Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Urgence!!!L’invasion de Gaza ville a commencé !!!

23 août 2025
Photo Ashraf Amra pour UNRWA (source)

Un texte d’ Abu Amir reçu le matin du 23 Août 2025
Depuis le cœur de Gaza meurtrie, depuis une ville qui a subi l’indescriptible, j’écris ces mots. Du quartier de Zeitoun, au sud-est de la ville, qui est devenu aujourd’hui un symbole de siège et de destruction, je fais entendre ma voix non pas seulement comme écrivain ou militant, mais comme l’un des fils bien-aimés de Gaza, ce lieu qui s’effondre sous nos yeux.

Ce qui se passe à Zeitoun ces jours-ci n’est pas une nouvelle passagère que l’on peut ignorer, mais un nouveau chapitre douloureux du long livre de la tragédie palestinienne. Le monde peut apercevoir quelques images rapides, mais ici, nous vivons toute la vérité : nous nous réveillons au son des bombardements, nous respirons la poussière et la fumée, et nous voyons la douleur dans les visages de nos enfants et de nos mères. La différence est immense entre celui qui contemple la tragédie de loin et celui qui l’étouffe à chaque instant, comme la différence entre celui qui regarde une image de l’extérieur et celui qui s’y trouve enfermé.

L’opération terrestre continue avec férocité à Zeitoun : les chars et les véhicules militaires se sont engouffrés entre les maisons étroites, tandis que les avions ne quittent pas le ciel et que l’artillerie déverse sans relâche son feu. Les maisons s’écroulent les unes après les autres, les rues autrefois pleines de vie ne sont plus que ruines. Les quartiers qui résonnaient des rires des enfants sont désormais remplis du bruit des explosions et des cris d’agonie.

Et ce n’est pas seulement le bombardement : de nouvelles armes de mort sont apparues, comme ces petits robots explosifs qui pénètrent dans les ruelles et explosent, laissant derrière eux un champ de dévastation. Comme si l’objectif n’était pas une confrontation militaire, mais l’anéantissement complet de la vie dans ce quartier.

Le massacre se répète chaque jour : des obus frappent soudainement les maisons, des balles traversent les murs sans distinction, ne différenciant ni l’enfant endormi auprès de sa mère, ni le vieillard qui tente de survivre. Même ceux qui ont fui leurs maisons vers les tentes des camps de déplacés n’ont pas été épargnés, leurs refuges temporaires ayant été eux aussi bombardés. Des milliers de familles se retrouvent sans abri, couchées à même le sol, couvertes par un ciel assombri par la fumée des explosions.

Au milieu de cette immense désolation, les médias sont presque absents. Le monde ne voit que des images limitées, alors que nous vivons la scène dans sa totalité. Nous entendons les maisons s’effondrer sur leurs habitants, nous voyons la fumée engloutir les repères de la ville, et nous ressentons que chaque recoin de Gaza se transforme en décombres. Ces scènes ne parviennent pas telles quelles à l’extérieur, car elles dépassent toute caméra et résistent à tout résumé journalistique.

Le quartier de Zeitoun est devenu le théâtre d’un véritable « génocide ». Ce n’est plus une confrontation avec des combattants comme on le prétend, mais un ciblage direct des civils : leurs vies, leurs maisons, l’avenir de leurs enfants. L’objectif évident est d’arracher les habitants à leur terre et d’effacer ce qui reste de la ville.

Chaque matin, le monde se réveille sur une petite dépêche ou une image éphémère dans les médias, tandis que nous vivons ici la catastrophe seconde par seconde. Nous ne perdons pas seulement nos maisons et nos proches, mais aussi notre capacité à exprimer. Les mots s’écroulent comme les maisons, et les phrases deviennent impuissantes face à la réalité.

J’écris ces lignes en sachant que la langue est trop faible pour décrire ce que nous vivons. Mais j’essaie de vous transmettre une parcelle de cette scène : une mère qui perd son enfant sous les décombres, un homme portant le corps de son frère sur son épaule, un enfant cherchant sa poupée parmi les pierres. Ce ne sont pas des images passagères, c’est notre quotidien aujourd’hui.

Nous ne vivons pas une guerre ordinaire, mais une tentative d’effacement de tout ce qui est lié à la vie. Il n’y a pas assez d’eau, pas assez de nourriture, pas de refuge qui protège les déplacés. Même l’air est chargé de l’odeur de la mort. Et malgré tout, les gens tentent de résister : une mère cuisine ce qui reste pour ses enfants sur un feu de bois, un père essaie de réparer une tente fragile pour abriter sa famille de la pluie, et des jeunes fouillent les décombres à mains nues pour sauver des blessés.

Je suis l’un des fils de Gaza, et j’écris depuis le cœur de la tragédie, pour dire que ce qui se passe à Zeitoun n’est pas une scène passagère, mais un long chapitre de douleur. Ce qui se déroule ici, c’est la perte d’une ville entière et des souvenirs de générations qui ont vécu sur cette terre.

Que ces mots, même faibles, soient un pont entre nous et vous. Un pont qui porte la vérité de ce que nous vivons, jusqu’au jour où toutes les réalités seront révélées, et où vous comprendrez que ce que nous subissons dépasse tout ce que vous pouvez imaginer. Nous ne cherchons pas une compassion passagère, mais que la vérité soit racontée telle qu’elle est, sans falsification ni réduction.

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