Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Une nouvelle bombe politique de Trump et un voyage à Gaza-ville

3 février 2025
Voyage à Gaza ville

Dans la journée du 2 Février Abu Amir envoie deux textes : la colère et l’opposition des gazaoui.e.s et des pays arabes voisins aux déclarations de Trump et son voyage dans Gaza.

Les déclarations de Trump déclenchent une vague de colère et des manifestations massives à Gaza et au point de passage de Rafah Dans une déclaration qui a suscité une controverse politique majeure, le président américain Donald Trump a proposé l’expulsion des Palestiniens vers les pays voisins, notamment l’Égypte et la Jordanie, comme une “solution” au conflit israélo-palestinien. Ces propos surviennent à un moment particulièrement critique, alors que la question palestinienne traverse une phase complexe marquée par une escalade des tensions politiques et militaires. Cette proposition a été largement rejetée par les Palestiniens et la communauté internationale.

Trump et la politique de transfert des Palestiniens : une menace pour leur existence ?

Les nouvelles déclarations de Trump ne sont pas isolées, mais s’inscrivent dans la continuité d’une politique américaine qui soutient Israël sans conditions. Lors d’une interview, Trump a affirmé qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que les Palestiniens soient transférés vers les pays voisins, dans le cadre d’une “vision” visant à réduire la pression sur les territoires palestiniens. Cependant, en analysant ces propos, il semble clair que l’objectif réel est de liquider la question palestinienne à sa racine en mettant fin à la présence palestinienne sur leur terre natale et en la remplaçant par une expulsion collective forcée qui viole les lois et conventions internationales.

Une telle proposition porte des implications dangereuses pour l’avenir du peuple palestinien, en ouvrant la porte à des tentatives d’imposer une nouvelle réalité et d’annuler leurs droits historiques sur leur terre. Elle soulève également des questions cruciales sur l’avenir de la solution à deux États, qui a longtemps été perçue comme l’option politique la plus consensuelle à l’échelle internationale.

Colère populaire à Gaza et à Rafah : un rejet catégorique du plan d’expulsion

Les déclarations de Trump ont déclenché une vague de manifestations populaires dans la bande de Gaza, où des milliers de Palestiniens sont descendus dans la rue pour exprimer leur rejet absolu de toute tentative de les expulser de leurs terres. Les Gazaouis, qui vivent sous siège depuis de nombreuses années, voient ces déclarations comme une menace existentielle rappelant la Nakba de 1948 et la guerre de 1967.

Les manifestations ne se sont pas limitées à la ville de Gaza, mais ont touché tous les gouvernorats de la bande de Gaza. Des centaines de manifestants ont brandi des banderoles dénonçant tout projet d’expulsion forcée des résidents. Ils ont envoyé un message clair au monde : les Palestiniens ne sont pas seulement des numéros que l’on peut déplacer d’un endroit à un autre, mais ils sont un peuple doté de droits et d’une identité nationale qui ne peuvent être ébranlés, quelles que soient les pressions exercées sur eux.

La position de l’Égypte : Le Caire acceptera-t-il ce plan ?

La réaction de rejet ne s’est pas limitée aux Palestiniens. En Égypte, la déclaration de Trump a également suscité une indignation populaire et officielle. Bien que l’Égypte ait accueilli des réfugiés palestiniens à différentes périodes de son histoire, un déplacement forcé à grande échelle est une ligne rouge difficile à franchir. Au niveau populaire, de nombreux militants et citoyens égyptiens ont exprimé leur opposition totale à cette idée, affirmant que la cause palestinienne est une question nationale arabe qui ne peut être traitée uniquement sous un angle humanitaire. Selon des analystes, le gouvernement égyptien se retrouve dans une position délicate, tiraillé entre les pressions politiques internationales et le rejet populaire de ce projet.

Quant à la Jordanie, qui accueille déjà un grand nombre de réfugiés palestiniens, son gouvernement a également rejeté toute initiative visant à naturaliser les Palestiniens au détriment de leur droit au retour.

Conséquences politiques et humanitaires : Quel avenir pour les Palestiniens ?

Les déclarations de Trump soulèvent de nombreuses questions sur l’avenir de la cause palestinienne dans un contexte de changements régionaux et internationaux rapides. Est-ce une première étape vers l’abandon officiel de la solution à deux États ? Trump et ses alliés cherchent-ils à transformer la question palestinienne en un simple dossier humanitaire, plutôt qu’en une cause politique juste ?

Sur le plan humanitaire, l’expulsion forcée des Palestiniens constitue une violation grave des droits de l’homme. Selon le droit international et les résolutions des Nations Unies, le déplacement forcé est un crime de guerre qui va à l’encontre des principes fondamentaux de la justice. La mise en œuvre d’un tel plan ne fera qu’aggraver la situation humanitaire dans les camps de réfugiés palestiniens, où les conditions de vie sont déjà extrêmement difficiles.

