L’impasse Macron, l’union de la gauche et la révolution

Le Poing Publié le 11 juin 2024 à 15:24 (mis à jour le 11 juin 2024 à 16:05)
Fabien Roussel, 1er secrétaire du parti communiste lors de la 14ème journée de mobilisation contre la réforme des retraites, Montpellier le 6 Juin 2023. Crédit photo : Mathieu Le Coz/Hans Lucas

Cette tribune n’engage pas l’avis de l’ensemble de la rédaction du Poing, mais cherche plutôt à ouvrir des débats sur la situation actuelle.

C’est un vertige qui nous saisit au sortir des élections européennes de juin 2024. L’annonce du choix de la dissolution de l’assemblée par Emmanuel Macron alors que l’extrême droite est au sommet laisse pantois. Comment peut-on jouer de cette manière avec le feu, ouvrant la perspective du retour de l’extrême droite aux commandes du pays, pile 80 ans après la chute du régime de Vichy ?

Il faut dire que Macron nous avait habitués à un numéro de pompier pyromane. N’a-t-il pas passé des années à reprendre des mesures de l’extrême droite en faisant semblant de la combattre ? Il a allègrement ravagé l’état social et multiplié les reformes délétères pour les travailleurs. Il a détruit l’hôpital, affaibli l’éducation nationale, forcé à travailler deux ans de plus, massacré les conditions de vie des chômeurs au nom des économies financières.

Pourtant, le déficit est plus lourd et la France plus endettée que lorsqu’il est arrivé au pouvoir. Les économies n’ont pas servi à assainir les finances mais à faire des cadeaux fiscaux aux riches et à subventionner les entreprises du grand capital. Les campagnes se désertifient. Services publics, classes et hôpitaux ferment, et l’accès aux droits ne se fait plus qu’au travers d’un fantomatique état- plateforme dématérialisé.

Les contestations dans la rue se voient réprimées par un impitoyable maintien de l’ordre dont la « non létalité » ne parait pas évidente au vu du cortège de mutilés et de blessés grave qu’il laisse derrière lui. La dernière invention du pompier pyromane est une réforme du corps électoral en Nouvelle Calédonie qui y ouvre la voie à la guerre civile.

Plus qu’une défense de la démocratie face à l’illibéralisme de l’extrême droite, l’histoire du régime macroniste est celle d’un capitalisme néolibéral radicalisé dont la violence sociale alimente l’extrême droite, qui prétend amener de fausse solutions. Derrière la promesse d’une illusoire communauté nationale qui revaloriserait la condition des français à condition de s’en prendre aux personnes racisées, aux LGBT et aux gauchistes, l’extrême droite, c’est la continuation de la violence autoritaire du capitalisme néolibéral : il suffit de regarder ce que font les Milei, Bolsonaro, Trump ou Erdogan pour voir ce qu’est son vrai programme. Le racisme et le sexisme ne remplissent pas les assiettes.

Que faire dans cette énième resucée de cette alternative entre la barbarie de l’extrême droite et le libéralisme autoritaire radicalisé de Macron ?

Cette dissolution est un infâme manière de mettre en avant ce chantage entre la peste et le choléra et au passage de laminer électoralement la gauche désunie par l’explosion de la NUPES. Et si ce pari ne fonctionne pas, le cynisme de Macron, le fait probablement faire le calcul de laisser l’extrême droite gouverner quelque temps puis dissoudre et démissionner dans la foulée, lui permettant (ou à un de ses dauphins) de tenter à nouveau de remettre en place son infâme chantage. Cette perspective ne donne pas seulement le vertige mais aussi la nausée.

La seule voie immédiate qui pourrait éviter ce scénario catastrophe serait l’Union de la gauche dont une nouvelle version, est mise sur la table par l’appel de François Ruffin au Front Populaire, unissant la carpe insoumise et le lapin néolibéral du PS. Cette perspective, comparée au délire macroniste et au cauchemar brun de l’extrême droite semble offrir une bouffée d’air raisonnable et une solution à court terme, permettant d’éviter l’arrivée au pouvoir du Rassemblement National et de Reconquête, et un vote barrage moins malaisant que celui pour un clone macroniste qui promet de nous rouler allègrement dessus dès qu’il en aura l’opportunité.

Néanmoins, il faut saisir les limites de ce qui en réalité constitue plus une proposition appartenant au domaine du « moins pire » que du domaine de ce qui est nécessaire et souhaitable face au ravage social et écologique de la planète par le capitalisme.

Aux Etats-Unis et au Brésil, après des présidences d’extrême droite catastrophiques, ce sont des présidences de ce type qui gouvernent. Si elles ont permis d’éviter la continuation de la catastrophe d’extrême droite, elles ne font guère plus. De par le pouvoir du capital, de leurs faibles majorités électorales, ces présidences ne font que maintenir le statut quo d’une société capitaliste injuste : au Brésil, il y a toujours des favelas à perte de vue sous la coupe des gangs alors que l’agrobusiness ne s’est jamais aussi bien porté. De même aux US, le gouvernement Biden est un ferme soutien du massacre des palestiniens par l’Etat d’Israël et l’exploitation capitaliste n’y a pas été ralentie un instant. Les révolutionnaires qui ont rejoint de telles coalitions s’y sont perdus, de même que les réformistes radicaux de la gauche du parti démocrate, passés par pertes et profits.

Dans cette mesure, si cette nouvelle forme de vote barrage peut-être une tactique contre l’extrême droite, elle constitue une impasse stratégique. Le capitalisme mène à la destruction du monde tel que nous l’avons connu et il ne peut être géré, il doit être détruit, et la société doit être réorganisée sous la forme de communes résolvant la question de l’exploitation de l’humain et de l’environnement. Cette perspective est beaucoup plus radicale que celle de l’union de la gauche, mais offre une réelle solution, contrairement aux raccourcis électoraux.

G.J

Après la manifestation antifasciste de ce lundi 10 juin, de nouvelles mobilisations sont déjà prévues. Mercredi 12 juin le député LFI/NUPES Sébastien Rome appelle à un rassemblement à 18h sur l’esplanade de Gignac. Une nouvelle manifestation aura lieu à Montpellier ce vendredi 14 juin au départ de la place Albert 1er, à l’appel du local associatif Le Quartier Généreux. Une mobilisation intersyndicale est également prévue partout en France ce samedi 15 juin.

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