Archives - Politique 30 mai 2015

Agriculture biologique : Le label européen, fumeux mais juteux !

Épis de maïs

Depuis quelques années l’alimentation biologique se développe à un rythme effréné. Au grand dam des pionniers du mouvement qui dénoncent de nombreux abus.

10%, c’est le taux de croissance que connait le secteur de l’agriculture biologique, en France, chaque année. Alors forcément, depuis peu, les grandes enseignes de la distribution comme Leclerc ou Carrefour se sont ruées sur ce nouveau marché juteux. Tous les hyper disposent désormais de leur rayon consacré au label AB. « Du bio accessible à tous », « la Bio c’est bon pour la santé » tels sont les slogans diffusés à longueur de spots publicitaires. En réalité si le marché ne s’est jamais aussi bien porté, on peut désormais parler de bio à deux vitesses.

Une réglementation européenne bien trop laxiste

Depuis 2009, il existe désormais un seul label européen qui définit l’agriculture biologique. Tandis qu’auparavant chaque pays pouvait ajouter sur le label commun des exigences supplémentaires, il n’existe plus de label français spécifique. Et cette nouvelle réglementation est loin de faire l’unanimité. Geoffroy Raout, coordinateur dans la fédération Nature et Progrès, pionnière de la Bio en France, nous explique : « Jusqu’à présent, les éleveurs Bio avaient l’obligation de produire une partie de l’alimentation de leur élevage sur leurs terres. Ce n’est plus le cas. Ce schéma de production, c’est la base de l’agriculture bio, il s’agit avant tout de favoriser des exploitations agricoles à taille humaine et, si possible auto-suffisante ».

Autre illustration, le label européen permet désormais de cultiver sur la même exploitation des terres en Bio et en agriculture conventionnée. Cette mesure, censée permettre à de nouveaux agriculteurs la conversion vers le Bio entraine d’autres dérives. Ne prévoyant pas une période provisoire avant la conversion totale de l’exploitation, cette nouvelle directive permet aux grandes exploitations de consacrer une partie de leur production à ce nouveau marché tout en continuant de déverser des tonnes de pesticides quelques kilomètres plus bas. Et les exemples sont nombreux, dans les exploitations viticoles, notamment.

Alors que les militants du mouvement se sont toujours insurgés contre la culture OGM, le nouveau cahier des charges tolère la contamination OGM jusqu’à 0.9% contre 0.1% auparavant. Si cette mesure doit permettre aux exploitants Bio de conserver le label en cas de contamination subie, elle reconnait officiellement l’inéluctabilité de la contamination OGM.

Le choix des acteurs historiques

Face à ce constat, Nature et Progrès continue de croire à travers son cahier des charges, qui est l’un des plus exigeants, à un autre modèle pour l’agriculture biologique. Pour Geoffroy Raout, la Bio est avant tout un projet global : « Dans notre cahier des charges, il y aussi des aspects sociaux. On ne peut pas faire du Bio en employant des immigrés marocains payés au rabais comme l’on fait en Espagne actuellement. C’est la vision paysanne qu’il faut privilégier, dans des circuits courts de production ».

Nature et Progrès n’est pas la seule association à avoir fait le choix de mettre en place son propre cahier des charges. Impulsés par la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) et Biocoop, leader de la distribution Bio en France, le label « Bio cohérence », créé en 2010 vise à pallier les dérives de la réglementation européenne. Sauf que, mis en concurrence avec les producteurs espagnols ou italiens qui disposent de la même certification européenne, les agriculteurs qui adhèrent à Nature et Progrès ou « Bio cohérence » sont trop peu nombreux.

Valentin Prélat

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