Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Scénarios pour Gaza : entre prolongation de la trêve et reprise de la guerre
9 mars 2025Un texte de réflexion d’Abu Amir reçu le 9 Mars
Israël continue de brandir la menace d’une reprise de la guerre contre la bande de Gaza, agitant l’option de l’escalade militaire si le Hamas refuse de libérer les otages israéliens détenus dans la bande. Cet entêtement israélien a conduit la deuxième phase des négociations sur le cessez-le-feu à une impasse, en l’absence de toute perspective réelle de solution. Dans une nouvelle mesure de pression, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a ordonné la fermeture des points de passage et l’interdiction de l’entrée de l’aide humanitaire dans Gaza, en plus de la coupure de l’approvisionnement en eau, dans le but d’asphyxier encore davantage la population et de contraindre la résistance à faire des concessions selon les conditions israéliennes. Il semble que le gouvernement d’occupation cherche à s’approprier totalement la gestion de l’aide humanitaire, afin d’en faire un levier de pression dans toute négociation future.
Dans ce climat tendu, les États-Unis ont présenté une nouvelle proposition au Hamas, prévoyant la libération de dix otages israéliens vivants en échange d’une prolongation de la trêve de 60 jours, de la réouverture des points de passage et de la reprise de l’acheminement de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Cette offre est encore en cours d’examen par le Hamas, qui comprend que tout accord doit être équilibré et garantir un minimum d’acquis pour la partie palestinienne, notamment un arrêt total de la guerre, afin qu’Israël ne puisse pas utiliser la question des otages comme un moyen de chantage politique.
La première phase de l’accord de cessez-le-feu, entrée en vigueur le 19 janvier, a pris fin au début du mois de mars. Comme à son habitude, Israël a refusé d’engager des négociations sérieuses sur la deuxième phase, compliquant davantage la situation politique et militaire. Face aux tergiversations israéliennes, la question qui se pose désormais est : quels sont les scénarios envisageables pour la prochaine étape ?
Plusieurs scénarios pourraient se dessiner dans les jours et semaines à venir : une prolongation de la trêve sous une nouvelle forme, une reprise de la guerre ou une courte escalade militaire suivie d’un retour au processus de désescalade. Dans un contexte aussi complexe, les options restent très limitées, ce qui impose une réflexion pragmatique, loin des émotions et des exagérations médiatiques.
L’un des scénarios les plus probables est la prolongation de la trêve sans engagement explicite d’Israël à cesser définitivement les hostilités. La proposition actuellement en discussion, portée par l’envoyé du président américain Steve Wietkoff, consiste en une prolongation de la trêve de 50 jours, en contrepartie de la libération par le Hamas de la moitié des otages vivants et décédés dès le premier jour, suivie du lancement de négociations entre les deux parties. Cependant, aucune obligation israélienne de mettre fin aux opérations militaires n’est incluse dans cet accord. Ce scénario présente à la fois des avantages et des risques. D’un côté, il permettrait de gagner du temps pour acheminer davantage d’aide humanitaire et atténuer légèrement la catastrophe humanitaire qui frappe Gaza. D’un autre côté, l’absence de garanties israéliennes sur l’arrêt des hostilités signifie qu’Israël cherche uniquement à vider la question des otages de son poids stratégique, sans offrir de véritables concessions concernant l’arrêt de la guerre et la reconstruction du territoire.
Le deuxième scénario est la reprise des opérations militaires contre Gaza pour accentuer la pression sur la résistance. Israël pourrait chercher à revenir à sa stratégie antérieure, reposant sur une intensification des frappes militaires afin de contraindre le Hamas à faire des concessions plus importantes dans d’éventuelles négociations. Cependant, ce scénario est confronté à plusieurs obstacles, notamment la pression exercée par l’opinion publique israélienne elle-même, en particulier par les familles des otages encore détenus à Gaza, qui craignent que la reprise de la guerre ne compromette toute chance de retrouver leurs proches en vie. De plus, l’expérience des 15 derniers mois de guerre a prouvé l’échec de la stratégie israélienne basée sur la pression militaire seule. Néanmoins, le gouvernement israélien pourrait tenter de mener des opérations ciblées contre ce qui reste de l’infrastructure militaire de la résistance, dans l’espoir d’obtenir des résultats rapides sans s’enliser dans un conflit prolongé. Ce scénario reste toutefois périlleux, car une riposte forte de la résistance pourrait entraîner une escalade incontrôlable.
Dans ce contexte, les Palestiniens ne peuvent pas se reposer uniquement sur la question des otages ou sur la résistance militaire, mais doivent adopter un discours politique et médiatique plus global, renforçant la position palestinienne sur la scène arabe et internationale. Il est essentiel de transmettre des messages politiques clairs, affirmant qu’aucune solution ne saurait être viable sans un arrêt complet de la guerre, la reconstruction de Gaza et l’aide aux populations civiles.
Il est également primordial d’adopter une approche réaliste face à la situation sur le terrain. Si le Hamas conserve sa capacité de combat, il n’en demeure pas moins qu’il a subi des pertes considérables, que ce soit en termes de leadership ou d’infrastructure militaire. Ce constat doit être intégré dans la stratégie des prochaines étapes, afin d’éviter une présentation biaisée de la réalité militaire et de trouver un équilibre entre le renforcement du moral de la population palestinienne et la mise en avant de la cause palestinienne face à un monde largement acquis à Israël.
Dans ce cadre, il est essentiel de rappeler que la priorité n’est pas de maintenir le Hamas au pouvoir, mais bien d’arrêter la guerre et de sauver Gaza d’une destruction totale. Si le prix à payer pour sauver le territoire est de confier son administration à une entité palestinienne ou arabe, alors cette option doit être sérieusement envisagée, à condition qu’elle mène à la cessation des hostilités, à la reconstruction et à l’amélioration des conditions de vie des habitants. La gestion du dossier des otages doit se faire intelligemment, afin de ne pas laisser Israël l’instrumentaliser à son avantage.
Il est donc impératif d’aborder avec la plus grande prudence toute proposition de trêve, afin qu’elle ne serve pas uniquement à Israël pour relancer ses opérations militaires, surtout avec le soutien potentiel de la nouvelle administration américaine. Cela nécessite une mobilisation diplomatique rapide pour dialoguer avec les acteurs arabes, en particulier à la lumière du sommet arabe prévu au Caire et des discussions sur un plan égyptien de reconstruction de Gaza, sans en modifier la démographie ni en expulser les habitants. Par ailleurs, il est urgent de revoir la stratégie médiatique palestinienne pour la recentrer sur les revendications essentielles, en évitant les exagérations ou les discours irréalistes. L’unité palestinienne dans cette phase est capitale, car toute division interne affaiblirait les efforts de négociation et offrirait à Israël l’opportunité d’exploiter ces fractures à son avantage. L’étape à venir exige une réflexion stratégique dépassionnée, car toute acceptation d’un accord de trêve doit être assortie de garanties solides, pour ne pas devenir un simple répit au service d’Israël. L’objectif final ne doit pas se limiter à l’arrêt temporaire de la guerre, mais à l’instauration d’un avenir sécurisé pour Gaza et ses habitants, mettant en échec les plans israéliens pour “le jour d’après” dans la région.
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