Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Gaza , un scandale moral mondial

20 mai 2025
Déplacé.e.s de Khan Younis

Le 20 Mai Abu Amir écrit toute la douleur et la souffrance inimaginable et insupportable

Avec douleur et chagrin, ces lignes sont écrites sur Gaza, devenue un symbole permanent de tragédie, un miroir reflétant ce qui reste de la conscience du monde. Je ne sais par où commencer, tant les scènes deviennent plus sombres et les histoires se répètent sous différents visages, mais toujours avec la même fin : mort, déplacement, destruction, et effondrement total de la vie.

L’ombre de la mort refuse de quitter le ciel de Gaza, déployant ses ailes noires au-dessus de ses habitants jour et nuit, sans distinguer un enfant qui ne sait même pas encore prononcer son nom, d’un vieil homme de plus de soixante-dix ans cherchant un dernier abri parmi les décombres.
La mort rôde dans chaque recoin de Gaza, enlevant des âmes innocentes dont le seul tort est d’être né sur cette terre sacrée, qui a payé et continue de payer le prix de son existence, et celui de l’attachement indéfectible de ses habitants malgré les blessures et le saignement incessant. La faim, la maladie, le meurtre et le déplacement assiègent ceux qui sont encore en vie, dévorant lentement ce qui reste de dignité, d’humanité et d’espoir.

Rafah, qui abritait plus d’un million et demi de personnes, a vu disparaître toutes les formes de vie depuis des semaines. Elle a été totalement effacée, ne laissant que fumée, ruines et souvenirs. Plus rien aujourd’hui ne rappelle qu’il y avait là une ville pleine de vie, de commerce, de maisons, d’écoles, d’hôpitaux. Tout cela appartient désormais au passé. Rafah est devenue une page sanglante de plus dans le registre des catastrophes continues.

Quant au nord de la bande de Gaza, il est aujourd’hui sous le feu incessant de la mort. Cette mort est accompagnée de vagues amères de déplacements massifs, vidant ce qui reste de vie et ramenant à nouveau l’image de l’exode. Les images qui en proviennent rappellent les jours de la Nakba : des flots d’êtres humains fuyant sans abri, sans bagages, sans destination claire, portant leurs enfants, leur douleur, leur peur, marchant sous les bombes, sans savoir s’ils arriveront et arrivés, s’ils survivront.

La ville de Khan Younès vit à son tour un autre chapitre de cette tragédie. À l’est, là où la vie battait son plein dans les quartiers de Khuza’a, Abou Taïma, Qarara et Abassan, un ordre d’évacuation forcée a été imposé ces deux derniers jours. Des dizaines de milliers d’habitants ont été déplacés de force, non pas de zones de combats, mais de leurs maisons, leurs terres et leurs fermes. Ils se sont retrouvés face à des choix cruels : rester et mourir sous les bombardements, ou fuir vers un destin aussi incertain que funeste.
Dans une scène qui résume toute l’histoire, des flots de personnes se sont dirigés vers la côte, vers la région d’Al-Mawasi, où on leur a ordonné d’aller. Mais l’endroit n’était pas préparé à accueillir un tel afflux. Les camps temporaires sont pleins, et il ne reste pas un seul coin de sable sur la plage sans tente ou bout de tissu couvrant ses occupants. Le camp Al-Fajr, qui abritait 500 familles, est devenu du jour au lendemain une destination pour les déplacés venus de l’est de la ville. Aujourd’hui, il n’est plus capable d’accueillir qui que ce soit, avec plus de 1 050 familles s’y entassant, tandis que des centaines de personnes dorment désormais au bord de la mer, faute de place sur la terre ferme.
Mais la tragédie ne s’arrête pas là. Des centaines de familles ont refusé l’ordre d’évacuation et sont restées dans les zones d’Abou Taïma et Abassan. Non pas parce qu’elles ne craignent pas la mort, mais parce qu’elles n’ont rien pour partir, et parce qu’elles voient dans l’exil un sort peut-être plus cruel encore que la mort. L’un d’eux a dit : « Mourir dans nos maisons est plus digne que de mourir sur la route ou sous une tente qui ne protège ni du froid ni n’offre la sécurité ».
Et ce matin, des centaines de familles sont retournées dans leurs quartiers à l’est de Khan Younès après avoir entendu que l’armée israélienne s’était retirée vers les zones frontalières. Ce retour n’était pas un acte héroïque, mais un mélange d’angoisse et de douleur, comme quelqu’un qui met son cœur entre ses mains et revient à ce qu’il reste de sa maison pour ne trouver… rien. Les ruines, les cadavres, l’odeur de la mort – voilà ce qui a accueilli les revenants.

Le ministère de la Santé de Gaza annonce quotidiennement que le nombre de morts dépasse les 150 chaque 24 heures, mais les chiffres réels sont bien plus élevés, car des centaines de corps restent encore sous les décombres. On ne compte comme victime que ceux dont le cadavre est retrouvé ou ceux qui atteignent un hôpital en ruine, à peine fonctionnel.
Par ailleurs, certaines sources ont rapporté l’entrée de quelques camions d’aide humanitaire via le poste-frontière de Kerem Shalom, mais jusqu’à présent, aucune distribution n’a eu lieu. Personne ne sait qui est responsable, comment l’aide sera répartie, qui recevra nourriture eau et médicaments. Les gens attendent dans leurs tentes, à ciel ouvert, pendant que leurs enfants dépérissent de faim et de soif.
Ce qui se passe à Gaza n’est pas seulement une tragédie, mais un scandale moral mondial. Un peuple est exterminé au vu et au su de tous, sans que rien ne bouge. Pas de protection, pas de reddition de comptes, pas de justice. Les enfants de Gaza naissent pour voir les bombardements dès qu’ils ouvrent les yeux, grandissent avec en mémoire les scènes de l’exode, du meurtre, de la faim et de la destruction, vivant chaque jour au bord de la peur.

Les gens ici ne demandent pas grand-chose : seulement que la guerre s’arrête. Qu’ils puissent dormir sans que leur maison ne s’effondre sur eux. Qu’ils trouvent de l’eau le matin. Qu’ils aient le droit de vivre comme des êtres humains, pas comme des numéros sur les listes de morts.
À Gaza, l’humanité est mise à l’épreuve chaque jour – et échoue chaque jour. Chaque silence est une complicité. Chaque minute de retard dans l’arrêt de l’agression est du temps offert à la mort pour faucher de nouvelles vies. Gaza ne demande pas la pitié, mais la justice. Elle n’attend pas des déclarations, mais des actes. Et chaque jour qui passe ajoute un nouveau chapitre à la douleur.
Y a-t-il encore quelque chose qui n’ait pas été détruit ?
Y a-t-il un endroit qui n’ait pas été frappé par le feu ?
Y a-t-il un enfant qui n’ait pas encore été terrifié ?
Y a-t-il encore une place pour la vie à Gaza, ou bien la vie elle-même y est-elle assiégée, expulsée, assassinée comme ses habitants ?
Gaza aujourd’hui ne fait pas que brûler. Elle saigne, souffre, hurle… et personne ne répond.

 

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