reprise des frappes le 18 mars, la famille a été contrainte de fuir à plusieurs reprises. Ils ont d’abord dressé une tente près de leur maison détruite, avant de l’abandonner de nouveau après la reprise des bombardements. À Gaza, les écoles et les tentes sont surpeuplées de déplacés ; ils n’ont trouvé refuge que dans ce commissariat brûlé.

La faim les ronge jour après jour. Ils n’ont pas reçu de farine depuis plus d’un mois et dépendent d’une soupe de lentilles offerte par une organisation caritative. Pas de pain, pas de nourriture suffisante, tandis que les enfants passent leur journée à même le sol de cette cellule, dans le nord de la bande de Gaza, où des nuages noirs s’amoncellent au-dessus d’une ville en hémorragie. Sept familles déplacées y vivent en attendant un repas qui ne vient jamais.

La faim n’est pas leur seule menace. Les bombardements ne font aucune distinction entre une tente et une maison, entre une rue et une école. Oum Kalthoum Abou Asr, une autre déplacée, a trouvé refuge avec son mari et ses enfants dans une des cellules. Elle raconte avoir averti tout le monde du danger que représente ce lieu, mais qu’ils n’avaient pas d’autre choix. Chaque mètre carré de Gaza est devenu dangereux, chaque instant oscille entre la survie et la disparition. Elle évoque avec douleur le dernier raid qui a secoué le bâtiment comme un séisme, les mettant au bord de la mort. Elle affirme qu’il s’agit d’une guerre sans tabous, sans distinction entre civil et militaire, entre jeune et vieux. Tentes, maisons, rues et écoles sont visés, les survivants sont traqués de la mort à une autre mort.

L’UNRWA estime qu’environ 1,9 million de personnes ont été déplacées de leurs maisons, et que 420 000 d’entre elles ont dû fuir de nouveau après l’effondrement de la dernière trêve.

Aujourd’hui, 69 % du territoire de la bande de Gaza est soumis à des ordres d’évacuation ou classé zone interdite – la majorité des habitants vit donc soit en exil perpétuel, soit dans des zones invivables.

Le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a décrit cette réalité sombre en disant : « Il n’y a pas d’échappatoire… La mort poursuit les familles de Gaza où qu’elles aillent. Il n’y a pas de lieu sûr, personne n’est à l’abri », ajoutant que l’indifférence mondiale mène à une banalisation de la déshumanisation, où des familles sont bombardées, des enfants brûlés vifs.

Dans la cellule de Hadeel, aucune déclaration n’arrive, aucun cri ne monte. Il n’y a que les gémissements des malades, les pleurs des affamés, et des yeux fixés vers le ciel. Gaza est devenue une ville fantôme, une ville de cendres et de ruines, vivant au bord de la fin. Pourtant, malgré tout, les familles s’accrochent à la vie.

Hadeel, dans sa cellule brûlée, continue de raconter des histoires aux enfants, prépare la modeste soupe de lentilles, et sourit chaque jour sans bombardement, chaque jour échappé à une nouvelle mort. Sous les décombres, une vie continue de s’écrire – même si c’est sur du papier de fumée.

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