Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Soutien psychosocial : Le jour d’après la guerre

19 octobre 2025
Atelier de soutien psy dans le camp d'AL- Asdiqa'a: le jour d'après la guerre crédit photo UJFP Gaza

Les ateliers de soutien psychologique organisés par L’UJFP pour les femmes à Gaza sont et développent un lien direct sur le terrain avec ce qu’elles vivent au quotidien, compte rendu du 18 Octobre

Alors que le soleil matinal se levait timidement au-dessus des tentes du camp des Amis, à l’ouest de Deir al-Balah, un nouveau sentiment naissait chez les femmes déplacées : un sentiment de vie après la tempête. Dans une petite tente ornée de rires timides et de regards en attente, l’équipe de l’UJFP poursuivait son travail de soutien à travers une séance intitulée Le jour d’après la guerre , une séance visant à semer l’espoir dans le cœur des femmes et à leur redonner le sentiment que demain peut se construire par la volonté, non par l’attente.

La séance ne parlait pas de la guerre, mais de la vie qui suit. Elle était une tentative collective de passer de la phase de survie à celle de la construction, de la peur à la planification, du chaos à l’espoir structuré. Vingt-cinq femmes déplacées de l’ouest de Deir al-Balah, vivant actuellement au camp des Amis, participèrent à cette séance. Elles étaient venues, portant dans leurs yeux un mélange de prudence et d’espoir, et dans leurs cœurs un désir sincère de retrouver ce qu’elles avaient perdu, à savoir la tranquillité et la confiance.

Les femmes étaient assises en cercle rapproché, et la séance commença par la voix de l’animatrice :« Aujourd’hui, nous ne parlerons pas de la guerre, mais de demain. Nous ne plongerons pas dans le passé, mais nous tracerons un chemin vers ce qui peut être. Vous n’êtes pas seulement des victimes, mais le noyau d’une nouvelle vie. »

Cette introduction fut la clé pour ouvrir les cœurs clos, chacune ressentit que cette séance serait différente.

Les activités psychologiques et pratiques commencèrent alors, progressivement et avec méthode, combinant évacuation émotionnelle et réflexion réaliste.

La première activité portait le nom Carte de sécurité immédiate , un exercice à la fois pratique et psychologique. « La fin de la guerre ne signifie pas la fin du danger. Parfois commence une phase encore plus sensible après le silence, où il existe des débris dangereux et des endroits non sûrs. Aujourd’hui nous tracerons ensemble notre carte personnelle de la sécurité. »

Les femmes commencèrent à discuter avec précaution des lieux où elles s’étaient senties en danger, comment les éviter ou y faire face. Des papiers et des stylos de couleur furent distribués, chaque petit groupe commença à dessiner le périmètre de leurs tentes et les zones proches. Le spectacle ressemblait à un atelier d’ingénierie de l’espoir. Leurs voix « Ce chemin est jonché de débris », « Il y a un puits ouvert », « Nous devons mettre en garde les enfants de jouer ici ».

La peur s’était transformée en conscience organisée. Puis elle demanda à chaque femme d’écrire trois règles de sécurité personnelles, pour elle et pour ses enfants. Une femme d’une quarantaine d’années dit :« Je pensais que j’étais incapable de protéger mes enfants, mais maintenant je vois que je peux établir un simple plan, et cela me donne un sentiment de force. »

La tente se remplit de paroles positives pour la première fois depuis longtemps.

Ensuite, l’équipe passa à la deuxième activité, Qu’emporterons-nous demain ? .
«
Ce n’est pas un exercice sur les objets que nous mettons dans nos sacs, mais sur les ressources que nous portons en nous. Nous voulons savoir ce que nous allons emporter de cette étape à la prochaine, en termes de valeurs, de sentiments et de priorités. »

Elle demanda à chaque femme de choisir trois priorités pratiques et trois priorités psychologiques. Certaines écrivirent des mots comme « sécurité, abri, nourriture », puis elles ajoutèrent en dessous « espoir, patience, famille ». Et quand chacune lut ce qu’elle avait écrit à haute voix, un étrange sentiment de chaleur emplit l’espace. Une femme d’une cinquantaine d’années, déclara :« J’ai réalisé maintenant que j’ai besoin d’espoir plus que de toute autre chose, car l’espoir est la seule chose qu’on ne peut pas nous voler. »

