Nouvelle accélération de la répression politique en Russie

18 novembre 2019

Ces dernières années la Russie voit une nouvelle montée du mécontentement populaire bien que les autorités aient réussi à faire tomber la vague des contestations de 2011-2013. Surtout après la réforme des retraites, l’augmentation de l’âge de retraite à 5 ans qui a provoqué les manifestations et d’autres actions partout dans le pays l’automne dernière. La population est mécontente de la corruption dont est imprégnée tout le régime russe, des problèmes d’environnement, le manque de la démocratie et des perspectives pour la grande majorité du peuple, surtout des jeunes. Face à cette indignation, les autorités renforcent leur politique répressive, maintiennent la pression policière sur les militants sociaux et même sur les simples gens qui s’inquiètent de la situation dans notre pays ; la police organise des visites domiciliaires, fabrique des dossiers criminels. En même temps, on adopte des lois répressives : un exemple frappant en est celle “de l’Internet souverain” qui, une fois (et si) exécutée, permettra aux autorités de couper la Russie de la toile mondiale à tout moment, cette année même. En réalité, en Russie, la liberté de parole et de réunion, l’inviolabilité de domicile n’existent plus.

Pourtant, de plus en plus nombreux sont ceux qui s’élèvent courageusement pour défendre leurs droits, comme le démontre de façon évidente les événements à Moscou l’été dernier. Les élections municipales dans la capitale ont été fixées au 8 septembre 2019. Les forces d’opposition ont décidé d’utiliser la campagne électorale pour porter leurs candidats à la municipalité, mais aussi et surtout pour faire la propagande de leurs idées et programmes. Mais, encore, en février 2019, l’administration du Président a pris la décision de fermer l’accès à la municipalité aux opposants réels. Ce fait n’a été révélé qu’à la fin juillet. En attendant, les militants d’opposition ont honnêtement suivi les règles du jeu, commencé leur campagne et collecté les signatures des habitants de Moscou nécessaires pour être enregistrés. La majorité des candidats d’opposition avaient eu du succès et au commencement de juillet, ils ont porté les signatures collectées à la commission électorale de Moscou. Mais sous des prétextes différentes, complètement imaginaires, en faisant sciemment des fautes dans l’expertise, les autorités ont refusé d’enregistrer presque tous les candidats d’opposition. Ce qui a provoqué les premières contestations spontanées, le 14 juillet. La rencontre publique avec les candidats non enregistrés au centre de Moscou s’est transformée en manifestation, près de 3 mille personnes ont marché vers la mairie et la commission électorale. La police n’est pas intervenue, peut-être, un pareil cours des événements l’a surpris ou les autorités de la ville veulent baisser ainsi la tension.

Le calcul s’est révélé faux, le 27 juillet s’est tenue une manifestation non-interdite (bien que la Constitution ne prévoit pas une telle sanction). Plus de 10 mille personnes sont descendues dans la rue. Les manifestants ont protesté non seulement contre la violation de leurs droits électoraux, mais surtout contre la violation de leurs droits en général par le régime actuel. Un grand nombre de policiers, des CRS, de la garde mobile, des “paniers à salade” ont été concentrés au centre ville, on a même une machine pour détruire les barricades. La manifestation paisible a été dispersée de vive force, 77 personnes matraquées et blessées, 1373 arrêtées. Le 3 août une nouvelle manifestation de plusieurs milliers de personnes s’est déroulée sur les boulevards intérieurs de Moscou. Elle a été aussi brutalement dispersée par la police, 1001 personnes ont été arrêtées. Le 10 août encore une manifestation a eu lieu, cette fois interdite, à laquelle ont pris part près de 70 mille personnes, malgré la saison des vacances. Puis plusieurs milliers de manifestants ont marché vers l’administration du Président, la police les a dispersées, 256 personnes ont été arrêtées.

