Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Offensive terrestre dans la ville de Gaza

12 septembre 2025
Crédit Photo site ISM France. Offensive terrestre

Un rapport sur la situation à Gaza ville et ses conséquences en date du 11 Septembre envoyé par Abu Amir

En ce jour du 11 septembre 2025, la bande de Gaza se trouve au seuil d’une nouvelle phase de la longue guerre. Les signaux d’une offensive terrestre de grande envergure sur la ville de Gaza, sous l’intitulé « Chars de Gédéon 2 », s’intensifient, tandis que se multiplient les ordres militaires d’évacuation générale et que les bombardements aériens et d’artillerie frappent violemment les quartiers densément peuplés. Au nord, les cartes des quartiers se replient, rue après rue, sous des couches de destruction ; au centre et au sud, les camps débordent de visages épuisés par le voyage et l’attente. La famine s’impose dans les rapports humanitaires, le secteur de la santé étouffe, et les habitants se trouvent coincés entre deux périls : rester sous le feu ou s’engager dans l’aventure d’un déplacement sur des routes qui ne mènent à aucun abri.
Ce rapport tente de cerner les contours de la scène actuelle : le déroulement de l’opération militaire, l’intensité des frappes des deux derniers jours, le bilan approximatif des victimes, les cartes des déplacements et la répartition de la population, ainsi que la situation humanitaire à l’intérieur et à l’extérieur de la ville, y compris celle des déplacés contraints d’errer sur les routes à la recherche d’un toit pour protéger leurs enfants, en vain.

Intensification des ordres militaires

Le rythme des ordres militaires israéliens exigeant des habitants l’évacuation « immédiate » de la ville de Gaza s’accélère en prévision d’une vaste incursion. Des sources de terrain et des rapports de presse internationaux indiquent que l’appareil sécuritaire israélien a réorganisé ses plans terrestres dans le nord, visant désormais explicitement à prendre le contrôle de la ville, après l’effondrement des pistes de trêve suite à la frappe contre Doha et à l’échec des négociations. Les quartiers du nord-ouest, tels que Cheikh Radwan et ses environs, ont subi ces derniers jours une série de raids intensifs visant habitations, marchés et postes de secours, parallèlement à des bombardements d’artillerie continus. Ces développements empêchent tout retour serein à la vie civile et rend impossible sans sécurité la décision de rester ou de fuir.

L’opération « Chars de Gédéon 2 »

Selon des rapports de presse, le gouvernement israélien a approuvé cette nouvelle phase sous le nom de « Chars de Gédéon 2 » dans le but « d’occuper la ville de Gaza ». Des avertissements internes en Israël ont accompagné cette décision, portant sur les pertes attendues et les risques de mort pour les otages durant les opérations. L’intitulé « Chars de Gédéon » renvoie à l’opération lancée en mai dernier, présentée comme une campagne étendue du nord au sud sous couverture aérienne massive. Le choix de ce titre dépasse le simple slogan : il exprime une stratégie d’ingénierie militaire visant à imposer une nouvelle réalité sur le terrain.

Les frappes récentes et les victimes

Durant les deux derniers jours, les informations se sont multipliées sur des frappes ayant fait des dizaines de morts dans plusieurs zones de la bande, avec une intensité particulière sur la ville de Gaza. Des rapports indépendants estiment qu’au cours des dernières 24 heures, des dizaines de personnes ont été tuées dans des bombardements sur des immeubles résidentiels et des points de rassemblement civils, dont certaines attendaient l’aide humanitaire. Ce mode opératoire est devenu récurrent ces dernières semaines, renforçant la peur parmi les habitants qui tentent de fuir vers le sud, sur des routes elles-mêmes exposées aux tirs ou aux coupures.

Depuis le début de la guerre, le nombre total de victimes palestiniennes dépasse 64 600 morts, selon les derniers chiffres disponibles, tandis que se poursuivent les décès dus à la famine et au manque de soins médicaux. Ces chiffres, aussi élevés soient-ils, n’incluent pas avec précision les morts indirectes liées à l’impossibilité d’évacuation médicale et à l’effondrement du système de santé, ce qui signifie que le coût humain réel est encore plus lourd. Chaque jour, des décès liés à la faim et à la malnutrition, notamment d’enfants, continuent d’être signalés, dans un contexte de restrictions étouffantes sur l’entrée de l’aide.

Déplacements massifs et incertitudes

Les estimations sur les déplacements varient. Alors que certains rapports évoquent qu’une fraction limitée des habitants avait obéi aux ordres d’évacuation au cours des semaines précédentes, d’autres sources parlent d’une augmentation du nombre de déplacés ces deux derniers jours, atteignant entre 100 000 et 150 000 personnes ayant quitté la ville vers le sud. Ces écarts traduisent la difficulté de mesurer les mouvements dans un environnement où les familles se déplacent à plusieurs reprises, où les routes se ferment soudainement et où les communications sont fréquemment coupées. Ce qui demeure constant, c’est que le mouvement vers le sud s’est fortement intensifié après la menace d’une offensive générale, et que la confiance dans les « couloirs humanitaires » et routes désignées officiellement est quasi nulle chez des habitants qui en ont déjà expérimenté les dangers.