Ce moment fut comme un processus de guérison collective non déclaré, où les feuilles blanches furent transformées en miroirs reflétant ce qui se trouvait au fond des cœurs.
« Quand nous divisons nos grands problèmes en petites étapes, nous devenons plus forts, car nous voyons le chemin clairement. »

Puis vint la troisième activité, Espace de respiration tranquille . L’animatrice demanda aux femmes de s’asseoir en cercle confortable. « Maintenant, nous prendrons quelques minutes de beau silence. Nous retrouverons nos respirations qui ont été longtemps étouffées. La respiration est le chemin du retour à soi. Quand nous contrôlons nos respirations, nous retrouvons le contrôle de notre vie. »

Les femmes commencèrent à suivre les consignes lentement, leurs visages se détendirent peu à peu, certaines femmes poussèrent un long soupir suivi d’un sourire apaisé. Dans ce silence, les âmes retrouvaient leur équilibre, et le corps réapprenait comment être en sécurité. Quand l’exercice se termina, toutes échangèrent des regards limpides et des sourires sincères, et chacune sentit que la séance n’était pas simplement une rencontre, mais un véritable début de parcours de guérison.

Nous sommes encore là , exercice destinée à aider les femmes à exprimer leur état psychologique après l’arrêt de la guerre, avec tout ce que cela comporte de contradictions entre perte et survie. « Chacune de vous est passée par une tempête. Vous avez peut-être perdu des proches, des maisons ou des choses inestimables, mais vous avez aussi survécu. Aujourd’hui, nous voulons vous entendre… Comment vous sentez-vous maintenant que la guerre est terminée ? »

Une femme ayant perdu son logement dit :« Je pensais que la fin de la guerre me rendrait heureuse, mais j’ai découvert que j’ai peur de demain plus que du bombardement. Je me sens comme si nous étions sorties d’une grande prison vers un vide inconnu. »

Puis une autre femme ayant perdu son mari déclara : « Je suis soulagée que mes enfants soient sains et saufs, mais mon cœur est lourd. Chaque lieu me rappelle ce que j’ai perdu, mais j’essaye de me dire que la vie continue. »

L’animatrice expliqua que ce que ressentent ces femmes est la contradiction entre soulagement et peur, cela fait partie du processus de guérison. Elle demanda à chaque femme de compléter une seule phrase : « Malgré tout, je suis… »
« Malgré tout, je suis encore forte. »« Malgré tout, je suis encore mère. »
« Malgré tout, j’aime encore la vie. »

Ces courtes phrases furent comme une proclamation d’existence. Un moment de confirmation collective que la douleur n’a pas effacé la force, que peu importe l’ampleur des pertes, elles n’éteignent pas la braise de la survie. La séance devint presque comme une renaissance pour des esprits épuisés.

En conclusion, quelques-unes des participantes partagèrent leur ressenti après la séance. Une femme âgée déclara :« La plus grande pression n’était pas la peur, mais l’angoisse de l’inconnu. Aujourd’hui j’ai appris à traiter demain pas à pas, à commencer par la sécurité puis la nourriture puis l’abri. »

Et une jeune mère ajouta :« Le plan de sécurité était la chose la plus importante que j’ai apprise aujourd’hui. Je ne savais pas comment expliquer à mes enfants les dangers sans les effrayer, et maintenant je peux. »

Une autre esquissa :« Ce qu’il y a de plus beau dans la séance, c’est que nous n’étions pas seules, nous étions ensemble, traçant un nouveau chemin. »

Lorsque les femmes quittèrent la tente, leurs conversations étaient davantage tournées vers l’espoir que vers la douleur. Certaines revenaient en souriant vers leurs enfants qui les attendaient à l’extérieur de la tente, comme si chacune d’elles portait avec elle une petite carte de sécurité, et un nouveau concept de survie.

Elles sont reparties en sachant que la guérison ne vient pas d’un seul coup, mais commence par un petit pas, qui restaure la foi en la vie. La séance fut un témoignage vivant que le soutien psychologique n’est pas un luxe, mais la pierre angulaire de la construction de l’être après la guerre.

Et à la fin de la journée, une participante résuma par une phrase qui restera gravée dans la mémoire de l’équipe :« La guerre nous a pris beaucoup, mais elle n’a pas pris notre volonté. Aujourd’hui nous avons su que demain est à nous, et que nous allons le construire nous-mêmes, pas à pas, ensemble. »

Lien vers les photos et vidéos

https://drive.google.com/drive/folders/19yaVi8ztvjBq10WhUvbXbfM-KLzS9haX

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