Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Rafah,quel avenir s’y prépare, transformer le provisoire en permanent ?

1 décembre 2025
100 à 200 militants du Hamas sont piégés dans un réseau de tunnels sous la ville de Rafah, dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien. crédit photo site ISM

Un texte plein de questions d’Abu Amir le 1er Décembre au sujet de Rafah: un projet de sauvetage humanitaire ou plan de reconfiguration de Gaza ?

Au milieu d’un état d’attente populaire sans précédent, les questions se bousculent dans l’esprit des Gazaouis quant à la nature de la « zone verte » dont on parle à Rafah, et si elle représente le début d’un retour à la vie ou simplement une nouvelle étape dans l’équation complexe de la guerre. Cette zone – selon ce qui a filtré de plans internationaux – n’est pas seulement un espace géographique, mais une entité quasi autonome qui pourrait constituer un prototype pour la reconstruction de Gaza ou pour une reconfiguration de l’ensemble du paysage politique. Les rapports indiquent qu’il s’agit d’une vaste zone résidentielle et de services qui serait créée à l’est de Rafah, sur des terres longtemps négligées, afin d’en faire un espace placé sous contrôle international et totalement exempt de l’influence du Hamas.

Avec l’élargissement du cercle de mystère, les interrogations se multiplient : comment les habitants y seront-ils transférés ? À quoi ressembleront les nouveaux regroupements ? S’agira-t-il de tentes accolées les unes aux autres ou de préfabriqués équipés ? Et qu’est ce qui attend les familles qui ont perdu leurs maisons, leurs écoles et leurs moyens de subsistance ? Il est question d’une infrastructure complète en préparation : réseaux d’eau, d’électricité, d’évacuation des eaux usées, routes larges et éclairage complet ; comme si la zone verte était construite pour devenir un « modèle » de ce que Gaza pourrait être après la guerre. Ces projets – selon des rapports internationaux – sont réalisés grâce à d’importants financements fournis par une coalition de plus de 50 pays, sous la direction d’un centre de coordination internationale travaillant depuis des mois loin des médias.

Mais la question qui alimente le débat demeure : qui assurera la sécurité là-bas ?

C’est ici que réside la complexité du tableau. Les informations divulguées parlent d’arrangements sécuritaires complexes : forces internationales de surveillance, police palestinienne non armée, et peut-être des forces arabes chargées de missions administratives. Quant à Israël, elle resterait – selon les estimations – en arrière-plan, supervisant, surveillant et garantissant l’application de l’accord sur le terrain. Cela signifie que la zone verte, par définition, sera une zone « libérée » du Hamas, ouverte aux habitants qui acceptent les conditions de la communauté internationale et non celles du mouvement.

Ce tableau s’entremêle avec la question du « passage de Rafah », qui sera l’artère vitale de la zone. Sera-t-il ouvert en permanence ? Les rapports internationaux indiquent la possibilité de le transformer en un passage international conjoint soumis à une coordination égyptienne – internationale – palestinienne, ce qui lui donnerait une importance accrue. Si cela se produit, la zone verte deviendra la porte de la reconstruction, la fenêtre vers l’éducation, le voyage et les soins, et peut-être le noyau d’une nouvelle économie fondée sur le financement international.

En parallèle, beaucoup se tiennent au bord de l’inquiétude : cette zone deviendra-t-elle simplement un « camp moderne » ? Ou une étape vers la normalisation d’une réalité de division entre l’ancienne et la nouvelle Gaza ? Car si le plan offre des promesses séduisantes, certains craignent qu’il ne transforme le provisoire en permanent, d’autant que plusieurs sources ont confirmé le début effectif de l’aménagement du terrain et de la construction d’installations initiales en préparation à l’accueil des habitants.

Au milieu de tout cela, le Hamas se retrouve assiégé par des choix limités. Laisser-a-t-il les gens se diriger vers la zone verte et accepter le départ des habitants des zones « rouges » qui sont encore considérées comme ses zones d’influence ? Ou résistera-t-il au plan, le considérant comme une opération de « vidange politique et militaire » le visant directement ? Les récentes fuites ont évoqué de fortes pressions égyptiennes sur le mouvement afin qu’il dépose les armes et s’intègre dans le système politique palestinien sous l’égide de l’Organisation de libération de la Palestine, tandis que de larges indices montrent un rejet populaire de l’idée du maintien du mouvement dans le paysage post-guerre, considéré par beaucoup comme une partie ayant épuisé son crédit et causé une crise sans précédent.

Ce qui rend l’image encore plus claire, c’est que le plan de « Charm el-Cheikh », élaboré il y a quelques semaines, semble se diriger vers une mise en œuvre fidèle, que le Hamas accepte ou non. Le mouvement fait face aujourd’hui à deux options, toutes deux amères : l’acceptation volontaire sans privilèges, ou l’acceptation forcée avec davantage de pertes. Et il semble que le second scénario s’accélère, notamment après l’expérience des « points d’aide » qui a montré que la faim et la recherche de sécurité sont plus fortes que toute idéologie ; et que la véritable capacité à attirer les gens commence par le pain et non par les slogans.

Les informations qui circulent indiquent que l’appel aux habitants pour rejoindre la zone verte pourrait être mis en œuvre par des étapes fluides et bien étudiées : ouverture de corridors humanitaires, afflux massif d’aides dans la zone, fourniture immédiate de services de santé et d’éducation, et peut-être lancement de projets temporaires pour encourager les familles à s’y installer. Tout dans ce plan semble conçu pour rendre la nouvelle option plus attrayante que de rester dans l’obscurité et les décombres.

Au final, la question la plus cruciale demeure : La zone verte ne sera-t-elle qu’un espace sûr à Rafah ? Ou la première étape vers une nouvelle Gaza, administrée selon un système international strict et façonnée à la mesure de la phase post-guerre ?

Les prochains jours révéleront si ce projet constitue le début de la stabilité, ou le début d’un nouveau chapitre dans la reconfiguration politique et sociale de Gaza, d’une manière qui pourrait ne ressembler en rien à ce qui existait avant la guerre.

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