Témoignages de Gazaouis : la survie s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 127 / 12-13 juillet

19 juillet 2024

Brigitte Challande, journaliste montpelliéraine, recueille régulièrement depuis le début de l’attaque de l’armée israélienne des témoignages de civil.es palestinien.nes, également publiés sur les sites de l’International Solidarity Mouvement (ISM) et d’Altermidi. Les récits envoyés quotidiennement à Brigitte Challande par Abu Amir et Marsel prennent leur source dans une observation documentée à la fois sur le terrain et à partir de différentes déclarations officielles ou médiatiques.

Brigitte Challande, 14 juillet 2024. Hier 13 juillet, l’équipe d’Abu Amir nous transmet le compte rendu de sa visite dans le camp des pêcheurs.

« Vendredi 12 juillet, nos équipes ont visité le camp d’hébergement où vivent les pêcheurs ; il est situé dans la ville de Hamad, au sud de Khan Yunis.

Nous avons emmené avec nous 80 tentes pour les distribuer aux familles qui sont là et qui vivent dans de mauvaises conditions dues au déplacement de Gaza-ville vers la ville de Rafah, puis vers la ville de Hamad.

Chaque fois qu’ils se déplacent vers une nouvelle zone parce que celle où ils se trouvent est envahie, ils abandonnent une partie de leurs biens car ils doivent partir très vite pour échapper à la mort. Les personnes déplacées dans la bande de Gaza appellent cela “le voyage du tourment”.

L’un des aspects les plus difficiles de cette guerre est le processus de déplacement en cours, où des milliers de familles sont confrontées à un sort inconnu sans destination claire, compte tenu de l’absence de centres d’hébergement et du ciblage par l’occupation des écoles abritant les déplacés. Les gens se retrouvent donc obligés de rester dans les rues et sur les places, allant d’un endroit à un autre à la recherche d’un refuge pour échapper à l’enfer des bombardements et du ciblage israélien.

Dans ce camp, 150 familles vivent dans des tentes usées, fabriquées par les pêcheurs eux-mêmes en utilisant ce qu’ils ont de tissu, de plastique et tout ce qu’ils trouvent approprié pour se protéger des rayons brûlants du soleil.

Nous avons été reçus par le camarade Abu Ayed et d’autres pêcheurs qui ont commencé à nous aider en déchargeant les tentes du camion et en se préparant à les livrer aux familles des pêcheurs qui en avaient besoin.

L’équipe a commencé à monter les tentes avec l’aide des pêcheurs, et il y a eu des applaudissements continus de la part des jeunes hommes et femmes du camp et ils ont commencé à chanter au nom de l’Ujfp. C’était merveilleux et les fils des pêcheurs étaient très coopératifs avec nous, ce que nous n’avons pas vu dans le reste des camps. Malgré leur extrême pauvreté et leur situation tragique, ils étaient organisés et coopérants au maximum. »

Ce même jour, le 13 juillet, a eu lieu ce nouveau massacre dans le camp de déplacés d’Al Mawasi : Abu Amir écrit ce texte qu’il nous envoie :

« Alors que le monde attend le cours des négociations pour un cessez-le-feu, qui pourrait aboutir à la fin des massacres et de la guerre d’extermination, l’occupation continue de commettre des massacres brutaux, indifférente à ce à quoi le monde aspire en termes d’arrêt de l’effusion de sang.

Des dizaines de civils innocents sont tués chaque jour sans raison simplement parce qu’ils sont Palestiniens, tandis qu’Israël bafoue les lois internationales qui assurent la protection des civils pendant les guerres.

Aujourd’hui au matin, l’occupation a commis un massacre majeur en bombardant des camps de personnes déplacées dans la région de Mawasi Khan Yunis, au sud de la bande de Gaza. Cet horrible massacre a fait plus de 90 martyrs et 300 blessés, pour la plupart des femmes et des enfants, selon un communiqué du ministère de la Santé, et ce nombre ne cesse d’augmenter.

La force de l’explosion était si énorme que les bâtiments ont tremblé dans la ville de Hamad, située à environ 7 kilomètres du lieu de l’explosion, où j’étais là avec le camarade Zakaria Bakr pour suivre les affaires des pêcheurs.

Le lieu de l’explosion se trouvait à moins d’un kilomètre du camp des agriculteurs. J’y suis ensuite allé et j’ai vu de nombreuses femmes dans le camp dans un état de tristesse horrible et pleurant à cause de ce qui s’était passé. Beaucoup de femmes du camp disaient : “Où pouvons-nous aller ? La mort nous suit partout.” Ils me demandaient quoi faire… et je ne sais pas quoi dire, parce que je suis comme eux, je ne sais pas quoi faire.

En l’absence de conscience du monde et de son silence face aux massacres perpétrés par Israël, nous ne pouvons qu’attendre la mort en silence, et l’histoire dans un avenir proche décrira le monde avec honte, honte face à l’exécution du peuple de Gaza. »

 

Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel sur les sites d’Altermidi et de l’ISM.

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se concacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’Union des Juifs Français pour la Paix (UJFP) en France.

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