Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Une tentative de regarder en face la situation de « l’après » à Gaza

24 février 2025
Bulldozers égyptiens spécialisés dans l'évacuation des débris

Un texte d’Abu Amir reçu le 23 Février qui est une analyse de la presse arabe : pour Gaza, les Arabes entre l’opposition au plan de Trump et la reconstruction

La scène politique arabe après la guerre à Gaza

Après la fin de la dernière guerre contre la bande de Gaza, les pays arabes ont intensifié leurs efforts pour formuler une vision unifiée face aux propositions américano-israéliennes concernant l’avenir de l’enclave. Ces efforts interviennent alors que Washington tente de redessiner la carte politique et démographique de Gaza, en accord avec ses priorités sécuritaires liées à Israël et dans le cadre d’une politique visant à gérer le territoire indépendamment de l’Autorité palestinienne. Cependant, cette approche suscite un large scepticisme quant à la capacité des pays arabes à influencer réellement l’équation politique, notamment en raison des équilibres internationaux complexes.

Les manœuvres arabes : tentative de trouver une alternative au plan de Trump

L’ancien conseiller du ministère des Affaires étrangères saoudien, Salem Al-Yami, a affirmé que la réunion qui s’est tenue à Riyad était de nature informelle, permettant ainsi aux pays arabes de discuter en profondeur des enjeux urgents, notamment la guerre à Gaza et la question du déplacement forcé des Palestiniens, en préparation d’une position commune qui sera présentée lors du sommet arabe d’urgence prévu au Caire.

Dans ce contexte, certains pays arabes cherchent à élaborer un plan alternatif axé sur la reconstruction de Gaza sans déplacement de sa population, tout en insistant sur la nécessité d’une solution à deux États comme voie vers la stabilité. Toutefois, cette proposition est confrontée à des défis majeurs, notamment la pression exercée par les États-Unis et Israël, qui cherchent à remodeler Gaza en imposant des conditions économiques et sécuritaires entravant toute autonomie politique réelle.

Réponse à cette proposition

Bien que la reconstruction de Gaza sans déplacement de sa population semble être une position arabe positive, la réalité est que la plupart des pays arabes ne sont pas en mesure d’imposer cette vision à la communauté internationale.

Le véritable problème ne réside pas dans la formulation de propositions, mais dans leur mise en œuvre sur le terrain. Comment les pays arabes peuvent-ils convaincre Israël ou les États-Unis d’abandonner leur vision pour Gaza ? Quels moyens de pression sont disponibles ? Malheureusement, ce que nous observons jusqu’à présent se limite à des réunions et des déclarations sans actions concrètes.

Tout plan qui ne repose pas sur des mécanismes d’exécution clairs et des positions décisives restera de simples mots sur du papier. De plus, la réalité politique montre que les États-Unis et Israël n’accepteront aucun plan qui ne sert pas les intérêts israéliens. Cela signifie que toute initiative arabe dépourvue d’influence politique ou économique réelle ne sera qu’une manœuvre sans impact tangible. Si ces propositions favorisent Israël, elles ne profitent certainement pas aux Palestiniens et risquent même d’affaiblir leur cause et d’aggraver leur situation politique et économique. De plus, les pays arabes ne possèdent pas la force nécessaire pour imposer un plan en faveur des Palestiniens, ce qui réduit leurs efforts diplomatiques à de simples réactions qui n’ont aucun effet concret sur le terrain.

La position israélienne : échec militaire et recherche de solutions sécuritaires

Malgré sa supériorité militaire, Israël n’a pas obtenu de gains politiques significatifs à travers ses guerres successives contre Gaza. Depuis des décennies, Israël s’appuie sur l’imposition de solutions sécuritaires plutôt que sur la recherche de règlements politiques justes. Cette approche a prouvé son échec à travers 14 guerres en 76 ans, sans aboutir à une victoire politique réelle.

