Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Les femmes de Deir al-Balah au bord de la vie

8 novembre 2025
Les femmes de Deir al Balah en atelier crédit photo UJFP Gaza

Récit de l’atelier de soutien psychologique pour les femmes : entre la douleur du déplacement et l’espoir de survivre 8 Novembre

Au cœur de la région centrale, à l’ouest de Deir al-Balah, là où les tentes s’étendent comme des blessures ouvertes sur la terre, les femmes déplacées vivent une réalité brutale qui ne convient ni à leur dignité ni à leur féminité, épuisées par la misère. Depuis des mois, elles font face à des déplacements répétés qui ont transformé leur existence en une suite ininterrompue d’exils. D’un lieu à un autre, d’une peur à une autre, d’une tente usée à une autre encore plus étroite et plus glaciale. Ici, dans le camp Al-Asdiqaa, les journées se ressemblent au point qu’il devient difficile de distinguer le jour de la nuit, et les femmes deviennent des icônes de patience, dissimulées derrière un lourd silence et des visages qui ont perdu toute trace de sérénité. Elles vivent encore dans des tentes qui s’effondrent au moindre vent, incapables de retourner dans leurs maisons désormais réduites en décombres ou situées dans des zones inhabitables. Dans cette réalité douloureuse, la femme ne pense plus aux rêves lointains : tous ses espoirs se résument à survivre, rester en vie et préserver ce qu’il lui reste de santé et de force.

Le déplacement est devenu une épreuve cruelle qui teste à la fois le corps et l’âme. Les femmes ne possèdent ni le luxe du choix, ni même le droit au repos. Une fatigue qui les accompagne du matin au soir, entre la recherche de rares gouttes d’eau, la tentative de préparer un repas simple, et la lutte contre le traumatisme qui a ancré en elles une peur chronique. Beaucoup souffrent de malnutrition, de maladies gynécologiques silencieuses difficiles à soigner, d’une pauvreté qui consume leurs corps et d’un silence qui intensifie leurs douleurs. Dans chaque visage se lit une longue histoire d’abandon, et dans chaque regard se devine la nostalgie d’un foyer qui n’existe plus. Pourtant, au fond d’elles persiste un fil d’espoir, fragile mais solide, qui les rattache à la vie malgré sa dureté.

Au milieu de cette réalité brisée, s’est tenue la session Santé maternelle et reproductive en situation d’urgence , organisée par l’équipe UJFP, une tentative de ranimer les forces restantes dans le cœur des femmes. Dans une modeste tente, vingt-cinq femmes déplacées se sont réunies, certaines enceintes, d’autres allaitantes, d’autres portant seules le fardeau de la vie sans soutien ni accès aux soins médicaux. L’équipe expliqua les objectifs de la séance : aider les femmes à préserver leur santé reproductive et leur fournir des connaissances pratiques leur permettant d’adopter des mesures préventives simples, même en l’absence de services médicaux.

Les intervenants abordèrent les questions de maternité en temps d’urgence, en expliquant les méthodes de nutrition adaptées malgré la rareté des ressources : la valeur nutritionnelle des aliments les plus simples, et la manière de diversifier les repas pour assurer les nutriments essentiels pendant la grossesse et l’allaitement. Aborder l’hygiène reproductive, un aspect crucial souvent absent dans les conditions de déplacement où l’eau est rare et les infrastructures inexistantes. Proposer des méthodes réalistes pour préserver l’hygiène personnelle dans le contexte de pénurie, et expliquer l’importance de la désinfection simple des outils féminins pour prévenir les infections. Détailler aussi les signes d’alerte pendant la grossesse et l’accouchement — hémorragies, fièvre, hypertension — et la nécessité de demander une aide immédiate si ces symptômes apparaissent, la sensibilisation peut faire la différence entre la vie et la mort.

Après le volet sanitaire, la session entra dans sa deuxième phase : le soutien psychologique et l’expression émotionnelle. Avant de prendre soin de nos corps, donnons à nos âmes une chance de se reposer. Elle leur demanda de fermer les yeux et de respirer lentement, profondément, comme si elles goûtaient à une paix oubliée. Cet exercice respiratoire laissa un effet profond, comme si chaque expiration emportait une part de la peur accumulée.

Puis vint l’atelier d’expression émotionnelle. la liberté de s’exprimer, à travers l’écriture, le dessin ou même le silence. Des feuilles et des crayons furent distribués : elles dessinèrent des symboles de leur état intérieur — une tente, un nuage, une route sans fin, un cercle ouvert tel une attente infinie. Cet atelier était un miroir de leurs âmes épuisées, un espace où personne ne juge la douleur ni n’a honte de ses larmes. L’objectif était de libérer les cœurs du poids enfoui, et de leur faire sentir que leurs émotions étaient entendues et comprises, après tant de temps dans l’oubli.

L’accompagnatrice guida ensuite un autre exercice appelé Moment de lumière , où les femmes étaient invitées à imaginer un endroit sûr qui leur apportait la paix. Certaines voyaient leur ancienne maison, d’autres la mer ou un arbre sous lequel elles se reposaient avant l’exil. Elle leur parla également de la gestion de l’anxiété quotidienne, de l’importance d’exprimer ses émotions, car un silence prolongé se transforme en douleur invisible qui consume le corps. Elle leur donna des techniques simples à pratiquer dans la tente : respiration régulière, écriture quotidienne, répétition de mots positifs pour nourrir l’espoir.

L’atelier dura trois heures, un moment pour retrouver un équilibre intérieur. Les femmes quittèrent la séance avec des visages plus apaisés, des épaules moins lourdes, comme si les mots avaient allégé le poids des jours. L’espoir ne disparaît pas, il sommeille jusqu’à ce que quelqu’un l’éveille. Une des intervenantes conclut : « Vous n’êtes pas seulement des victimes, vous êtes les mères de la vie. La force de se relever vit en vous, même dans les moments les plus sombres. »

Ce jour-là, dans le camp d’Al-Asdiqaa, le soir venu, lorsque le vent se mit à murmurer entre les tentes, les femmes repartirent avec la conviction que survivre n’est pas se résigner, et que la force ne signifie pas l’absence de larmes, mais la capacité à se relever après elles. Et tandis que la lumière s’effaçait à l’horizon, une faible lueur persistait dans leurs yeux — semblable à l’espoir que demain, même s’il se fait attendre, finira par arriver.

Lien vers les photos et vidéos

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