Chronique ” Gaza Urgence Déplacées” | Distribution de vêtements aux enfants des agriculteurs Khuza’a
1 mai 2025Le 29 Avril Abu Amir envoie un texte poignant sur l’histoire de ce village agricole KHUZA’A qui bénéficie du soutien de l’ UJFP dans le camp d’Al-Amal
Dans un coin tranquille du sud de la Palestine, il y avait un village qui rêvait de paix et semait la bonté : Khuza’a. Un petit village par sa taille, mais grand par sa générosité et son dévouement, bercé par une terre fertile et respirant le parfum des oliviers et du blé. Pendant de longues années, Khuza’a fut le jardin d’Éden de Gaza, offrant sa nourriture et sa tranquillité, cultivant dans ses champs des poèmes d’espoir. Mais les années lourdes, chargées de blocus et de guerres, ont volé à Khuza’a son rêve, transformant sa quiétude en un silence majestueux empli de gémissements de la terre et de son peuple.
Khuza’a est située à l’extrémité est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, et bénéficie d’un emplacement stratégique unique qui en fit pendant des décennies le grenier de Gaza, et même sa fierté agricole. Chaque matin, des camions de légumes en partaient, traversant les marchés jusqu’aux pays du Golfe, portant l’empreinte du paysan palestinien qui plongeait ses mains dans la terre pour en faire jaillir la vie.
Dans les années 1980, Khuza’a était aussi verte que le cœur d’une mère, vaste comme les rêves des enfants, ses vergers ne connaissaient pas de repos, et ses agriculteurs parlaient le langage des épis de blé. Mais au fil des années, elle est devenue victime de sa position géographique, se transformant, à chaque offensive, en champ de bataille ouvert. À chaque nouvelle guerre, elle payait de son sang et de ses ruines, perdant peu à peu son âme.
Puis vint l’année 2023, apportant avec elle le coup fatal : une invasion totale, des bombardements indiscriminés, une destruction systématique. Khuza’a telle que connue n’existait plus. Les maisons pleines de vie devinrent des tombes silencieuses, les mosquées des amas de ruines, les champs des terres stériles recouvertes de cendres. Plus de 80 % des bâtiments et des installations agricoles du village furent rasés, laissant ses 15 000 habitants face à un avenir des plus sombres.
Les agriculteurs furent contraints de fuir vers des camps misérables dans le sud de Gaza, portant avec eux les souvenirs des maisons et des champs détruits. Ils érigèrent des tentes en plein air, entre l’ardeur du soleil et la morsure du froid, vivant sous des abris déchirés à peine capables de protéger leurs enfants amaigris. Chaque jour, ils tournaient les yeux vers l’est, vers les ruines de leur village, comme s’ils cherchaient leur cœur perdu.
Dans le camp de Al-Amal, l’un des camps accueillant une partie des agriculteurs de Khuza’a, la tragédie s’exprimait sous chaque tente. Plus de 250 familles y vivaient sans nourriture suffisante, sans eau potable, sans vêtements pour se protéger du froid nocturne ou de la chaleur accablante. La souffrance se lisait sur des visages émaciés et des enfants dormant sur le sol nu, leurs corps fragiles hurlant de faim.
Quand la petite voiture chargée de dix sacs de farine arriva au camp de l’Espoir, la scène n’était ni bruyante ni chaotique, mais profondément émouvante. La voiture s’arrêta au milieu des tentes dispersées sur le sol rocailleux, et l’équipe de travail commença à distribuer les rations tente par tente, avec douceur et soin, consciente que chaque sac de farine pouvait signifier plusieurs jours de survie.
