La LDH de Montpellier refuse de signer la “charte de la laïcité” imposée par la mairie de Montpellier

1 février 2021

Monsieur le Maire [PS de Montpellier Michaël Delafosse],

Par un courrier du 22 décembre, signé par vous et par l’adjointe déléguée à la vie associative, vous nous avez demandé de retourner à vos services la « charte de la laïcité » qui y était jointe, « signée afin de finaliser votre demande de subvention ». Nous vous annonçons officiellement que la section de Montpellier de la Ligue des droits de l’Homme a décidé, après un débat approfondi, lors de sa réunion du 25 janvier, de ne pas y donner suite. Nous considérons que cette charte a été décidée dans des conditions peu démocratiques, qu’elle est inutile, constitue une menace sur les libertés associatives et porte en elle un risque de discrimination.

1. La demande que vous faites aux associations l’a été sans que la démocratie ait sa juste place. Votre initiative n’a pas été l’objet, lors d’une séance du conseil municipal, d’un débat public et du vote d’une délibération. Son poids démocratique et sa force juridique sont donc très faibles.

2. Cette charte est inutile. L’arsenal juridique en vigueur permet de faire face aux inquiétantes menaces sur les valeurs de la République, que font peser certaines associations, expressions de divers extrémismes, par application combinée des articles 1 de la loi de 1905 et 3 de la loi de 1901.

3. Cette charte subordonne strictement l’octroi de subventions à sa signature. Comment ne pas considérer cette obligation comme une pression, notamment à l’encontre des associations qui ont des salariés et ne peuvent prendre le risque de se priver de ressources publiques ? C’est moralement inacceptable et peut s’analyser juridiquement comme une condition potestative qui, par analogie à l’article 1304-2 du code civil, permet de la faire considérer comme nulle. En outre, un contrôle exercé par la Ville de Montpellier sur le fonctionnement des associations, dans des procédures et sur des critères qui ne sont pas rendus publics, constituerait une ingérence intolérable dans leur vie interne.

4. D’une manière plus générale votre démarche, en raison du contexte politique actuel, comporte le risque de conduire à de nouvelles formes de stigmatisation et à des discriminations à l’encontre de nos concitoyennes et nos concitoyens de confession musulmane. Vous n’exercez pas, en matière, la responsabilité que l’on peut attendre de vous pour contribuer à l’apaisement.

5. Le fait que le préfet de l’Hérault figure dans l’en-tête de la charte et que celle-ci soit la reprise de celle édictée par une ministre du gouvernement actuel n’est pas de nature à nous convaincre, ni à nous rassurer, ceci d’autant plus que votre initiative coïncide, sur plusieurs points, avec le projet de loi « confortant le respect des principes républicains ». Des institutions nationales et internationales et de nombreuses associations s’alarment des effets de ce texte, plus aptes à affaiblir la République qu’à la renforcer.

6. Toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905 voilà le cap qu’il faut fermement garder pour éviter toute dérive vers une laïcité de combat, au profit de la laïcité de liberté et de respect, objectifs clairement visés par les pères de ce texte. Seul l’Etat est laïc, contraint de respecter une stricte neutralité afin de garantir la liberté de conscience de tous les citoyens. La loi de 1905 ne fait pas porter d’obligation de neutralité, de laïcité, sur les citoyens ou les associations.

Voilà pourquoi, appuyés sur les valeurs que la LDH porte depuis toujours et en toute responsabilité, nous exprimons notre refus de donner suite à votre demande. Nous sommes néanmoins prêts à vous rencontrer pour un échange plus approfondi, tout en vous informant que nous allons rendre publique notre position.

Veuillez recevoir, Monsieur le Maire, l’expression de notre considération laïque.

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