Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | La mort habite Gaza, c’est un massacre continu
6 septembre 2025Dans ce texte du 5 Septembre Abu Amir décrit des quartiers effacés et un espoir exécuté en plein jour. Israël détruit les conditions mêmes de la vie, partout!
Gaza vit aujourd’hui une plaie ouverte qui ne cesse de saigner, une blessure qui s’élargit chaque heure et dont les traits deviennent plus cruels chaque jour. Là, dans cette bande assiégée au bord de la Méditerranée, les scènes de mort se mêlent à la destruction, et la vie se dissout parmi les décombres des maisons, au point qu’il devient difficile de distinguer le jour de la nuit, tous deux alourdis par la fumée, les larmes et les cris.
Au cours des deux derniers jours seulement, le territoire a enregistré près de deux cents nouveaux morts, dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants, tandis que le nombre de blessés s’est accru de plusieurs centaines. Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques froides, mais des visages, des traits et des noms transformés en lambeaux épars ou en corps allongés sur des lits d’hôpitaux délabrés. De petits enfants ont perdu leurs membres, des mères fouillent parmi les cadavres à la recherche de leurs enfants, et des vieillards enterrent leurs petits-enfants le cœur brisé. C’est un massacre continu, qui ne se mesure pas seulement au nombre de victimes, mais aux cicatrices profondes qu’il laisse dans les âmes des survivants.
La situation sécuritaire dans la bande a atteint un niveau de tension sans précédent. Alors que l’armée israélienne a annoncé que « la grande opération pour prendre le contrôle de la ville de Gaza » commencerait à la mi-septembre, les faits ont montré que la bataille avait en réalité débuté depuis des semaines, mais qu’elle progressait à un rythme calculé. Cette lenteur n’est pas une incapacité militaire, mais une stratégie étudiée pour éviter des critiques internationales directes, et pour donner à la direction politique israélienne davantage de temps avant d’accepter un accord. Chaque pas militaire est accompagné de calculs minutieux : détruire les quartiers résidentiels un à un, vider la ville progressivement et épuiser la capacité des habitants à résister.
Les chefs des services de sécurité israéliens continuent d’envoyer des messages ambigus : d’une part, ils parlent de la nécessité de « trancher et de prendre le contrôle total de Gaza » en la présentant comme une bataille inévitable ; d’autre part, certains mettent en garde contre l’enlisement dans une occupation de longue durée qui transformerait Israël en prisonnière d’un bourbier coûteux, absorbant ses soldats et ses ressources, et l’exposant à des critiques croissantes de la part de la communauté internationale. Cette divergence reflète un véritable dilemme interne : comment atteindre l’objectif de détruire Gaza et de la contrôler, sans en payer le prix total sur le plan politique et militaire ?
Mais quels que soient les discours des dirigeants, la réalité sur le terrain reste la même : l’opération s’élargit jour après jour, lentement mais sûrement. Les véhicules militaires se déploient autour de la ville, les frappes aériennes et d’artillerie préparent des phases plus profondes de l’incursion, et les quartiers se transforment en ruines silencieuses. Chaque maison détruite signifie des centaines de nouveaux déplacés, et chaque quartier anéanti représente une étape supplémentaire dans le plan d’évacuation progressive de la population.
Les objectifs d’Israël dans cette guerre apparaissent aujourd’hui plus clairs que jamais. Il ne s’agit pas seulement d’affronter des combattants ou de frapper des infrastructures militaires, mais de détruire les conditions mêmes de la vie. Pas d’électricité, pas d’eau, pas d’hôpitaux, pas de maisons, mais un siège total qui tue l’espoir avant de tuer les corps. En seulement deux ans, Gaza est passée d’une ville pleine d’étudiants, de professeurs, de médecins, d’ingénieurs et de poètes, à une longue file de mendiants faisant la queue devant les camions d’eau et les centres de distribution alimentaire. La dignité a été assassinée, et la vie des habitants réduite à une lutte quotidienne pour une bouchée de pain ou une gorgée d’eau.
Ce n’est pas une guerre contre des combattants, mais contre l’idée même de la vie. La scène se résume dans l’image d’un enfant tenant un récipient vide en attendant une goutte d’eau, d’une mère implorant une boîte de lait pour son nourrisson, d’un professeur d’université faisant la queue pour recevoir de l’aide après avoir perdu son emploi, sa maison et ses livres, ou encore d’un poète cherchant un morceau de pain au lieu d’un vers. L’espoir a été tué à Gaza, et la vie elle-même exécutée, si bien que la mort est devenue plus douce qu’une existence vécue de cette manière.
Les deux derniers jours ont été une illustration condensée de cette catastrophe : des bombardements ininterrompus, des dizaines de morts toutes les quelques heures, de nouveaux déplacements s’ajoutant aux centaines de milliers déjà déplacés, et des voix de commandants militaires israéliens parlant froidement de « phases décisives » et de « contrôle total ». Sur le terrain, ces paroles se traduisent par l’image d’une ville qui se vide lentement de ses habitants, en rendant leur vie impossible. Même s’ils ne tombent pas sous les bombes, ils tombent sous le poids de la faim, de la soif et du désespoir.
Gaza n’est donc pas seulement sous le feu, mais sous une opération d’extermination lente et méthodique. Une ville entière est progressivement effacée, et ses habitants poussés au bord de l’abîme. Le monde regarde, mais le temps à Gaza n’attend pas : chaque minute signifie de nouvelles victimes et davantage de destruction. C’est une catastrophe à l’échelle de l’histoire, qui frappe une petite bande de terre, mais ébranle la conscience humaine tout entière.
Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :
ARTICLE AGORA SUIVANT :
