Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | La terre contre la reddition, Netanyahu, promoteur du “Nouveau Moyen-Orient”

31 mars 2025
Sans commentaire

Un texte d’analyse et de réflexion politique reçue ce 31 Mars au matin d’Abu Amir

Alors que la région traverse l’une de ses crises humanitaires et politiques les plus complexes, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu continue de promouvoir ce qu’il appelle le “Nouveau Moyen-Orient”, une vision qui ne repose ni sur des négociations équitables ni sur des solutions équilibrées, mais sur une logique de domination, d’imposition et de soumission, au lieu d’une véritable quête de paix.

Récemment, Netanyahu n’a cessé de répéter pendant la guerre qu’« Israël combat sur sept fronts », allant « des tunnels de Gaza aux villages du Liban, des ruelles de Jénine jusqu’à l’Iran », comme il l’a affirmé dans un discours. Il a également déclaré qu’« Israël ne se retirera pas de la zone démilitarisée entre Israël et la Syrie, et n’autorisera pas le nouveau régime syrien à pénétrer dans les zones au sud de Damas », ajoutant : « L’armée israélienne restera au mont Hermon et dans la zone démilitarisée pour une durée indéterminée afin de protéger nos communautés et de prévenir toute menace. »

Ce que Netanyahu expose dans ses discours répétés, c’est un « Nouveau Moyen-Orient » fondé sur la force. En toile de fond de cette rhétorique, les années 2023 et 2024 marquent les premières depuis 1982 où Israël occupe de nouveaux territoires arabes. Durant cette période, les discussions sur des projets de déplacement de population sont réapparues publiquement. Il devient alors clair que ces actions ne sont pas de simples réponses sécuritaires temporaires, mais bien une stratégie à long terme de conquête et d’annexion.

Jusqu’à présent, Israël s’est infiltré dans de vastes zones du sud de la Syrie, et le discours politique israélien a complètement abandonné l’idée d’un éventuel retrait du plateau du Golan occupé. Au Liban, Israël refuse de se retirer de cinq points frontaliers élevés, tout en cherchant à transformer l’armée libanaise en force frontalière au service de ses propres intérêts.

À Gaza, les projets de nettoyage ethnique et de dépopulation sont bien présents, comme le révèlent les déclarations de responsables israéliens et les rapports militaires. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a reconnu le déplacement de 40 000 Palestiniens du nord de la Cisjordanie, et la nécessité d’un déploiement militaire prolongé dans cette zone.

Ce que Netanyahu ne dit pas ouvertement est exprimé par Bezalel Smotrich, ministre des Finances et influent dans les décisions de sécurité. Lors d’une conférence sur la “souveraineté”, il a déclaré : « La souveraineté doit s’appliquer non seulement à Judée-Samarie (nom biblique de la Cisjordanie), mais aussi à Gaza. » Le mot “souveraineté” est utilisé par l’extrême droite israélienne comme substitut au mot “annexion”.

Smotrich a ajouté : « Si tous les otages – vivants ou morts – ne sont pas rendus, Israël étendra les zones agricoles des kibboutzim de Be’eri et Nir Oz jusqu’aux environs de Gaza… Comme nous nous battons depuis des années pour chaque dunum en Judée-Samarie, nous menons désormais une bataille pour chaque dunum à Gaza. Cette terre restera entre nos mains pour toujours. »

Il a aussi affirmé : « Croyez-moi, vous serez surpris par la puissance et la létalité de l’opération de réoccupation de Gaza quand nous déciderons que le moment est venu. » Tout comme Netanyahu, Smotrich mise sur le retour de Trump à la Maison-Blanche pour concrétiser ces ambitions. Les conseils des colons en Cisjordanie œuvrent d’ailleurs activement aux États-Unis pour garantir le soutien d’une future administration Trump à l’annexion.

Dans une autre déclaration, Smotrich a appelé le Premier ministre à annoncer qu’après la première phase de la guerre, Israël occupera 10 % de la bande de Gaza, y imposera sa souveraineté, et arrêtera totalement l’aide humanitaire. Les habitants de Gaza seront alors forcés de quitter le territoire dans une seule direction, sans possibilité de retour. Et il a menacé : « Pour chaque cheveu tombé de la tête de nos otages, nous annexerons 5 % supplémentaires de Gaza. »

L’armée israélienne, de son côté, élabore une doctrine de défense en trois cercles incluant des zones démilitarisées et des barrières physiques, même au-delà de ses frontières, notamment au sud de la Syrie et au nord du Liban.

