Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Gaza, Un plan de paix qui reste sur le papier
18 décembre 2025Abu Amir répertorie dans ce texte du 17/12 toutes les violations sur le terrain : comment la procrastination israélienne alimente la crise humanitaire à Gaza
Alors que les acteurs internationaux évoquent de prétendus efforts de paix et qu’Israël annonce son engagement à respecter les clauses du cessez-le-feu, la bande de Gaza vit une réalité tout à fait différente. Une réalité révélée par des pratiques quotidiennes allant des assassinats ciblés, des bombardements et de la destruction de maisons, à un étouffement sévère empêchant l’entrée de l’aide humanitaire, véritable artère vitale pour la population du territoire assiégé. Malgré la clarté des dispositions contenues dans le plan de paix et l’accord de cessation de la guerre, Israël, comme l’indiquent les faits, n’en a respecté qu’une infime partie, faisant de la procrastination une approche constante, tandis que la situation humanitaire se détériore à des niveaux sans précédent depuis de longues années.
Dans les zones orientales de la bande de Gaza, d’où des milliers de Palestiniens ont été contraints de fuir leurs foyers, les opérations de destruction des habitations se poursuivent à un rythme qui peut paraître intermittent, mais qui véhicule un message clair : il n’y a ni véritable trêve ni engagement réel en faveur du cessez-le-feu. À chaque nouvelle frappe ou opération d’assassinat, les violations s’accumulent, sapant ce qu’il reste de confiance de la population envers tout accord politique ou promesse internationale. La poursuite de la démolition des maisons et l’élargissement des opérations militaires dans ces zones ont provoqué de nouvelles vagues de déplacements forcés, à un moment où les centres d’hébergement ont atteint leur capacité maximale et où l’accès aux besoins les plus élémentaires de la vie quotidienne est devenu un défi permanent.
À la frontière sud de la bande de Gaza, et plus précisément au point de passage de Rafah, des centaines de camions chargés d’aide humanitaire s’entassent dans une scène devenue un symbole criant de la souffrance des civils. La commissaire européenne à l’égalité a révélé, lors d’une conférence de presse, que ces camions demeurent bloqués en raison des restrictions israéliennes, qui classent de nombreux articles comme étant « à double usage ». Une justification qui dissimule une grande part d’arbitraire et soulève de vastes interrogations quant aux véritables intentions derrière ces interdictions. Selon ses déclarations, des sacs de couchage sont refusés en raison de leur couleur, et des fauteuils roulants à cause de la forme de leurs roues, dessinant ainsi une image absurde qui montre comment des obstacles bureaucratiques et sécuritaires peuvent se transformer en une arme à part entière destinée à étouffer la vie à l’intérieur du territoire.
La situation ne s’arrête pas là. La responsable européenne a également confirmé qu’elle n’avait pas été autorisée à entrer dans la bande de Gaza et que la Commission européenne n’avait pas pu rouvrir son bureau sur place, ce qui reflète l’ampleur de l’isolement imposé par Israël à toute présence internationale susceptible d’observer ou de documenter ce qui se passe sur le terrain. Il est pourtant bien connu que l’accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre dernier après des négociations ardues entre Israël et le Hamas sous médiation de l’Égypte, du Qatar et des États-Unis, stipulait l’entrée d’au moins 600 camions d’aide par jour afin de répondre aux besoins de plus de deux millions de personnes vivant dans des conditions catastrophiques.
Or, cette clause n’a pas été mise en œuvre, comme l’ont confirmé les organisations internationales d’aide humanitaire et comme l’a annoncé le Hamas. Depuis le début de l’application de l’accord, l’aide n’a pas pu parvenir à Gaza dans les quantités convenues, restant bloquée au poste-frontière de Rafah, tandis que chaque camion est soumis à une inspection israélienne prolongée qui ralentit son entrée ou l’empêche totalement. Cela se produit alors que les crises sanitaire et alimentaire s’aggravent, à l’approche de l’hiver, qui accentue la souffrance des familles ayant perdu leurs habitations.
Bien que le point de passage de Rafah constitue la principale porte d’entrée de l’aide humanitaire, les mesures de sécurité strictes et la surveillance renforcée imposées par Israël ont rendu le flux de l’aide trop lent pour soulager ne serait-ce qu’une infime partie de la souffrance. La scène actuelle montre des camions alignés en longues files s’étendant le long de la frontière égyptienne, transportant des tonnes de denrées alimentaires, de matériel médical, de couvertures et de fournitures essentielles, tandis que les habitants de Gaza, de l’autre côté de la frontière, attendent ce qui pourrait ne jamais arriver — ou arriver trop tard.
L’ensemble de ce tableau révèle une faille fondamentale au cœur même du plan de paix : comment une paix peut-elle exister alors que les opérations militaires se poursuivent ? Comment un cessez-le-feu peut-il réussir lorsque l’aide est restreinte et que l’entrée des organisations humanitaires est empêchée ? Et comment parler d’un avenir politique stable alors que l’une des parties adopte une politique du fait accompli et traite les engagements convenus comme de simples propositions susceptibles d’être modifiées ?
La procrastination israélienne, la répétition des violations et l’indifférence face au besoin urgent d’aide humanitaire ne menacent pas seulement la crédibilité du plan de paix, mais placent également la région face à un avenir incertain. Les Palestiniens qui vivent aujourd’hui au milieu des décombres, et qui attendent pendant des heures sous la pluie pour obtenir un repas ou une couverture, ont perdu toute confiance dans des promesses qui ne se traduisent pas par des réalités concrètes. Par ailleurs, les acteurs internationaux sont confrontés à une véritable crise de crédibilité : les pressions diplomatiques ne semblent pas suffisantes pour imposer l’application de l’accord, et la communauté internationale paraît incapable d’enrayer l’escalade ou de garantir l’acheminement de l’aide.
Dans ce contexte complexe, la question la plus pressante demeure : vers où se dirige un plan de paix criblé de violations ? Et quel avenir attend Gaza si cette approche se poursuit ? Tandis que les responsables politiques parlent d’« opportunités », de « perspectives » et de « solutions », les civils vivent de l’autre côté de la réalité : celle où la paix ne serait pas que des mots écrits sur du papier, mais un engagement quotidien traduit par des actes concrets sur le terrain. Jusqu’à présent, rien dans la réalité n’indique qu’Israël s’achemine vers l’application de ses engagements ; tout porte à croire qu’il continue de gérer la crise de manière à maintenir Gaza dans un état de danger permanent. Laisser l’ensemble de la région au bord de l’explosion.
Aujourd’hui, Gaza n’est pas seulement le théâtre d’une crise humanitaire, mais aussi le miroir d’un échec politique et moral à l’échelle mondiale. Face à cette réalité, le plan de paix restera un cadre vide tant que ses clauses ne seront pas pleinement appliquées, tant que les bombardements ne cesseront pas, tant que les points de passage ne seront pas ouverts sans conditions contraignantes, et tant que les promesses internationales ne se transformeront pas en actions concrètes. D’ici là, l’avenir demeurera incertain, menacé par de nouvelles tempêtes qui pourraient être plus violentes que toutes celles qui ont précédé, dans une région qui n’a plus le luxe d’attendre ni la capacité de supporter davantage de déceptions.
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