Les Jeux Olympiques : mythes, légendes et endoctrinement

20 mai 2024
Plusieurs milliers de personnes sont venues voir le passage de la flamme olympique dans les rues de Montpellier. Photographie par Mathieu LE COZ / Hans Lucas.

Cette fois-ci plus que jamais, les JO se déroulant en France, nous sommes toutes et tous sommé·es de nous réjouir, des plus jeunes aux plus ancien·nes. À longueur d’émissions, de bulletins d’infos, de pubs, à la télé, à la radio, sur les réseaux, dans les associations, dans les magasins, les entreprises, les services publics, jusque dans toutes les classes de toutes les écoles où on inculque aux enfants l’acceptation totale des JO, nous DEVONS être heureux et fières.

Les belles valeurs de l’Olympisme, l’esprit du sport, le parcours de la flamme, la performance, la compétition, l’inclusion, la grande fête populaire… aucune place pour une réflexion critique. Les JO c’est bien, un point, c’est tout. Aucun questionnement n’est même envisageable. Les JO, ça ne se discute pas, ça ne se pense pas, ça se fête.

Et pourtant, il y a mille raisons de ne pas adhérer à cette mascarade, loin, très loin d’être une fête populaire. Sanctuaire du chauvinisme et du nationalisme le plus débridé, les JO sont la plus grande compétition internationale pour plus de records, plus de spectateurs, plus d’argent. Il paraît que le respect est une des valeurs de l’olympisme pourtant, l’olympisme ne respecte rien. Ni les sportif·ves, ni les bénévoles, ni les habitant·es des sites, ni même la nature et encore moins les deniers publics, seule la bourgeoisie en tire profit car c’est bien de profits et de pouvoir dont il est question.

Gabegie financière. Environ 11,8 milliards d’euros, dont 5,2 milliards d’argent public, sont dépensés pour les JO 2024, en particulier dans des infrastructures dispendieuses comme le centre aquatique, le village des athlètes et l’Arena porte de la Chapelle. Alors que nous sommes abreuvé·es de promesses sur la manière dont les Jeux Olympiques sont une manne économique pour la ville d’accueil et pour le pays tout entier, de nombreux économistes indépendants ont régulièrement démontré, que ce n’est tout simplement pas le cas. Si on prend l’exemple des précédentes Olympiades, le constat semble sans appel : non seulement l’organisation de l’événement n’a pas eu d’influence notable sur la croissance des pays hôtes mais elle a été parfois un gouffre financier. Seuls des intérêts privés sont fleurissants.

Désastre social et environnemental. Le village des athlètes, 2 milliards à lui tout seul, 52 hectares de part et d’autre de la Seine, sur trois communes, Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Ile-Saint-Denis, est aménagé dans un milieu urbain déjà existant sans aucune concertation avec les personnes qui y vivent. Les promoteurs et investisseurs, Vinci, Eiffage, et Nexity… ont eu carte blanche pour bâtir la ville rêvée des gens aisés, vidée de ses pauvres, de ses migrant·es et de ses gamins révoltés. Un violent nettoyage social qui a délogé 1 500 personnes en lien direct ou indirect avec les Jeux olympiques, détruit des jardins ouvriers, collé une voie d’accès routière à une école… Car en plus d’être un désastre social, c’est aussi un désastre environnemental.

À Marseille comme dans d’autres villes accueillant des épreuves olympiques, les procédés se ressemblent : on y fait des aménagements qui privatisent des espaces publics et détruisent l’environnement (7 000m² de béton au bord de la mer). Pour accueillir les touristes et les médias internationaux, les conditions de logement sont touchées. On sait déjà que ça se fera en grande partie par Airbnb, que comme à Paris, des hôtels sociaux déconventionnent pour accueillir des touristes et que les personnes à la rue et/ou en demande d’asile sont déplacées. Ile de France, Marseille, mais aussi Tahiti qui doit accueillir les épreuves de surf pendant 4 jours. Là encore, ce sont des travaux très controversés qui impactent un espace naturel non adapté pour recevoir ce type de grands événements avec déjà la destruction de coraux.

Autoritarisme sécuritaire. Les JO, c’est aussi la mise en œuvre d’une politique sécuritaire coûteuse et autoritaire. Toutes les forces de sécurité seront mobilisées, de l’armée aux policiers et gendarmes en passant par la police municipale de Paris, la sécurité privée et même des policiers et soldats étrangers, au nombre de 2000. Il y aura chaque jour 35 000 gendarmes et policiers mobilisés sur les JO. Et, au nom de la sécurité, habitantes et habitants vont être placé·es dans une situation de contrôle permanent, de privation des libertés et toute forme de contestation. Ainsi, la loi olympique 2 permet à l’État d’expérimenter, puis de pérenniser, des technologies de surveillance et de répression à une échelle jamais vue. Elle prévoit notamment la vidéosurveillance aérienne assistée par intelligence artificielle. Les objectifs sont clairs : nettoyer les villes des pauvres et des indésirables et criminaliser les manifestant·es. Mais l’État n’aura pas l’exclusivité de ce privilège, les entreprises et les copropriétés pourront également en profiter ainsi que les agent·es de sécurité de la SNCF et de la RATP.