Depuis des années, Netanyahu promeut un “Nouveau Moyen-Orient” dans lequel Israël s’intègre pleinement dans la région via les accords de normalisation, tout en contournant la cause palestinienne.

Autrefois, le principe “la terre contre la paix” était au cœur des pourparlers israélo-arabes, notamment après la guerre de 1967. Ce principe a été appliqué dans les accords de Camp David avec l’Égypte, puis dans les accords d’Oslo avec l’OLP. Mais ces tentatives ont été stoppées par la droite israélienne, qui a qualifié ces concessions de fautes historiques.

Depuis l’arrivée de Trump au pouvoir en 2016, et plus encore après la signature des accords d’Abraham en 2020, Netanyahu a tourné le dos à ce principe. Désormais, la nouvelle formule israélienne est “la paix contre la paix”, où Israël obtient reconnaissance et normalisation sans rien céder aux Palestiniens. Lors de la ratification de ces accords, Yariv Levin, président de la Knesset à l’époque et actuel ministre de la Justice, a déclaré : « Le schéma selon lequel un camp reçoit la paix et l’autre cède sa terre est une farce. » Et depuis, Netanyahu ne cesse d’exalter les “transformations stratégiques” qu’Israël aurait réalisées pendant la guerre. Même lorsqu’on lui propose une normalisation avec l’Arabie saoudite en échange de l’établissement d’un État palestinien, il répond avec dérision : « Qu’ils créent leur État en Arabie saoudite, il y a beaucoup de terres là-bas. »

Cette logique a également été appliquée en Syrie, où Israël insiste pour maintenir une zone sans souveraineté ni armée. Le ministre Gideon Sa’ar est allé plus loin en appelant à un système fédéral syrien qui reconnaîtrait diverses formes d’autonomie. Peu après, Israël a intensifié ses frappes autour de Damas, sous prétexte d’empêcher que le sud de la Syrie ne devienne “un deuxième Sud-Liban”.

C’est la même logique qui guide ses actions au Liban, à Gaza, et en Cisjordanie. Le “Nouveau Moyen-Orient” que veut imposer Netanyahu n’est pas une région de paix et de prospérité, mais un espace régi par la force militaire et l’expansion territoriale.

La politique actuelle du gouvernement israélien n’est ni temporaire ni improvisée. C’est un projet stratégique qui vise à vider la terre de ses habitants autochtones et à remodeler la région selon une vision coloniale habillée du mot “paix”, mais fondée sur l’épuration ethnique et la domination militaire.

Répondre à ce projet ne peut se limiter à des réactions émotionnelles ou à des condamnations symboliques. Il faut une riposte politique, juridique et médiatique structurée, à plusieurs niveaux :

  • Une unité nationale palestinienne capable de proposer une alternative politique forte, remettant la lutte de libération au centre du discours.

  • Un réexamen des accords de normalisation de la part des États arabes, qui doivent comprendre qu’aucune paix réelle ne peut naître sur les ruines des villes détruites.

  • Une pression internationale réelle, en particulier sur les grandes puissances, pour qu’elles abandonnent leur hypocrisie et reconnaissent que le projet de Netanyahu menace la stabilité de toute la région.

le Moyen-Orient voulu par Israël… et celui que veulent ses peuples

Le “Nouveau Moyen-Orient” que Netanyahu rêve d’imposer est un espace où les peuples sont effacés, les identités écrasées, et la souveraineté confisquée par des chars et des drones. Un Moyen-Orient sans Palestine, où l’avenir se décide dans les salles de guerre et non à la table des peuples.

Mais cette vision est vouée à l’échec. Les peuples n’oublient pas. Les droits ne meurent pas. Et la mémoire ne s’efface pas.

Face à cette politique raciste et destructrice, les Palestiniens restent debout, ancrés dans leur terre, fidèles à leur cause, portant un message simple mais puissant :
Pas de paix sans justice. Pas de sécurité sans liberté.

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