Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Réalité de la situation humanitaire dans la bande de Gaza
16 août 2025Le 15 Août Abu Amir décrit une réalité bien différente de celle entendue aux informations sur l’entrée de centaines de camions d’aide et de marchandises commerciales.
Depuis des années, la bande de Gaza vit sous un blocus étouffant et dans des conditions humanitaires dégradées. Cependant, les deux dernières années ont été les plus dures de toutes : une guerre dévastatrice est venue se combiner aux crises de subsistance, créant une réalité de souffrance sans précédent. Les violents combats qui ont duré de longues périodes ont entraîné une destruction massive des infrastructures, le déplacement de centaines de milliers d’habitants et la perte des moyens de subsistance pour une grande partie de la population. L’insécurité alimentaire est devenue un phénomène généralisé, l’eau potable une denrée rare, les soins de santé sont quasiment à l’arrêt en raison de la destruction des hôpitaux, de l’épuisement des médicaments, du matériel médical.
Dans ces conditions, les habitants suivent les informations faisant état de l’entrée de centaines de camions chargés d’aide humanitaire et de marchandises pour commerçants. Mais ces nouvelles ne se traduisent pas sur le terrain : le citoyen ordinaire continue de vivre entre la faim, la peur et le chômage. Alors que les images montrent des camions remplis de marchandises aux points de passage, la réalité révèle un fossé immense entre ce qui entre dans la bande et ce qui parvient réellement aux bénéficiaires. L’espoir de sortir de cette crise reste faible, voire inexistant.
Aide humanitaire… Une arrivée sans impact
Malgré les annonces sur l’entrée de nombreux camions chargés d’aide alimentaire à Gaza, la majorité de ces cargaisons n’a pas atteint les familles dans le besoin. Les aides, comprenant des produits essentiels comme la farine, le riz, les pâtes et l’huile de cuisson, ont souvent été pillées par des groupes armés, des bandes locales, réduisant considérablement les quantités disponibles à la distribution.
Certaines cargaisons sont bien parvenues aux entrepôts des organisations internationales, mais elles y sont restées stockées, sans annonce de plans clairs pour leur distribution. Dans les camps de déplacés disséminés dans toute la bande, des milliers de personnes font la queue chaque jour devant les centres de distribution ou les camions d’eau potable, espérant recevoir un repas ou une bouteille d’eau pour tenir quelques heures.
Cette scène traduit le désespoir ambiant : l’espoir de recevoir de l’aide s’amenuise chaque jour face à la lenteur des distributions, au manque de transparence et à la persistance des pillages, alors que la demande en nourriture augmente avec les déplacements massifs et l’absence de revenus.
Marchandises commerciales… Protection renforcée et prix exorbitants
En parallèle, la bande de Gaza a vu entrer des dizaines de camions chargés de marchandises destinées aux commerçants. Ces cargaisons sont arrivées à bon port grâce à une escorte de sécurité spéciale, dont ne bénéficient pas les camions d’aide humanitaire. Elles comprenaient des produits de première nécessité tels que le sucre, l’huile de cuisson, l’huile d’olive, les fromages, le café et le riz. Mais leur arrivée n’a pas entraîné la baisse des prix espérée par la population.
Au contraire, les prix restent astronomiques, ayant augmenté de 1000 % à 3000 % par rapport à la période de trêve précédente. Par exemple, le prix du kilo de farine est passé de 1 shekel à 15-20 shekels, celui du kilo de sucre de 3 shekels à 35 shekels, et le litre d’huile de cuisson coûte désormais 33 shekels contre 7 shekels auparavant.
Cette flambée s’explique par les coûts supplémentaires imposés aux commerçants — assurances, frais de « coordination » pour l’entrée des camions — qui peuvent atteindre des centaines de milliers de shekels par cargaison. Résultat : le citoyen ordinaire, sans revenus ou avec un revenu dérisoire, se retrouve incapable d’acheter même les produits alimentaires les plus basiques, bien qu’ils soient disponibles sur le marché.