Travail non rémunéré. Contrairement à Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation, qui est grassement payé (270 000 euros brut par an hors primes) avec un montage juridique si spécifique que le Parquet national financier a ouvert une enquête sur les conditions de sa rémunération, de leur côté, les 45 000 bénévoles effectueront des semaines à temps plein (56h en 8j), sans aucune compensation d’aucune sorte, pas même un billet gratuit ou à prix réduit pour voir des compétitions. Iels devront aussi se débrouiller pour se loger, à l’heure où le prix des nuits parisiennes s’envole. Iels rempliront des missions qui correspondent à des emplois : chauffeur, statisticien, gestionnaire d’équipement, de zones de stockage, traitement des demandes d’accréditation… Certaines de ses missions se feront même au bénéfice d’entreprises privées, comme le chronométreur officiel des Jeux, l’horloger suisse Omega.

Athlètes mal traité·es. Souffrances physiques, surtout pour les femmes, sacrifices en tous genres, la vie de sportif·ve de haut niveau n’est pas une vie facile. Bon nombre d’athlètes n’ont pas le luxe des sponsors pour atteindre leurs objectifs de performances et font appel à la générosité de ceux qui les entourent. Iels sont souvent obligé·es d’organiser des cagnottes pour financer leur préparation. Une absence de résultat entraîne pour un athlète la perte de ses financements publics et le désintérêt des médias. C’est donc automatiquement poussés par le système que tous les sportifs de haut niveau se dopent, soit en prenant des substances légales ou illégales destinées à améliorer leurs performances, soit tout simplement en s’entraînant de façon outrancière ce qui a les mêmes conséquences néfastes pour leur santé.

Une flamme très nazie. La flamme olympique n’existait pas dans les Jeux olympiques antiques. Elle est apparue pour la première fois le 28 juillet 1928 lors des Jeux olympiques d’été de 1928, à Amsterdam sans relais pour la porter. Le premier relais avec la torche a eu lieu lors des Jeux olympiques d’été de 1936 à Berlin. Une idée approuvée par Hitler et utilisée par Goebbels pour glorifier le Troisième Reich. Depuis, la mémoire de cette origine s’est éteinte et la flamme est allumée et relayée à chaque olympiade. Enfin, cette année, c’est sur le Belem, bateau du commerce colonialiste désormais propriété de la caisse d’épargne, que la flamme arrive de Grèce avant de traverser la France, de Marseille à Paris dans un périple des plus médiatisés.

Des jeux pour les riches. Alors qu’on vire les sans abri, les étudiants, les pauvres de Paris (et de Marseille), qu’on fait exploser les prix et qu’on en profite pour gentrifier des quartiers de Seine Saint Denis, la grande fête du sport sera réservée aux personnes qui en ont les moyens.  Pour assister à une épreuve, il faut compter au moins 195 euros pour une épreuve avec médaille à la clé,  525 euros minimum pour un billet pour une épreuve finale et jusqu’à 680€ pour des compétitions d’athlétisme. Le prix des billets pour assister à la cérémonie d’ouverture commence quant à lui à 2700€ sur la billetterie officielle. Plusieurs conflits d’intérêts rythment d’ailleurs ces JO, les sociétés qui bénéficient de marchés, notamment sur l’organisation de la cérémonie d’ouverture, sont au cœur de la gouvernance du comité d’organisation des JO. Des enquêtes sont en cours.

Deux poids, deux mesures politiques. Cette année, les athlètes russes concourront sous bannière neutre à cause de la guerre menée par leur gouvernement en Ukraine. Les athlètes israelien·nes, en revanche, pourront brandir le drapeau de leur état colonialiste et assassin malgré le génocide en cours dans la bande de Gaza.

Et pour finir Estanguet comme Macron demandent une « trêve sociale » durant les jeux.

N’oublions donc pas que derrière le spectacle des prouesses athlétiques et de l’harmonie mondiale, règnent une politique intransigeante et une économie brutale. Les JO sont une machine à profits pour les plus riches et une machine à détruire pour les plus pauvres et pour la nature dans son ensemble. Les JO sont la fête du capitalisme, du colonialisme d’hier et d’aujourd’hui, certainement pas une fête populaire. Nous ne sommes pas obligés de lui dérouler le tapis rouge.

Aline

 

 

 

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