Si ce projet venait à être imposé, il entraînerait une augmentation du nombre de réfugiés dans les pays voisins, ce qui pourrait engendrer de nouvelles crises sociales et économiques. De plus, toute tentative d’effacement de l’identité palestinienne par la dispersion et la fragmentation du peuple palestinien pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les générations futures.

L’avenir de la cause palestinienne : Le plan de Trump aboutira-t-il ou sera-t-il confronté à une résistance populaire et internationale ?

Face à la montée des réactions de rejet, il semble que les déclarations de Trump ne passeront pas sans opposition. La rue palestinienne et arabe rejette catégoriquement toute tentative d’imposer des solutions basées sur l’expulsion forcée, tandis que plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont commencé à alerter sur la gravité de ce scénario.

Cependant, une question demeure : les Palestiniens pourront-ils conserver leur droit sur leur terre, ou les pressions politiques les contraindront-elles à accepter des solutions injustes ? L’Égypte et la Jordanie accepteront-elles une telle décision, surtout dans un contexte économique et politique fragile ?

L’expulsion des Palestiniens n’est pas une solution, mais un crime politique et humanitaire

La question palestinienne reste au premier plan de la scène politique arabe et internationale, car les Palestiniens sont bien conscients que de tels plans visent à liquider leurs droits nationaux et à les disperser à travers le monde. Cependant, la résistance à ces idées est toujours présente et le rejet populaire de ces projets ne cessera pas. Le déplacement n’est pas une solution au conflit israélo-palestinien, mais plutôt une tentative de mettre fin à l’existence d’un peuple entier sur sa terre. La détermination du peuple et son adhésion à l’identité palestinienne resteront l’arme la plus puissante pour faire face à tout projet visant les droits des Palestiniens. Les tentatives américaines d’imposer des solutions injustes réussiront-elles, ou la détermination des Palestiniens redessinera-t-elle les contours de l’avenir ? Seuls les jours à venir nous le diront.

Mon voyage à Gaza et au nord de la bande : Entre scènes de destruction et résilience humaine

Début du voyage : De la plage de Nuseirat à la plage de Gaza
Mon voyage vers Gaza et le nord de la bande a commencé vendredi à 16h, partant de la plage de Nuseirat en direction de la plage de Gaza. Le moyen de transport que j’ai utilisé était inhabituel : une charrette tirée par des animaux, illustrant la difficulté des déplacements en raison de la destruction des routes et des infrastructures. Le trajet n’était pas physiquement épuisant, mais le paysage qui défilait sous mes yeux alourdissait mon cœur de tristesse et de douleur. Les ruines des villes et des villages racontaient des histoires de souffrance et de tragédie.

Des villes réduites en ruines
En traversant le pont de Wadi Gaza, la destruction est apparue sous forme de bâtiments en ruines. Le premier choc fut ce qui était autrefois un modèle d’architecture moderne. Il n’en restait que quelques colonnes éparses et le minaret d’une mosquée encore debout malgré les bombardements. Une école, presque méconnaissable au milieu des décombres, témoignait de la brutalité des frappes. Dix minutes après avoir quitté cette ville, nous nous sommes approchés de Zahra, l’un des quartiers les plus chics de Gaza avant la guerre. À 1500 mètres de distance, seules deux tours résidentielles restaient debout, le reste ayant été réduit en poussière. Même les gravats semblaient avoir disparu, comme si la ville avait été complètement effacée. Nous avons continué notre route sur la côte, atteignant Sheikh Ajlin, une région autrefois célèbre pour ses vignobles et ses paysages verdoyants. Ce lieu de beauté et de tranquillité n’était plus qu’un désert de sable et de décombres. C’est là que j’ai compris l’ampleur du désastre : Israël n’a pas seulement détruit des bâtiments, elle a cherché à effacer tout ce qui faisait la vie et l’histoire de Gaza.

Tel al-Hawa : Quand les ruines deviennent une partie de la route
En arrivant à Tel al-Hawa, nous avons été frappés par l’ampleur des destructions. Les rues étaient presque impraticables à cause des décombres, les bâtiments effondrés bloquaient la plupart des routes. Selon les estimations, plus de 70% de la région avait été rasée. Malgré ces obstacles, nous avons poursuivi notre chemin jusqu’au centre-ville de Gaza, où la destruction devenait encore plus intense à mesure que nous avancions vers le nord.

Une nuit à Gaza : Survivre au quotidien
À Gaza, j’ai passé la nuit chez un ami. Nous avons discuté des difficultés de la vie quotidienne : la rareté de l’eau potable, les coupures d’électricité permanentes et l’impossibilité d’accéder à Internet. Les quelques stations alimentées par l’énergie solaire étaient devenues le seul moyen pour les habitants de recharger leurs téléphones, et se connecter en ligne relevait désormais du luxe.

