Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Soutien psychologique et éducation nutritionnelle dans les camps
16 mai 2025Dans la journée du 15 Mai Abu Amir rend compte d’une séance collective organisée pour les femmes sur la malnutrition qui a eu lieu dans un camp.
Dans l’une des tentes du camp Al-Asdiqaa à Deir Al-Balah, vingt femmes déplacées se sont réunies pour une séance animée par les équipes de l’UJFP, intitulée « Malnutrition ». Mais en réalité, cette séance était bien plus que cela : un espace rare de chaleur humaine au cœur de la dureté du déplacement, mêlant éducation et soutien psychologique, discussion sur la faim et apprentissage des moyens de la combattre avec le peu de ressources disponibles. Cette séance répondait à une réalité catastrophique vécue par les mères dans les camps, où les corps des enfants s’affaiblissent jour après jour, leur teint s’efface, leur croissance se fane, tandis que les mères n’ont que leurs larmes et un sentiment brûlant d’impuissance. Dans cet environnement impitoyable, la connaissance devient un outil de résistance, et la rencontre collective, un refuge pour s’exprimer et créer de la solidarité entre femmes.
La séance a commencé par l’activité « Dessiner la réalité », où chaque femme devait dessiner ou écrire ce que représente l’alimentation dans sa vie aujourd’hui. Les participantes ont livré des dessins émouvants : un seul repas partagé entre quatre enfants, un morceau de pain sec, un enfant affamé dormant à même le sol. Ce n’était pas une activité artistique mais une porte ouverte sur la douleur profonde liée à la faim. Après la discussion, un exposé simplifié a été présenté sur le concept de malnutrition, ses causes et ses trois types (émaciation, retard de croissance, carence en micronutriments), en mettant l’accent sur les signes visibles que les mères peuvent identifier, notamment chez les enfants de moins de cinq ans et parmi les femmes enceintes ou allaitantes.
La sensibilisation seule ne suffit pas. L’équipe a organisé une activité pratique intitulée « Un repas avec ce qu’on a ». Les femmes ont été invitées à proposer les ingrédients d’un plat pouvant être préparé à partir des produits disponibles comme le riz, la farine, les lentilles, le lait en poudre et les conserves. Nous avons ensuite discuté des moyens d’améliorer la valeur nutritionnelle en utilisant des méthodes de cuisson saines et en essayant d’intégrer des éléments tels que les légumineuses ou les huiles bénéfiques. Des conseils ont été donnés sur la manière d’utiliser les ressources disponibles pour améliorer l’alimentation des enfants, même dans une pauvreté extrême.
La troisième activité, intitulée « Alimentation des nourrissons en situation d’urgence », portait sur l’importance de continuer l’allaitement maternel, surtout en l’absence d’aliments prêts à consommer. Des méthodes simples de préparation de repas complémentaires avec de l’eau et de la farine ou des lentilles ont été présentées, ainsi que l’importance de l’hygiène pour prévenir la diarrhée, qui aggrave l’état nutritionnel.
Puis est venue l’activité « Cercle des soucis partagés », où les femmes, assises en cercle, faisaient passer entre elles une balle en tissu. Celle qui la recevait devait parler de ce qui l’inquiète concernant la santé de ses enfants. Des paroles sincères et douloureuses ont fusé de la bouche des mères : « Mon fils ne mange rien », « Mon enfant pleure en dormant et je n’arrive pas à le calmer », « Je sens que je le perds jour après jour ». Beaucoup ont pleuré à ce moment-là, mais ces larmes faisaient partie d’un processus de libération porteur d’un pouvoir de guérison.
En réponse à ce fardeau émotionnel, nous avons mené un exercice simple de relaxation et de respiration. Les femmes se sont assises, ont fermé les yeux au son d’une musique douce, et ont imaginé un instant de sérénité où elles sont assises avec leurs enfants dans une maison sûre, avec de la nourriture à disposition et un enfant qui sourit de satiété, et non de peur. Cet exercice était une tentative modeste de réparer quelque chose en elles, abîmé par la lutte quotidienne pour survivre.
Avant de conclure, un résumé visuel a été présenté, incluant des images et illustrations des symptômes de la malnutrition et comment les reconnaître, ainsi que des étapes de soins de base possibles comme l’apport en liquides supplémentaires, l’attention à l’hygiène personnelle, et la nécessité de se rendre dans un centre de santé au moindre signe inquiétant.
En clôturant la séance, l’objectif n’était pas d’offrir une solution magique à un problème complexe comme la faim, mais d’allumer une bougie au cœur de l’obscurité, de dire aux femmes : « Vous n’êtes pas seules », et de leur donner des outils de base pour comprendre ce qui se passe dans le corps de leurs enfants et dans le leur. Cette séance a réussi à créer un rare mélange de savoir et de solidarité humaine, transformant une tente modeste en espace de résistance, où l’on parle de faim, mais aussi de rires, de larmes, d’espoir et de détermination.
Au milieu du vacarme de la guerre et du silence du monde, une telle séance a une grande signification. Elle n’est pas la fin de la faim, mais le début de la conscience.
Lien vers les photos et vidéos
https://drive.google.com/drive/folders/1g54roITOsrC1OxOUFtnEoLEDLd6zwp7U
Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :
ARTICLE AGORA SUIVANT :