Les agriculteurs et leurs familles se tenaient devant leurs tentes, les yeux pleins d’attente, portant en eux toute la fatigue et la faim. Lorsque les petits sacs de farine furent remis, des larmes silencieuses emplirent leurs yeux, larmes de joie mêlées à l’amertume du besoin. Les femmes serraient les sacs contre elles comme si elles étreignaient une nouvelle vie, tandis que les enfants couraient autour des tentes en criant : « Maman… nous avons du pain ! Nous avons du pain ! »
Ces modestes rations – trois kilos par famille – furent une lueur d’espoir dans une nuit obscure faite de faim et de peur.
Le lendemain, lorsque 340 vêtements furent distribués aux enfants du camp, il sembla que tout le camp reprenait vie. Les enfants, qui n’avaient rien eu de neuf depuis des mois, serraient dans leurs bras ces habits colorés et propres comme s’il s’agissait de trésors tombés du ciel. Les rires s’élevaient entre les tentes, tandis que les mères essuyaient leurs larmes en voyant leurs enfants danser de joie, habillés, riant et exhibant fièrement leurs nouveaux vêtements.
Cette scène, bien que simple, recelle en elle-même l’héroïsme de la résilience et la plus belle des petites victoires arrachées aux griffes de la guerre.
Dans un moment d’émotion et de fierté, le maire de Khuza’a, M. Shahada Abu Rouk, prononça un discours poignant. Il parla avec douleur de Khuza’a qui n’était plus la même, décrivant la destruction totale du village, comment les champs verdoyants étaient devenus des terres brûlées, et les maisons florissantes des monceaux de gravats, où il était difficile de retrouver un signe de vie. Il souligna avec amertume que plus de 80 % des infrastructures du village avaient été détruites, y compris les maisons, les écoles, les mosquées et les fermes.
Il évoqua l’immense besoin humanitaire des familles d’agriculteurs, qui, hier encore, cultivaient la terre et aujourd’hui quémandent un morceau de pain et une goutte d’eau. Dans son discours, Abu Rouk salua les initiatives continues de l’UJFP depuis le début de la guerre, soulignant leur réponse rapide et leur travail acharné pour distribuer la farine, les vêtements et les besoins essentiels aux familles déplacées. Toutefois, il exprima aussi son inquiétude face à l’aggravation de la situation, lançant un appel humanitaire urgent au nom des habitants de Khuza’a à l’UJFP pour continuer à soutenir les autres camps du sud de Gaza, où les agriculteurs luttent toujours contre la faim et le sans-abrisme, sans véritable soutien.
Ses paroles furent plus qu’un simple remerciement : elles furent un cri déchirant rappelant que des villages entiers sont effacés de la carte tandis que le monde garde un silence inquiétant.
Et dans chaque tente des camps de Khuza’a, il existe aujourd’hui une histoire cachée derrière les rideaux de tissu usé : une mère pleurant pour nourrir ses enfants, un père combattant seul avec sa patience, un enfant dessinant une maison sur le sable en disant : « Ici, je reviendrai ».
Khuza’a, qui autrefois exportait du blé et des légumes, exporte aujourd’hui la douleur et la nostalgie. Mais malgré la destruction, elle bat toujours. Dans chaque épi arraché, chaque pierre effondrée, chaque cœur meurtri, il y a une promesse de retour. Khuza’a, qui a semé la vie sur la terre de Gaza, reviendra un jour, et ses agriculteurs reviendront labourer les champs qui les attendent comme un enfant attend les bras de sa mère. Khuza’a reviendra, non pas parce qu’elle est seulement une terre, mais parce qu’elle est une âme qui ne meurt jamais.
Lien vers les photos et vidéos
Distribution de vêtements aux enfants des agriculteurs Khuza’a dans le camp d’Al-Amal.
https://drive.google.com/drive/folders/1lwE3O-PCjC3O1XAO7kKBSmpPscD3x5GQ
Un discours de remerciement très émouvant du maire de Khuza’a, M. Shahada Abu Rawak
https://drive.google.com/file/d/1fJQKDAOdZklLNIiXHXUty7chwmsJiFvI/view?usp=drivesdk
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