Le fascisme qui vient…. Et le fascisme qui est déjà là
12 octobre 2024Le Poing a reçu cette tribune du collectif montpelliérain Le Barricade, en contribution au débat du 12 octobre animé par le Poing : “Le NFP, énième illusion électorale ?”
En France, le capitalisme néolibéral est dans une impasse. Pendant sept ans, Macron et ses larbins ont infligé un traitement de choc austéritaire violent. Rien ne nous a été épargné : baisse des salaires réels (une fois l’inflation déduite), fermetures en masse des services publics, hausse des prix de l’immobilier, développement des entrepreneurs-prolétaires qui se décarcassent pour les plateformes, dégradation massive du service hospitalier, hausse des prix alimentaires, dégradation des droits au chômage et réforme des retraites. Sans oublier l’accaparement des terres et des ressources naturelles pour des projets inutiles et destructeurs pour l’environnement : infrastructures routières, constructions de méga bassines, vente, surexploitation, forages et pompages illégaux de nappes phréatiques au profit de multinationales, constructions d’entrepôt XXL, etc. Les catastrophes climatiques et écologiques engendrées par la surproduction ne cessent de s’accentuer (sécheresse, incendies, inondations, pollution des rivières et des sols, etc.) dans la plus grande indifférence du pouvoir.
Face à ces attaques, la contestation a été au rendez-vous. La liste de grèves et de révoltes a été impressionnante : grèves étudiantes et des cheminots en 2018, soulèvement des Gilets Jaunes qui a failli faire basculer la République en 2018-2019, mouvements contre la Réforme des retraites en 2020 et 2023, insurrection des banlieues et de la jeunesse suite à l’exécution de Nahel, ZADs, mouvement des agriculteurs, soulèvement en Kanaky…
Jusqu’ici, le pouvoir n’a que très peu cédé à cette vague inédite de révoltes. Au contraire, son autoritarisme s’est renforcé et le maintien de l’ordre s’est brutalisé, des mutilations de Gilets Jaunes aux tentatives de meurtres de manifestants à Sainte Soline. Le 49-3 est devenu la norme, et la pantalonnade actuelle autour du choix du gouvernement en suit la droite ligne. Il ne s’agit pas d’une dérive mais du vrai visage des régimes politiques capitalistes dites « démocraties libérales » : sous ses atours démocratiques, c’est l’autoritarisme sans limites du capital qui se dissimule. La répression et la violence lui sont essentielles pour imposer son projet économique et politique.
Le Rassemblement National se pose en défenseur des classes populaires « nationales » en mêlant mesures xénophobes et racistes avec des soi-disant mesures sociales. En réalité, le RN fait des promesses aux classes populaires tout en se préparant à une mise au pas ultralibérale où les mesures sociales telles que le retrait de la réforme des retraites disparaîtront. D’ailleurs, une partie de la classe dominante (Bolloré, Stérin et consors) est convaincue que le RN défendra ses intérêts et la finance en conséquence. Marine Le Pen s’est plus ou moins placée sous l’aile du milliardaire libertarien anti IVG Pierre-Edouard Stérin. Celui-ci a décidé d’investir 150 millions d’euros dans le “Plan Périclès” dont l’objectif est de convertir l’extrême droite à l’ultra-libéralisme et d’aider le RN à conquérir 300 villes en 2026. Quant au clan macroniste, celui-ci tente d’amadouer l’extrême droite dans l’espoir de garder la main sur les institutions. Cette stratégie court-termiste fut déjà employée avec de funestes résultats : la dissolution des assemblées et l’organisation d’élections anticipées en Italie (1921) et en Allemagne (1930) eurent pour seuls effets de renforcer la position des fascistes au parlement et de leur permettre de se constituer en force autonome et légitime prête à l’exercice du pouvoir. Dans tous les cas, si l’extrême droite parvient au pouvoir ce ne sera pas pour faire du social mais pour mettre en place une dystopie alliant le pire du capitalisme néolibéral à la violence d’un régime autoritaire fasciste.
Face à cette perspective peu radieuse, le Nouveau Front Populaire paraît bien faiblement armé. Première impasse : une stratégie basée principalement sur les élections. Pourtant, nous le voyons, gagner les élections ne suffit pas : la bourgeoisie et l’appareil d’Etat n’entendent pas lâcher quoi que ce soit y compris en cas de victoire électorale de la gauche. De plus, les composantes du NFP souhaitent gérer ce même système capitaliste tout en promettant des mesures dites sociales vers un imaginaire retour à l’État Providence qui améliorerait nos conditions de vie et respecterait l’environnement. Or, de nombreux exemples en France et ailleurs, ont montré les limites de cette stratégie qui n’amène qu’à des compromis avec la classe dominante et fonctionne comme soupape du mécontentement populaire. Nous ne voulons pas amender ce système mais l’abattre. Au contraire, nous aspirons à une société où nos besoins ne seraient pas dans la sphère marchande mais une société qui socialiserait les fruits de nos efforts et s’organiserait horizontalement.
Nous appelons à renforcer les grèves dans nos lieux de travail, et les initiatives de lutte et de solidarité dans nos espaces de vie pour faire rempart et défendre nos intérêts et nos libertés. Nous devons retrouver ce qui fait notre force : l’action collective ! Pour cela, plusieurs choses sont nécessaires :
– Une autodéfense intellectuelle, physique et juridique,
– La mise en place de solidarités directes : cantines, sport, cours de français, activités culturelles et sociales gratuites, aide administrative…
– La participation aux luttes pour nos conquis sociaux (assurance chômage, sécurité sociale, augmentation des salaires, baisse de l’âge de la retraite, protection locative, etc..). Ce n’est pas suffisant, mais c’est dans ces moments que l’on rencontre des camarades de galère et qu’on prend conscience de notre force. Nous préférons lutter le ventre plein plutôt que d’être réduits à la misère.
– Poser la question de la rupture révolutionnaire. Aux réformistes qui veulent pacifier les contestations et se contenter de petites miettes, nous opposons le dépassement de chaque lutte sectorielle. Notre force, c’est la grève, c’est-à-dire l’arrêt du travail, le blocage de la production et des flux de capitaux et de marchandise.
Si affirmer cette perspective peut paraître irréaliste, dans les faits, elle l’est moins qu’espérer faire un compromis historique avec une bourgeoisie radicalisée prête à mettre en place un régime autoritaire ultralibéral alliant le pire du macronisme et de l’extrême droite. L’heure est urgente, prenons-en la mesure.
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