Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Une éducation qui continue de triompher à Gaza

13 décembre 2025
A Gaza l'avenir s'écrit aussi avec un stylo! crédit photo UJFP

Compte rendu des actions éducatives 11/12 : les flammes de l’éducation en temps de guerre, les centres éducatifs résistent à l’obscurité de l’ignorance à Gaza.

Au cœur de la tragédie vécue par la bande de Gaza lors de la dernière guerre, entre les décombres des écoles et des maisons détruites, au milieu de l’exode de centaines de milliers de familles dispersées par les bombardements et la dévastation, est née une expérience éducative exceptionnelle. Une expérience qui portait un message dont l’importance n’était pas moindre que celle de la nourriture, de l’eau ou des médicaments : préserver le savoir dans une terre que l’on souhaite déraciner de ses origines. Lorsque le système éducatif s’est effondré sous l’effet de la destruction délibérée des écoles, de l’assassinat et du déplacement de milliers de cadres pédagogiques, l’éducation n’est pas restée spectatrice. Elle s’est relevée, prenant la forme de centres éducatifs créés sous le feu, et poursuivant leurs activités après le cessez-le-feu, pour constituer une alternative temporaire capable de sauver ce qui pouvait l’être de l’avenir d’une génération entière. Pour les Palestiniens, l’éducation n’a jamais été un simple droit ; elle a toujours été une forme de résistance et de résilience. Depuis des décennies, le peuple palestinien est confronté à des guerres qui visent l’être humain avant les bâtiments, à une multitude de tentatives visant à saper sa conscience, son avenir et à répandre l’ignorance parmi ses membres, dans l’espoir de façonner un peuple facile à contrôler, poussé au désespoir et à la reddition. Les Palestiniens, qui connaissent intimement la signification de la liberté, se sont attachés au savoir comme à la seule voie menant à une vie digne, au moyen suprême de préserver leur identité, et à l’arme la plus puissante face aux projets d’effacement et de marginalisation. Il n’était donc pas surprenant de voir naître, au milieu des ruines, un nouveau bastion : de petits centres éducatifs mais immenses par leur mission, solides comme ceux qui les portent.

Depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023, les contours de l’agression étaient clairs : la guerre ne visait pas seulement les infrastructures, mais tout ce qui donne vie à Gaza, l’espoir, les rêves, le savoir, et toute fenêtre par laquelle la vie pourrait pénétrer. L’objectif n’était pas seulement de faire taire les voix des enfants, mais de réduire leur avenir au silence, en détruisant les écoles, en ciblant les universités et en effaçant les espaces où se crée la connaissance. Cette guerre a visé la destruction de tous les aspects vitaux du territoire, laissant des milliers d’élèves hors du processus éducatif et des milliers d’enseignants sans abri, sans travail, voire sans vie. Au milieu de ce tableau tragique, nos équipes humanitaires se sont mobilisées, avec pour premier objectif de sauver l’être humain palestinien d’une mort lente. Nous avons fourni nourriture, eau, vêtements et tentes, et tenté autant que possible d’assurer les besoins essentiels des familles ayant quitté leurs maisons pour fuir vers l’inconnu. Si la priorité était de préserver la vie, la conviction que le savoir est lui-même une forme de vie n’a jamais disparu, tout comme la certitude que l’ignorance est la menace la plus dangereuse pour un peuple qui lutte pour son existence. Un peuple ignorant peut être conduit aisément, tandis que celui qui est instruit connaît ses droits, ses devoirs, ses limites, il cherche la liberté et la défend.

Ainsi, l’action humanitaire n’a jamais été dissociée de l’attachement à l’éducation ; elle en a été le prolongement naturel. Animées par cette conviction profonde, les équipes de l’UJFP ont entrepris de créer des centres éducatifs dans les camps accueillant des milliers de déplacés, afin de compenser les pertes d’apprentissage des élèves et de fournir un environnement sûr aux enfants, leur offrant un minimum de stabilité au milieu du chaos, et leur restituant une part du quotidien qui leur avait été brutalement arraché. Ce fut une initiative empreinte d’un courage exceptionnel dans des conditions inhumaines, mais aussi une démarche indispensable : l’avenir des enfants se construit maintenant, il ne peut attendre la fin complète de la guerre.

L’UJFP a commencé son parcours en créant le premier centre éducatif dans le camp Al-Fajr à Mawasi Khan Younès. Bien que dépourvu de moyens, il débordait d’une vie nouvelle en train de se former. Après le succès de ce premier centre, l’UJFP a rapidement établi un second centre dans le camp Al-Azza au sud de Deir al-Balah, puis un troisième dans le camp Al-Baladiya, au centre de Deir al-Balah, un quatrième dans le camp Al-Amal, avant de conclure cette série par l’ouverture de l’école Le Premier Pas à l’ouest de Nuseirat. Ces centres n’étaient pas de simples lieux d’apprentissage ; ils étaient des points de lumière dans la longue nuit de Gaza, de petites flammes allumées face à l’obscurité, dissipant l’ombre de l’ignorance que la guerre avait voulu imposer à une génération entière. Des milliers d’enfants ont bénéficié de ces centres, retrouvant une part de la vie qui leur avait été confisquée. Ils se sont assis sur des bancs d’école improvisés, ont tenu cahiers et crayons, et ont suivi des cours parfois accompagnés du bruit des explosions — mais ils ont persisté.

Avec le retour progressif de certains habitants dans leurs régions après le cessez-le-feu, plusieurs centres ont fermé car leur nécessité y était devenue moindre. Mais le centre Al-Fajr à Mawasi Khan Younès et l’école Le Premier Pas à l’ouest de Nuseirat demeurent debout, accueillant des centaines d’élèves toujours déplacés, sans écoles. Ces deux centres sont devenus des symboles de l’éducation à Gaza, et une preuve que le savoir peut s’épanouir même dans les conditions les plus dures.

La continuité de ces centres n’a pas seulement été un défi au réel, mais une déclaration : Gaza est capable de défendre son avenir, quelles que soient les épreuves. Les enfants qui ont perdu leurs maisons, leurs familles ou leurs jeux ne doivent pas perdre aussi leur droit à l’éducation. Car si l’on construit des camps de toile, on construit aussi, en leur sein, des esprits fondés sur la connaissance, pour qu’une nouvelle génération soit capable de reconstruire non seulement les bâtiments, mais l’être humain palestinien lui-même. L’histoire de ces centres éducatifs devient l’histoire d’une nation entière : une nation qui lutte sur plusieurs fronts, soigne ses blessures, protège ses enfants et préserve son identité. Une nation qui sait que l’éducation n’est pas un luxe, mais une nécessité existentielle, et que l’ignorance est une bataille qu’il ne faut jamais abandonner à ceux qui veulent effacer la conscience et dissoudre la volonté du peuple. Malgré la douleur et les pertes, cette expérience demeure un témoignage vivant de la force de la volonté palestinienne et de sa foi inébranlable que l’avenir s’écrit d’abord avec un stylo.

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