Les organisations humanitaires avertissent d’une vague de déplacements massifs aux conséquences « catastrophiques et irréversibles » pour la ville, soulignant qu’environ un million de personnes se trouvaient encore dans Gaza au moment de l’ordre d’évacuation totale. Tout déplacement collectif à cette échelle se heurterait à l’incapacité absolue des zones centrales et méridionales, déjà saturées, à accueillir davantage de populations.

Conditions humanitaires

À l’intérieur de la ville, des milliers de familles restent piégées dans des quartiers comme Cheikh Radwan, autour des marchés centraux, ou dans les zones de Daraj et Tuffah. Beaucoup n’ont pas pu partir ou ont choisi de rester, épuisées et redoutant l’inconnu. D’autres zones, surtout à l’ouest vers le littoral, se sont transformées en poches de tentes et d’habitations détruites, tandis que de larges blocs d’immeubles du nord-ouest ont été vidés par les bombardements répétés.

Au sud et au centre de la bande, il n’existe plus de véritable capacité d’accueil. Les rapports des Nations unies et des organisations médicales décrivent une situation « cliniquement morte » : services de santé réduits au minimum, centres de nutrition saturés, eau rare, assainissement défaillant, propagation rapide de maladies hydriques et malnutrition aiguë. L’éducation de fortune ouvre et ferme au rythme des bombardements, et des milliers de familles dorment à ciel ouvert ou dans des écoles surpeuplées, sans conditions de base de protection ou de dignité. Même les « zones humanitaires » désignées, comme Al-Mawasi, ne garantissent pas la sécurité et manquent de services essentiels.

Sur le terrain, l’image quotidienne des déplacements est encore plus dure que les chiffres : des milliers de familles marchent sous le soleil, portant quelques maigres biens, poussant des charrettes délabrées ou des fauteuils roulants pour malades et personnes âgées. Elles s’arrêtent à chaque carrefour pour demander : « Où trouver un abri ? », puis repartent sans réponse.

Escalade militaire et contexte politique

Les frappes des deux derniers jours ont visé des immeubles de plusieurs étages, des marchés, des points de rassemblement, et même des campements de déplacés. Des dizaines de morts et de blessés ont été enregistrés en 24 heures, y compris parmi ceux qui faisaient la queue pour obtenir de la nourriture et de l’eau. Ces attaques ont provoqué une montée des condamnations internationales, des avertissements juridiques sur des effets « irréversibles » pour les civils, la structure sociale de la ville.

Sur le plan humanitaire, des agences de l’ONU déclarent que la famine est désormais « une réalité » à Gaza, avec un risque d’extension au centre et à Khan Younès. La totalité de la population des gouvernorats centraux et méridionaux est en situation d’insécurité alimentaire aiguë selon les classifications officielles, alors que les livraisons demeurent insuffisantes et entravées. Le système de santé fonctionne à peine : ambulances épuisées, quelques hôpitaux partiellement opérationnels, pénuries de médicaments et d’équipements, appareils hors service faute de carburant et de maintenance. Les mouvements massifs de population accroissent encore les risques épidémiques.

Politiquement, toute perspective de trêve a disparu après la frappe contre Doha. Les négociations sont suspendues. Plusieurs capitales occidentales ont exprimé publiquement leurs critiques à Israël au sujet de l’évacuation totale et de la crise humanitaire, tout en appelant à un changement de cap et à l’ouverture de l’aide. Mais ces critiques n’ont pas freiné l’escalade militaire sur le terrain. Résultat direct : ce sont les civils qui paient le prix du vide politique.

Perspectives et dilemme des civils

Les données disponibles au matin du 11 septembre indiquent que l’armée israélienne cherche à démanteler ce qui reste de l’infrastructure militaire dans la ville par une incursion progressive, appuyée par une intense couverture aérienne et d’artillerie. Les zones d’« évacuation » sont élargies pour vider les blocs d’habitation entourant les axes de progression. La stratégie la plus probable est d’exercer une pression sur le nord et le centre de la ville, en tentant d’isoler les quartiers et de bloquer les axes de circulation, anticipant un effondrement humanitaire qui pourrait compliquer l’opération ou susciter une pression internationale accrue.

Entre les options de rester ou de fuir, beaucoup de civils choisissent une voie intermédiaire : prêts à partir avec un petit sac, mais restant près de leurs maisons, attendant l’évolution du front. Certains n’ont aucun moyen de transport, d’autres craignent les routes, d’autres encore n’ont nulle part où aller. Au sud, les camps et les écoles débordent déjà et ne peuvent absorber une nouvelle vague de déplacés. Les scènes de familles dormant sur les trottoirs ou sur le sable humide près de la mer, sans eau potable, sans sanitaires, sans sécurité, se multiplient.

Les jours à venir pourraient être les plus dangereux depuis des mois : Gaza est trop grande pour être « vidée » par un simple ordre, et trop affaiblie pour supporter une incursion accompagnée de l’usage massif de la force. Tout déplacement supplémentaire aggraverait la catastrophe au sud ; tout maintien massif en ville transformerait l’opération en bataille dans des quartiers surpeuplés. Entre ces deux extrêmes se tiennent des êtres humains avec leurs noms, leurs maisons, leurs souvenirs, et un droit simple : celui de survivre.

Voilà la véritable boussole à laquelle doivent se lire les cartes de la guerre, loin des calculs froids : un million de personnes regardent aujourd’hui par les fenêtres de Gaza vers un avenir brumeux, tandis que les routes se ferment devant eux, les abris débordent de ceux qui les ont précédés et les bombardements se poursuivent sans répit.

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