Les élections municipales se sont tenues le 8 septembre, avec un très bas taux de participation, la majorité de places a été obtenue par les membres du parti dirigeant “La Russie Unie”, l’opposition domestiquée (en fait, les ailes du parti dirigeant, les communistes et “La Russie Juste”) ont vu augmenter leur représentation, le parti d’opposition “Yabloko” (les libéraux de gauche) a reçu 4 mandats. En même temps les persécutions contre l’opposition ont été accélérées. Plusieurs candidats indépendants à la municipalité ont passé des semaines derrière les barreaux. Vers le 2 septembre, suite à l’enquête pénale sur les émeutes, 18 personnes ont été arrêtées, encore 5, le 14 octobre et un homme le 29 octobre, dont 7 sont déjà condamnés (6 à des peines de prison et 1 en sursis), 8 sont dans une maison d’arrêt, 3 assignées à résidence et 1, après être mis sous le contrôle judiciaire, s’est évadé à l’étranger. 5 personnes sont mises en liberté, après un non-lieu prononcé, et aussi grâce à la pression populaire.

Les cas les plus connus : Konstantine Kotov, militant des droits de l’homme, est condamné à 4 ans de prison pour “viol des règles de la participation aux rassemblements” (à celui du 10 août, auquel il n’a même pas eu de temps de participer étant arrêté par la police à la sortie du métro) ; Yegor Joukov, étudiant en sciences politiques et un des candidats non enregistrés à la municipalité (assigné à résidence à l’attente du jugement) ; Pavel Oustinov, un simple passant qui ne participait pas à l’action, arrêté par la police sans aucune raison et condamné à 1 an avec sursis). Ayant de la peine à trouver des preuves suffisantes pour maintenir l’accusation de la participation aux émeutes, l’enquête cherche d’autres raisons et articles du Code pénal à imputer aux personnes incarcérées (attaques contre les policiers, propos extrémistes sur internet…). Il y a tout lieu de croire que la répression continue. C’était ainsi après la dispersion de la manifestation à la place Bolotnaïa, le 6 mai 2012 où plus de 30 personnes ont été arrêtées et condamnées. Depuis, le régime de Poutine a durci encore. Et il a peur du mécontentement populaire provoqué par sa politique, des actions contestataires, même paisibles. C’est pourquoi il procédera à la vengeance et l’intimidation. Dans ces conditions les militants sociaux, tous les citoyens russes qui ne veulent pas subir une violence quotidienne de leurs droits et libertés, ont besoin de la solidarité internationale (les piquets de grève, les pétitions, les journées d’action l’information la plus large de ce qui se passe en Russie). Parce que si les droits de l’homme sont violés dans un seul lieu,  ils le sont partout.

Liberté pour Azat Miftakhov !

Le syndicat “Solidarité universitaire”(adhérent à la Confédération du Travail de Russie, KTR) soutient la campagne pour la mise en liberté du jeune doctorant Azat Miftakhov persécuté par les raisons politiques.

Azat Miftakhov est mathématicien de 26 ans et militant anarchiste. Après les études brillantes à l’école et à l’université, il a commencé à préparer son doctorat à la faculté de mathématique et de mécanique de l’Université Lomonossov de Moscou. Il devait soutenir sa thèse de doctorat cet automne, mais son activité a été interrompu à cause de son arrestation et son incarcération. Azat a été arrêté par “les forces de l’ordre” le 1er février 2019. Pendant deux jours, il a été retenu de force dans la banlieue-est de Moscou et torturé (les traces de torture sur son corps ont été officiellement enregistrées). L’enquête lui avait imputé d’abord la fabrication d’une bombe, mais Azat a tout nié malgré les tortures. La police a dû le libérer, mais l’a tout de suite arrêté de nouveau, cette fois pour suspicion de briser la fenêtre du local du parti dirigeant “La Russie Unie”, un an auparavant. Il a été inculpé d’abord du vandalisme, mais puis l’enquête a requalifié l’inculpation en hooliganisme – sciemment, pour maintenir Azat en prison. Il nie sa culpabilité bien que la police fait pression sur sa sœur de 16 ans et ses parents.

Nous vous invitons de diffuser largement l’information sur cette affaire, d’écrire des lettres de protestation aux autorités russes, d’organiser les piquets de grève, de faire la campagne de solidarité avec Azat. En Russie les droits de l’homme sont violés et c’est un cas frappant de cette violation, ensemble nous sommes en mesure de nous faire entendre et de les défendre.

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