Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Voyage de guérison parmi les décombres, parler pour devenir plus fortes!

26 octobre 2025
Voyage vers la guérison parmi les décombres crédit photo UJFP Gaza

Les 25 et 26 Octobre : deux ateliers de soutien psychologique pour les femmes dont un premier spécifique pour les jeuens filles

Compte rendu hebdomadaire de l’atelier de soutien psychologique pour les femmes du camp Al-Asdiqaa – Ouest de Deir al-Balah 25 Octobre

Dans une réalité humaine éprouvante que vivent les personnes déplacées dans le camp Al-Asdiqaa à l’ouest de Deir al-Balah, où les tentes se touchent, où l’eau manque, et où les visages sont marqués par la fatigue et la nostalgie, les souvenirs des maisons détruites planent encore dans les esprits comme des fantômes douloureux qui ne s’effacent pas. Les équipes de l’UJFP ont poursuivi la mise en œuvre de leurs programmes humanitaires destinés à soutenir les femmes et les familles déplacées. Cet atelier de soutien psychologique, un espace sûr pour survivre dans une réalité impitoyable.

L’atelier a débuté à neuf heures du matin dans une tente aménagée en centre communautaire provisoire, rassemblant vingt-six femmes d’âges différents. Certaines avaient perdu leurs maris, d’autres avaient été déplacées. Les femmes se sont assises en cercle, symbole de leur unité et de leur destin commun et les voix des enfants près des tentes avoisinantes rappelaient que la vie continue malgré la douleur.
«
Aujourd’hui, cet espace est pour vous. Aucun jugement, aucune évaluation, seulement de l’écoute et des cœurs ouverts. »

La psychologue a expliqué les objectifs de l’atelier, précisant que le soutien psychologique est un voyage pour renouer avec soi-même et retrouver l’équilibre après le traumatisme. Elle a expliqué que le traumatisme ne réside pas seulement dans le fait de voir la guerre, mais aussi dans sa présence persistante en nous après qu’elle se soit tue, et que l’exprimer est la première étape de la guérison.

Le premier exercice, intitulé Le cercle de sécurité , où la psychologue a demandé à chaque femme de choisir un petit caillou dans un panier posé devant elles et de décrire ce que représentait pour elle la sécurité.
Une femme d’une cinquantaine d’années : «
La sécurité, c’est que mes enfants puissent dormir sans peur. »
Une jeune femme : «
La sécurité, c’est de ne pas me réveiller au son d’un missile, de pouvoir respirer sans panique. »
Puis une veuve :«
La sécurité, c’était sa main dans la mienne. Maintenant, seul le courage me soutient. »

L’objectif était de reconnaître ce qui leur manque, car reconnaître la peur est un premier pas pour s’en libérer.

Ensuite, l’équipe a lancé l’activité Les couleurs des émotions. Des feuilles et des crayons de couleur ont été distribués: dessiner ce qu’elles ressentaient, uniquement par les couleurs, sans écrire.
L’une a rempli sa feuille de noir : «
C’est la nuit sans fin dans mon cœur. »
Tandis qu’une autre dessinait un petit soleil jaune au milieu d’une grande zone grise : «
C’est l’espoir. Il est petit, mais il est là. »

Les couleurs étaient une confession silencieuse révélant l’intensité de leur souffrance.

Puis est venu l’exercice La fleur de la vie. Il a été demandé à chaque femme d’écrire au centre de la feuille ce qui lui donne la force de continuer, puis d’écrire autour, sur les pétales, ce qu’elle avait perdu dans la guerre.
L’une a écrit au centre : «
La foi », et autour : « Mon mari, ma maison, ma sœur ».
Une autre a mis au centre : «
Mes enfants », et autour : « La tranquillité, le sommeil, la mer, le pain chaud ».

La fleur devenait une carte de la perte et de l’espoir à la fois. La psychologue leur a ensuite demandé de fermer les yeux et d’imaginer que la lumière jaillissait du centre — là où réside l’espoir, la foi ou l’amour — pour envelopper les pétales représentant la perte.