Avec le soutien inconditionnel de l’ancien président américain Donald Trump, Tel-Aviv cherche à imposer des solutions sécuritaires excluant les Palestiniens de toute prise de décision sur l’avenir de Gaza. Par ailleurs, certaines discussions au sein des cercles arabes et palestiniens évoquent l’exclusion du Hamas de toute administration future de Gaza, au profit d’un gouvernement technocratique. Cependant, il existe une contradiction dans ce plan, car il est mentionné que ce comité serait placé sous la supervision de l’Autorité palestinienne, tout en affirmant qu’il ne serait affilié ni au Hamas ni à l’Autorité palestinienne.

Cette contradiction soulève plusieurs interrogations quant à l’identité réelle de l’entité qui supervisera Gaza et si l’objectif est en réalité d’écarter tous les acteurs palestiniens influents de la scène politique du territoire.

Le plan égyptien pour la reconstruction de Gaza : une approche sans déplacement de population

Contrairement au projet américano-israélien visant à déplacer les Palestiniens hors de Gaza, l’Égypte travaille à l’élaboration d’un plan de reconstruction du territoire tout en maintenant ses habitants sur place.

Selon le journal égyptien Al-Ahram, le plan égyptien comprend :

* La création de “zones sécurisées” à l’intérieur de Gaza pour accueillir les habitants déplacés.

* Le lancement d’opérations de reconstruction par des entreprises égyptiennes et internationales.

* Des consultations intensives avec des diplomates européens et arabes, notamment d’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis, pour obtenir le financement nécessaire.

* L’étude de la possibilité d’organiser une conférence internationale pour soutenir ces efforts, dans le but de contrer l’initiative américaine visant à remodeler Gaza selon les intérêts israéliens.

Contradictions dans la proposition d’une administration indépendante et la réactivation des forces de police de l’Autorité palestinienne

Le plan proposé pour la gestion post-guerre de Gaza comporte une contradiction majeure : il prévoit la création d’un comité palestinien indépendant, non affilié ni au Hamas ni à l’Autorité palestinienne, tout en appelant à la réactivation des forces de police de l’Autorité palestinienne, inactives depuis la scission palestinienne de 2007.

Problématique de la réactivation d’une force sécuritaire sans autorité sur le terrain

Cette initiative soulève plusieurs questions :

1. Si cette nouvelle administration ne dépend pas de l’Autorité palestinienne, qui supervisera ces forces de police ?

2. Comment ces forces pourront-elles reprendre leurs fonctions après 16 ans d’inactivité sans un accord politique clair ?

3. Ces forces peuvent-elles fonctionner efficacement sans un soutien politique et sécuritaire direct de l’Autorité palestinienne ?

4. Ce plan prépare-t-il la séparation définitive entre Gaza et la Cisjordanie ?

Bien que ces forces n’exercent aucune autorité réelle sur le terrain depuis 16 ans, leurs membres continuent de percevoir des salaires de l’Autorité palestinienne, ce qui signifie qu’ils restent administrativement et financièrement liés à cette dernière, mais sont devenus inactifs sur les plans fonctionnel et sécuritaire à Gaza.

Ajout supplémentaire au rapport

Les événements du 7 octobre ont révélé au grand jour l’ampleur de la complicité arabe dans l’agression contre Gaza. Tout se passe désormais au grand jour : certains États arabes ne se sont pas contentés de rester silencieux face aux massacres israéliens, mais ont également soutenu Israël de manière directe ou indirecte, en facilitant la logistique, en ouvrant leur espace aérien pour le transfert d’armes, voire en lui fournissant un soutien financier.

Le plan arabe présenté aujourd’hui n’est rien d’autre qu’une version remaniée des projets américains et israéliens visant à remodeler l’avenir de Gaza, sous couvert de solutions diplomatiques. Mais si les États arabes ont la capacité d’intervenir dans le dossier palestinien, pourquoi cette force n’a-t-elle pas été mobilisée pour stopper la guerre dès son déclenchement ? Pourquoi les régimes arabes n’ont-ils pas agi pour protéger les civils palestiniens ?

Ces questions révèlent les contradictions flagrantes des politiques arabes et confirment que les décisions des pays arabes sont dictées par les États-Unis et Israël.

Toute idée d’indépendance politique arabe dans ce dossier n’est qu’une illusion.

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