Les interdictions persistantes
Malgré l’entrée de certaines denrées de base, une longue liste de produits reste interdite par l’occupant, qui les considère comme des « articles de luxe ». Parmi eux : la viande, la volaille, les fruits, le lait et les couches pour bébés, les légumes frais, les produits de nettoyage, ainsi que les vêtements et chaussures.
Le gaz de cuisson et le carburant nécessaire aux générateurs électriques sont également interdits, tout comme tout équipement pouvant produire de l’énergie (panneaux solaires, batteries). Ces restrictions signifient que la vie quotidienne à Gaza recule constamment : la plupart des familles cuisinent et se chauffent avec des moyens rudimentaires, et vivent dans le noir la majeure partie de la journée. Même les familles disposant encore d’un peu d’argent ne trouvent pas les produits essentiels, ce qui entretient une situation de privation collective sans précédent.
L’absence de pouvoir d’achat
Même les produits qui parviennent à entrer restent hors de portée de la majorité de la population, non pas en raison de leur rareté mais de leur prix. La guerre prolongée a épuisé les économies des habitants ; les déplacements successifs les ont contraints à dépenser leurs ressources pour des loyers temporaires, des transports et des denrées achetées à prix fort.
Le chômage a atteint des niveaux records : la plupart des entreprises, usines et exploitations agricoles sont à l’arrêt, transformant la main-d’œuvre en files de demandeurs d’emplois journaliers, pour des salaires dérisoires. Sans aide directe et avec la suspension des salaires des secteurs public et privé, les marchés se retrouvent pleins de marchandises mais vides de clients. La crise économique est ainsi devenue une crise humanitaire sévère : les citoyens regardent les étals garnis en sachant qu’ils n’ont pas de quoi acheter, tandis que les stocks s’entassent dans les entrepôts des commerçants.
Déplacements forcés et peur de l’inconnu
La situation sur le terrain n’est pas meilleure : les vagues de déplacement continuent, des zones est et nord vers le centre et le sud, comme Nuseirat et Deir al-Balah. Ces déplacements ne sont pas temporaires mais constituent désormais un mode de vie forcé : les familles doivent déménager à chaque bombardement ou menace militaire.
Beaucoup vivent dans des écoles, des tentes ou chez des proches, dans des conditions précaires. Avec la menace de l’armée israélienne d’occuper la ville de Gaza en première étape avant de se diriger vers le centre de la bande, les habitants vivent dans une peur constante, ignorant où fuir ensuite, ou s’ils pourront revenir un jour dans leurs maisons détruites. Cette peur est aggravée par les bombardements indiscriminés qui rendent toute zone de Gaza potentiellement ciblée.
Le rôle des équipes de l’UJFP dans l’atténuation de la souffrance
1. Distribution de repas dans la zone de Mawasi Khan Younis
Face à la rareté des denrées et à l’explosion des prix, les repas chauds distribués par les équipes de l’UJFP à Mawasi Khan Younis sont devenus un véritable sauvetage pour les déplacés, en particulier les agriculteurs ayant dû fuir leurs terres de l’est de Khan Younis, transformées en zones de combat. Ces familles ont perdu toute source de revenus et ne survivent que grâce à l’aide humanitaire.
Les équipes préparent chaque matin des centaines de repas variés, veillant à leur valeur nutritive (riz ou pâtes, légumes quand c’est possible, source de protéines comme lentilles ou haricots). La distribution est organisée afin d’éviter les bousculades, avec un enregistrement préalable des familles bénéficiaires.
Malgré les difficultés logistiques et le manque de matières premières, elles s’efforcent d’atteindre le plus grand nombre possible, y compris dans des zones éloignées ou dangereuses. Pour beaucoup, ce repas est le seul plat cuisiné de la journée et constitue un minimum vital pour leurs enfants.