Au milieu de l’atelier, un exercice intitulé La boîte des soucis a été réalisé. Une boîte décorée a été placée au centre. Chaque femme a écrit ses peurs ou ce qui pèse sur son cœur sur un papier qu’elle a plié avant de le déposer dans la boîte.
Après la collecte, la psychologue a déclaré : «
Ces papiers ne seront pas lus. Ils seront brûlés pour vous libérer de leur poids. »

Toutes sont sorties, et la boîte fut brûlée dans un silence solennel. L’odeur du papier brûlé se mêlait à celle de l’air salé venant de l’ouest, le feu purgeait la peur du lieu.
«
Comme si quelque chose s’était brisé en moi et était parti avec la fumée… Je me sens plus légère que depuis des mois. »

Après une courte pause autour d’un thé, l’exercice Voyage vers la sérénité a commencé. Il s’agissait d’une méditation guidée basée sur la respiration profonde. Cet exercice rétablit l’équilibre entre le corps et l’esprit et apaise un système nerveux épuisé par la peur constante.

Puis l’activité L’avenir auquel nous rêvons. Les femmes, réparties en petits groupes, devaient écrire ou dessiner leur vie après la guerre.
«
Je planterai des fleurs devant ma tente pour que mes enfants ne voient que la beauté. »« J’ouvrirai un petit kiosque de pâtisseries, je veux travailler et rire de nouveau. »

La capacité à reconstruire malgré les pertes.

Une dernière étape intitulée Mon cœur après la guerre . Les femmes ont partagé leurs ressentis après le cessez-le-feu.
Une mère ayant perdu son mari et son fils :
« Je pensais être morte avec eux, mais mon cœur bat encore, car mes enfants ont besoin de moi. Je ne suis pas finie. J’apprends seulement à vivre autrement. »
Une autre femme :
« Après la guerre, le silence me fait plus peur que les bombardements, car il me fait entendre l’écho de la perte en moi. »

La psychologue a conclu :« Aujourd’hui, vous n’avez pas seulement reçu du soutien, vous vous êtes donné du courage les unes aux autres. Chacune de vous est un miroir de résilience pour sa sœur. »

Des brochures sur les techniques d’autosoins ont été distribuées, et une séance de suivi programmée pour assurer la continuité du soutien.

Elles ont quitté la tente d’un pas plus confiant, échangeant paroles et sourires — comme si elles sortaient d’un tunnel sombre vers un espace lumineux d’espoir.
Le soutien psychologique n’est pas un luxe après la guerre, mais une nécessité humaine pour survivre.

L’atelier de soutien psychologique organisé par l’UJFP n’était pas une simple séance de sensibilisation, mais un cri d’espoir et une thérapie collective pour l’âme : les femmes y ont appris que la guerre peut détruire les maisons, mais elle ne peut voler la volonté de vivre, et qu’en chacune d’elles brille une lumière capable d’illuminer le chemin de la guérison, aussi long que puisse être la nuit.

Lien vers les photos et vidéos

https://drive.google.com/drive/folders/1eSS7lMhYS1xo587lm42taZDQXDt4J9hB

Parler pour devenir plus fortes!

Un nouvel atelier de soutien psychologique pour les femmes destiné aux jeunes filles déplacées d’Al Mawasi- Khna younès : de la douleur vers l’espoir 26/10

Dans une scène de terrain rare et unique, cet atelier est venu comme le premier du genre destiné aux jeunes filles déplacées, vivant dans la dure réalité de l’exil, où aucune opportunité sûre ne leur avait été offerte auparavant pour exprimer et révéler leurs sentiments enfouis. L’équipe de l’UJFP a compris que cette tranche d’âge traverse une phase psychologique critique où les transformations physiques et émotionnelles se croisent avec les traumatismes de la guerre et du déplacement, rendant leurs besoins psychologiques plus complexes et plus sensibles que ceux des autres. Ainsi, l’idée de cet atelier est née comme une réponse innovante.

Dans le camp de survie de la zone d’Al-Mawasi – Khan Younès, l’équipe a accueilli trente jeunes filles déplacées âgées de treize à dix-sept ans. Leurs visages portaient les marques de l’épuisement, mais leurs yeux brillaient encore d’une lueur de détermination et d’amour pour la vie. Reconstruire le sentiment de force et réparer une identité psychique abîmée par la peur et l’arrachement.

Les filles sont arrivées à pas hésitants, craignant de raconter, mais elles ont rapidement trouvé un espace chaleureux où elles pouvaient parler librement, sans peur du jugement ni du rejet, de la douleur vers l’espoir, de la peur vers la prise de conscience de leur force intérieure.

