Les Ehpad en danger | Communiqué de la CGT
4 avril 2020[Le Poing relaie ce communiqué de la CGT, les passages entre crochets sont de la rédaction du Poing]
La situation des Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) dans le secteur public comme dans le secteur privé est très alarmante.
Les salarié·e·s et agent·e·s du secteur témoignent toutes et tous de leur grande détresse, face à la peur de contracter le virus et de le transmettre à leur famille ainsi qu’aux résident·e·s.
Nous savons que si la problématique de la pénurie de masques et de matériel de protection dans les Ehpad est aussi criante et que le gouvernement craint une hécatombe, c’est bien parce qu’une nouvelle fois il a un train de retard sur la crise sanitaire dans les établissements médico-sociaux. Mais, au-delà de la situation sur le covid-19, voilà maintenant plus de deux ans que le secteur des Ehpad alerte, se mobilise, revendique. Aujourd’hui, plus que jamais, cela prend tout son sens.
Le constat a été fait par le gouvernement lui-même : après deux rapports, une mission flash sur l’état catastrophique des Ehpad et le manque de moyens alloués à la dépendance, il faut à nouveau une situation de crise sanitaire pour se rendre compte du sort réservé aux personnes âgées, dans notre pays !
En Ehpad, le risque accru de contagion grandit !
L’ensemble des personnels doit disposer de moyens de protection adéquats et efficaces, pour soigner et s’occuper des personnes âgées très vulnérables.
Depuis plusieurs jours, les établissements ont fermé leurs portes aux visiteurs extérieurs, certains résidents sont mis à l’isolement sans visite familiale pour alerter ou les protéger ou les réconforter. Les salarié·e·s médicaux et paramédicaux restent les seules personnes qui entrent en établissement et qui peuvent donc transmettre le virus. Nombre d’entre eux sont renvoyés en confinement, à domicile car ils ressentent les symptômes du covid-19. Ni testés, ni diagnostiqués, ils restent dans un désarroi profond.
Le gouvernement doit prendre la mesure de cet état de fait. Les mesures de prévention ne sont pas opérationnelles, à ce jour, pour éradiquer ce virus dévastateur ! Le gouvernement et les directions d’établissement ne communiquent pas sur la situation du nombre de personnes touchées et des conséquences en termes de mortalité.
Le gouvernement doit prendre la mesure de la gravité de la situation !
Vingt et un résidents décédés dans un Ehpad de Cornimont (Vosges), sept à l’Ehpad de Sillingy (Haute-Savoie) [14 aujourd’hui], onze dans celui de Mauguio (Hérault), quinze dans celui de Thise (Doubs) [25 au 2 avril], seize à Saint-Dizier (Haute-Marne) [18 au 2 avril], ainsi que 16 à l’Ehpad Rothschild de Paris…, maintenant, les autorités évaluent à minima le nombre de décès à près de 900 [1416 au 3 avril] et le nombre de contaminés à plus de 14 000.
Comment savoir si d’autres décès ne sont pas liés au coronavirus ? Sans test, pas de réponse à cette question. « En Ehpad, à partir de deux ou trois cas testés positifs, on ne teste plus », explique Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées. Ensuite, les résidents qui ont des symptômes suspects sont regroupés et isolés. Selon la déclaration du directeur Aurélien Rousseau, directeur de l’Agence de Santé Régionale Île-de-France, le 27 avril sur RTL, sur les 600 Ehpad franciliens, 241 établissements sont touchés, et on compte au moins 61 décès.
Dans un courrier adressé vendredi au ministre de la Santé, Olivier Véran, les principales fédérations syndicales du secteur alertent sur l’éventualité de « plus de 100 000 décès ». À ce stade déjà, « ça ne se compte plus en dizaines, mais en centaines de morts ». La crainte ? Un scénario similaire à celui de l’Espagne, où un quart du personnel a été infecté faute de protections ou de protections adéquates , avec ensuite une contamination fulgurante à l’intérieur des résidences.
Qu’a annoncé le 28 mars, Olivier Véran, ministre de la Santé, concernant les Ehpad ?
• Se préparer à aller vers un isolement individuel de chaque résident dans les chambres ;
• Encourager le personnel à rester confiné dans les résidences sans sortir ;
• Doter les Ehpad de 500 000 masques chirurgicaux par jour ;
• Demander de tester en priorité le personnel.
Le ministre Olivier Véran, ignore-t-il que les Ehpad sont déjà en sous-effectif toute l’année et que maintenant avec cette crise, les mesures de soins, d’assistance et de surveillance sont rendues difficiles à mettre en place. Ignore-t-il que les personnels sont harassés et qu’ils doivent pouvoir se reposer ?
Ignore-t-il que les masques chirurgicaux ne protègent pas les soignants des contaminations ?
Ignore-t-il que 500 000 masques, ça fait seulement un masque par jour et par personnel ?
Olivier Véran ignore-t-il qu’il a lui-même indiqué ce 28 mars que seulement 12 000 tests de dépistage par jour sont disponibles actuellement pour l’ensemble de la population ? Que même s’il réservait 2 000 tests par jour pour les Ehpad, d’ici sept jours seulement 0,30% des personnels pourrait être testé, alors que la vague épidémique est annoncée. Et les résidents, pas droit au dépistage ? Pourtant, le dépistage massif devient une exigence pour éviter l’hécatombe.
Les personnels et les organisations syndicales des Ehpad, ont tiré depuis longtemps la sonnette d’alarme. Macron et son gouvernement ont préféré écouter les marchés financiers. Et aujourd’hui nous en sommes là, à la veille d’une hécatombe ! C’est parce qu’ils ont refusé de prendre en compte les recommandations et les rapports de l’Organisation Mondiale de la Santé que cette impréparation et cette incurie sont aujourd’hui aussi importantes.
On se souviendra sans doute longtemps que le Premier ministre Édouard Philippe a décidé le 29 février de transformer un conseil des ministres prévu au départ pour traiter la question du covid-19, en conseil des ministres pour annoncer l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution afin d’adopter sans vote la contre-réforme des retraites.
Oui, le gouvernement est responsable et coupable de la pénurie d’équipements, de la pénurie de tests de dépistage, de la pénurie de personnels et de lits.
Nous exigeons du gouvernement qu’il mette en place immédiatement des moyens de protection, des effectifs, des traitements adaptés pour les résident·e·s et les professionnel·le·s du secteur. Il s’agit de sauver des vies humaines !
Il y a une urgence absolue à approvisionner les professionnel·le·s en masques, gel, sur-blouses et de réaliser des dépistages systématiques.
Les conditions de travail, l’accueil et l’accompagnement des personnes âgées étaient déjà déplorables avant la crise sanitaire et, aujourd’hui, elles s’aggravent par un manque d’effectif permanent qui saute aux yeux.
La CGT exige que l’ensemble des soignant·e·s dispose, immédiatement et partout sur le territoire, des moyens de protection adéquats pour protéger les personnes âgées dépendantes et vulnérables. Aujourd’hui, si hécatombe il y a, ce sera uniquement la faute du gouvernement ! Et pas des professionnel·le·s qui font leur maximum, avec souvent trop peu de moyens !
[Dans un premier temps, nous évoquions 884 décès dans les Ehpad (chiffres du 2 avril), mais on en compte désormais 1416…]
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