Les pêcheurs : Une résilience face à la destruction
Le lendemain matin, je me suis rendu au port de Gaza pour rencontrer Zakaria Bakr, président du syndicat des pêcheurs. Il m’a montré les destructions infligées à l’infrastructure maritime. Bien que le port ne soit pas un site militaire, il avait été méthodiquement détruit.

Zakaria a décrit comment plus de 25 missiles F-16 avaient frappé le quai, le scindant en deux et laissant un cratère de 20 mètres de profondeur. Les pertes étaient catastrophiques :

  • 93 grands bateaux, coûtant chacun environ 350 000 dollars, détruits.

  • 500 bateaux de taille moyenne et petite anéantis.

  • 120 ateliers de réparation et de stockage démolis.

  • L’usine de glace qui alimentait le marché aux poissons anéantie.

  • Des filets de pêche d’une valeur de centaines de milliers de shekels brûlés.

  • 21 bateaux touristiques complètement détruits.

Une image triste au fond de la mer
En regardant les eaux du port, nous avons vu des dizaines de bateaux coulés, brisés et abandonnés, comme des témoins silencieux du désespoir des pêcheurs qui dépendaient de la mer pour survivre.

Le port de Gaza

Les pêcheurs ciblés : La mort les traque sur l’eau comme sur la terre
Outre les destructions, les pêcheurs eux-mêmes ont été directement pris pour cibles. Le 31 janvier 2025, le pêcheur Saher Al-Qara’an a été tué par les tirs des navires israéliens. Il était le 47e pêcheur tué en mer en 15 mois. En tout, plus de 150 pêcheurs ont été tués, certains en mer, d’autres chez eux lors des bombardements.

Le nord de Gaza : Scènes de mort et de ruines
Après notre visite au port, j’ai poursuivi mon voyage vers le nord de Gaza, accompagné par des militants humanitaires.

Une destruction totale : Une vie devenue impossible
En entrant dans Jabalia, la dévastation était omniprésente. Il n’y avait plus de routes, seulement des montagnes de gravats et de poussière. Les quartiers entiers avaient disparu, des milliers de familles se retrouvaient sans abri. En avançant vers Beit Lahia et Beit Hanoun, les scènes devenaient encore plus effroyables. Pas une seule maison n’avait été épargnée, les infrastructures d’eau et d’électricité étaient hors service. Au milieu de ce chaos, des enfants erraient parmi les ruines, cherchant désespérément des souvenirs de leurs foyers détruits.

La lutte pour l’eau potable
Les militants m’ont emmené voir des puits détruits. À Jabalia, un puits avait été complètement démoli, incapable de pomper la moindre goutte d’eau. À Beit Lahia, un autre puits était hors service, privant des centaines de familles d’eau potable. Un habitant m’a dit, la voix brisée :
“Nous ne demandons que de l’eau. Nous ne cherchons plus le confort, juste de quoi survivre.”

Rencontre avec les habitants : Témoignages d’une vie impossible
À Beit Hanoun, un homme nommé Abou Mohammed m’a montré les ruines de sa maison en disant :
“Ici se trouvait ma maison, où vivaient mes six enfants. Maintenant, nous dormons sous les décombres et buvons une eau sale. Mais où pouvons-nous aller ?”

À Jabalia, une vieille femme, Oum Khaled, assise sous une tente de fortune avec son petit-fils, m’a confié en larmes : “Nous menions une vie simple mais digne. Aujourd’hui, nous n’avons plus rien, ni nourriture, ni eau, ni même un endroit pour dormir.”

Efforts humanitaires : Un espoir au milieu des ruines
Malgré la détresse, les militants humanitaires s’efforçaient de mettre en place des initiatives pour soulager les souffrances :

  1. Réparer les puits d’eau endommagés.

  2. Installer des stations de dessalement mobiles.

  3. Construire de nouveaux camps pour les sans-abri.

  4. Distribuer des denrées alimentaires et de l’eau potable.

  5. Utiliser des camions-citernes pour approvisionner les zones les plus touchées.

Touché par leurs efforts, j’ai décidé de financer deux camions d’eau, l’un pour Beit Lahia et l’autre pour Beit Hanoun, via l’organisation UJFP.

Conclusion : Gaza, un symbole de résilience
Mon voyage à Gaza et au nord de la bande s’est terminé, mais les scènes de destruction resteront gravées en moi. Malgré les ruines, les pertes et la souffrance, Gaza reste debout, portée par la détermination et le courage de son peuple.

Gaza n’est pas qu’une ville, c’est une histoire de résistance. Et tant qu’il y aura des Palestiniens pour y vivre, Gaza ne mourra jamais.

Lien vers les photos et vidéos

https://drive.google.com/drive/folders/1MwlLonTBkxglxWuOE37z-FIcyWP24D8A

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