La rencontre a débuté par l’activité du Mur des émotions silencieuses , un exercice visant à libérer les sentiments de manière indirecte afin d’éviter la réactivation du traumatisme. Des feuilles et des crayons colorés ont été distribués, et chaque fille a écrit ou dessiné ce qu’elle ressentait sur le moment, puis a accroché sa feuille sur un grand panneau au centre de la salle. Les phrases « Je veux dormir sans peur », « Ma maison me manque », « Je veux rire comme avant ». Un rituel de purification intérieure donnant aux filles un léger apaisement et un sentiment d’appartenance à un cercle qui comprend leur souffrance.

Ensuite, l’équipe est passée à l’activité centrale Les héroïnes de mon histoire , l’une des techniques de thérapie narrative visant à transformer la vision de soi : de victime à survivante. « Chacune de nous a vécu un moment où elle s’est sentie forte malgré tout, et aujourd’hui nous allons essayer de nous en souvenir. » L’une d’elles a raconté comment elle a sauvé son petit frère d’un scorpion qui s’approchait de lui alors qu’il dormait sous la tente. Une autre a évoqué son soutien à sa mère dans les jours les plus difficiles. Une troisième a parlé de sa persévérance à continuer ses études malgré l’absence d’internet et de livres. Chaque récit était un fil lumineux tissé dans une tapisserie collective de résilience. Les filles ont ressenti qu’elles n’étaient pas seules, et que leurs histoires n’étaient pas des fins tragiques, mais des débuts où s’affirme leur force intérieure.

Puis vint le moment de calme avec l’exercice du Coffre de sécurité , La psychologue leur a demandé de fermer les yeux et d’imaginer un endroit où elles se sentent en sécurité — peut-être une ancienne maison, un arbre où elles s’asseyaient souvent, ou même un lieu imaginaire — puis d’y placer, dans un joli coffre, toutes les pensées dérangeantes avant de le fermer. À la fin, l’une des filles a murmuré d’une voix tremblante : « Pour la première fois depuis longtemps, j’ai senti que je pouvais contrôler mes pensées, et non l’inverse. » Retrouver la sensation de contrôle après une longue perte de repères.

L’atelier s’est poursuivi avec l’activité Lettre pour le futur , chaque fille a écrit une lettre à elle-même dans un an, une lettre lui rappelant sa force et que ce qu’elle traverse aujourd’hui n’est pas éternel. « Je continuerai à sourire quoi qu’il arrive », « Je deviendrai enseignante », « Je n’oublierai pas, mais j’avancerai ». Ce moment fut comme une renaissance psychologique, où la douleur se transforma en promesse de continuer le chemin.

À la fin de cette activité, un espace de discussion libre a été ouvert. Les filles ont partagé leurs rêves : terminer leurs études, voyager pour apprendre, revoir un monde loin de la destruction. Une autre a insisté : « Nous avons le droit que la vie nous donne une vraie chance de joie et de réussite. » Elles ont parlé avec une grande maturité de paix, de justice et de liberté ; comme si la souffrance avait sculpté en elles une nouvelle compréhension de la vie. Ce n’était pas de simples rêves en attente, mais une déclaration collective que rêver est en soi un acte de résistance.

L’équipe a ensuite ajouté une courte activité intitulée Après la guerre , un dialogue sincère sur ce que l’on ressent après la fin des combats. Les filles ont parlé avec des cœurs ouverts : de la perte, de la nostalgie, de maisons détruites, d’êtres chers absents, et de la peur qui ne les a toujours pas quittées. L’une d’elles a dit d’une voix brisée : « La fin de la guerre ne m’a pas rendu mon père, mais elle m’a rendu la capacité de rêver. » Une autre a ajouté : « Peut-être que nous avons tout perdu, mais nous sommes toujours là… à rêver et à raconter. »

En clôture de la séance, les filles se sont rassemblées en cercle, ont posé leurs mains ensemble et ont crié d’une seule voix : « Nous parlons pour devenir plus fortes ». Cet appel résonnait comme un pacte collectif avec la vie. Cet atelier leur a redonné un sentiment d’elles-mêmes, leur a offert les premières clés d’un équilibre émotionnel et leur a rappelé que la force n’est pas dans l’oubli de la douleur, mais dans la capacité à la transformer en une histoire de survie. Elles ont quitté la séance en sachant que la douleur ne disparaît pas, mais qu’elle peut être racontée… et lorsqu’elle est racontée, elle devient un remède.

Lien vers les photos et vidéos

https://drive.google.com/drive/folders/1oRPHseze-O4eR05RMvm1v-dnRW8NEafB

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