2. Le centre éducatif du camp Al-Fajr – Mawasi Khan Younis
En temps de guerre, l’éducation est souvent la première victime. Mais les équipes de l’UJFP, au camp Al-Fajr de Mawasi Khan Younis, considèrent que l’enseignement est un droit inaliénable, même dans les pires conditions. Ce centre a été créé comme refuge pour les enfants déplacés d’agriculteurs privés d’écoles et d’enseignants après la destruction ou la réquisition de leurs établissements.
Les élèves sont répartis par groupes selon leur âge et leur niveau, avec des cours d’arabe, de mathématiques, de sciences et d’éducation islamique. Les enseignants bénévoles intègrent aussi des activités récréatives (dessin, travaux manuels, jeux éducatifs) pour soulager la pression psychologique.
Ces activités favorisent aussi la reconstruction des liens sociaux et donnent aux enfants un sentiment de normalité, ne serait-ce que pour quelques heures par jour. Des parents affirment que ce centre a redonné à leurs enfants la motivation de se lever chaque matin et l’espoir que leur avenir scolaire n’est pas perdu.
3. Le centre « Premiers Pas » – Ouest de Nuseirat
À l’ouest de Nuseirat, le centre « Premiers Pas », soutenu par l’UJFP, joue un rôle clé en offrant éducation et soutien psychologique aux enfants, qu’ils soient locaux ou déplacés. Le centre combine enseignement académique et activités ludiques, afin de rétablir un équilibre dans la vie d’enfants profondément marqués par la guerre.
Les programmes couvrent toutes les matières officielles, avec un enseignement adapté aux différences de niveau, notamment pour ceux qui ont été longtemps déscolarisés. Des cours de rattrapage intensifs sont organisés, ainsi que des activités collectives (concours, travaux en groupe) pour encourager coopération et esprit communautaire.
Le centre propose aussi des séances de soutien psychologique aux enfants traumatisés par les scènes de bombardement et de déplacement, à travers discussions et activités artistiques, et organise régulièrement des événements récréatifs pour rompre la monotonie de la vie en déplacement.
Pour beaucoup, ce centre est devenu une maison secondaire, leur procurant un sentiment de sécurité et d’appartenance, et leur rendant une part de l’enfance que la guerre a tenté de leur arracher.
À la lumière de cette réalité, il apparaît clairement que les informations sur l’entrée de centaines de camions d’aide ou de marchandises n’ont pas apporté d’amélioration tangible dans la vie des habitants. L’aide humanitaire est entravée par le pillage et la rétention, les marchandises commerciales arrivent mais restent inaccessibles à cause des prix exorbitants, et l’occupation continue d’interdire l’entrée de produits vitaux.
Face au déplacement massif, à l’absence de pouvoir d’achat, à la pauvreté et au chômage, l’image humanitaire demeure sombre. La faim, la peur et l’incertitude continuent de hanter les habitants.
Le travail des équipes de l’UJFP représente une lueur d’espoir au cœur de l’obscurité : fournir nourriture, éducation et soutien psychologique aux enfants et déplacés. Bien que ces initiatives ne suffisent pas à combler l’énorme fossé entre besoins et ressources, elles prouvent que l’action humanitaire, guidée par la conviction que chaque être humain a droit à la vie et à la dignité, peut faire une différence réelle, même dans les circonstances les plus dures.
La crise persistant, il est urgent de mobiliser davantage de soutien international, de mettre en place des plans de distribution transparents et des garanties pour que l’aide parvienne directement aux bénéficiaires. C’est la seule voie pour que les habitants de Gaza puissent enfin vivre en paix et dépasser cette épreuve vers un avenir plus sûr et plus humain.
Lien vers les photos et vidéos
travail humanitaire
https://drive.google.com/drive/folders/1e-COx8e9sUt3D60Ya3IN-4oCoYopk5mn
Programmes éducatifs
https://drive.google.com/drive/folders/1bkMGlHbduRnSTByS8V-mskuWhclrQxV0
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