Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 74 / 9 mai

10 mai 2024
Photo envoyée par Abu Amir à Brigitte Challande

Brigitte Challande, journaliste montpelliéraine, recueille régulièrement depuis le début de l’attaque de l’armée israélienne des témoignages de civil.es palestinien.nes, également publiés sur les sites de l’International Solidarity Mouvement (ISM) et d’Altermidi. Les récits envoyés quotidiennement à Brigitte Challande par Abu Amir et Marsel prennent leur source dans une observation documentée à la fois sur le terrain et à partir de différentes déclarations officielles ou médiatiques.

 

Brigitte Challande, 9 mai 2024. Compte rendu d’Abu Amir envoyé le 9 mai au matin : « Depuis le premier jour de l’invasion du point de passage de Rafah par l’occupation et son injonction aux résidents à l’est de Rafah d’évacuer, des dizaines de milliers de citoyens ont commencé à migrer vers la zone de Mawasi à Khan Yunis et les zones côtières centrales de la bande (Deir al-Balah et Nuseirat), ce qui a créé une crise humanitaire majeure suite à ce grand déplacement. Aujourd’hui, l’occupation a bombardé plusieurs maisons dans le centre de Rafah, et les avions de l’occupation ont largué des tracts appelant les habitants du centre de Rafah à quitter cette zone.

Celà a créé une grande confusion parmi les citoyens rassemblés là, car l’ordre d’évacuation a été immédiat et les habitants ont abandonné tout ce qu’ils possédaient pour échapper à la mort. Ce matin, je me suis rendu dans la zone centrale de Rafah, en particulier sur la place Al Awda, l’un des marchés les plus célèbres de la ville. Elle était vide de vendeurs et même d’habitants, à l’exception de quelques résidents fuyant les lieux. Ce qui est étrange, c’est que l’occupation opère dans la zone de Rafah à un rythme rapide, différent de ce qui a été fait pour le reste des régions. La moitié de la ville de Rafah a été évacuée jusqu’à présent, et cela n’a pas été annoncé par les médias. Mais je l’ai vu de mes propres yeux. Le centre-ville de Rafah était complètement vide.

Le long de la route côtière menant à la zone de Mawasi Khan Yunis et aux zones centrales de la bande de Gaza, les embouteillages étaient insupportables en raison de la file d’attente de milliers de camions, de voitures et de charrettes chargés de personnes déplacées. Alors que je rentrais chez moi par cette route, des milliers de tentes ont commencé à être construites sur le bord de la route et au bord de la mer, créant ainsi de nouveaux camps aléatoires adjacents. Le long de la route, des milliers de familles étaient assises avec leurs affaires en attendant de trouver un endroit pour construire leurs tentes.

Retour aux nouvelles du camp des agriculteurs situé sur la plage de Bahr Mawasi Khan Yunis. Ces agriculteurs ont été déplacés de leurs villages le 7 octobre vers une école-abri située à l’ouest de la ville de Khan Yunis. Après l’invasion de cette école, les fermiers ont fui vers plusieurs zones. Certains d’entre eux ont choisi de se rendre à l’hôpital européen de Khan Yunis et sur les terres qui l’entourent, une autre partie a monté des tentes sur le rivage de la mer de Rafah, et la plus grande partie se trouve dans le camp des agriculteurs.

Ces agriculteurs sont originaires des villages d’Abu Ta’imah et de Khuza’a. La plupart d’entre eux sont des parents ayant de fortes relations sociales. Par conséquent, lorsque l’hôpital européen a été inclus dans les zones d’évacuation et que l’occupation a commencé hier à envahir Rafah, ces agriculteurs n’ont pas trouvé d’autre endroit sûr que ce camp.

Les agriculteurs du camp ont commencé à accueillir leurs proches dans leurs tentes, transformant le camp en un grand ensemble de population sur une petite surface. De nombreux agriculteurs ont apporté leurs tentes avec eux, mais il n’y a pas d’endroit où les planter. Nous avons essayé de les convaincre de chercher ailleurs, mais en vain. Cette affaire nous coûtera cher, ainsi qu’à l’administration du camp, mais nous faisons tout notre possible pour répondre aux besoins de ces familles dans le camp.

Cette semaine, nous avons pu contacter certaines institutions et avons réussi à fournir 400 sacs de farine, qui ont été distribués aux familles du camp. Nous avons également pu fournir deux camions chargés de 25 m3 d’eau potable, dont les habitants du camp manquent. Nous avons également fourni de la nourriture pour trois jours avec le soutien de l’UJFP, mais avec l’arrivée de ces nouvelles personnes déplacées dans le camp, de gros problèmes vont se poser à l’administration du camp pour nourrir ce grand nombre de personnes.”

 

Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel sur les sites d’Altermidi et de l’ISM.

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se concacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’Union des Juifs Français pour la Paix (UJFP) en France.

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE AGORA SUIVANT :

Témoignages de Gazaouis : la survie s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza | Partie 73-7 mai (2)