Ville « de gauche », Montpellier livre aux capitalistes la dénomination de ses équipements d’intérêt public

Le Poing Publié le 22 décembre 2020 à 17:41
La piscine d'Antigone à Montpellier va prendre le nom d'un promoteur immobilier, Angelotti !

La piscine olympique d’Antigone s’apprête à prendre le nom d’un magnat de la promotion immobilière. D’autres baptêmes du même genre vont suivre.

En bonne novlangue franglaise du néolibéralisme et de la start-upisation, on appelle “naming” ce genre de tripatouillage. L’opération consiste à donner des noms de marques commerciales à des équipements publics, contre espèces sonnantes et trébuchantes. On n’avait pas spécialement remarqué que le stade Yves-du-Manoir de Montpellier était devenu le CGL Stadium. A présent, la récente attribution du nom d’Angelotti à la piscine olympique d’Antigone fait plus de bruit. Pendant six ans, contre 120 000 euros par an, le magnat languedocien de la bétonisation péri-urbaine va pouvoir satisfaire son fantasme de toute-puissance sur la vie sociale, en accrochant son nom sur la façade de cet équipement public.

La décision en a été prise lors du dernier conseil de métropole, jeudi 17 décembre, à l’initiative de Christian Assaf, caricature du vrai politicien, vice-président de cette assemblée, délégué aux sports. Il est vrai que se prétendre « socialiste » avec son profil, prédispose à toutes les manipulations sur le sens des mots. Assaf a donc indiqué que le palais des sports René-Bougnol et le stade de la Mosson seraient les suivants sur la liste. Reste que, derrière son vice-président, c’est bien Michaël Delafosse qui doit assumer pareil choix. Ce qui laisse songeur, quand on sait que le maire de Montpellier exerce par ailleurs la profession d’enseignant en histoire.

La dénomination des voiries, espaces et équipements publics n’a rien de neutre. Il y aurait beaucoup à dire sur ce que les noms donnés à nos rues, parcs, écoles, révèlent de l’idéologie et de la culture dominante. La domination masculine y est accablante. L’indexation sur le grand récit national y règne aussi en maître. Et ce sont les repères historiques des classes dominantes qui s’y répandent. Combien de victoires de la réaction, de personnages et de hauts-faits coloniaux, de barbaries militaires et leurs auteurs, sont honorés, quand les soulèvements populaires non homologués, leurs leaders, les personnalités dérangeantes pour l’ordre établi, sont minorés, invisibilisés ?

Ce débat une fois posé, reste que le gigantesque catalogue de la dénomination publique, puisant dans la liste des “grands hommes”, des fortes réalisations et des hauts faits, ressort tout de même à une idée de patrimoine, d’histoire et de culture commune, à partager. C’est cet acquis qui est transgressé, violé et foulé aux pieds lorsque les noms donnés sont désormais ceux d’entités entrepreneuriales de plein exercice dans l’économie marchande ; cela sur la seule base de la puissance de frappe financière qui leur permet cet investissement publicitaire (qu’on voudrait déguiser sous le doux nom de “mécénat”).

Pareille idée ne peut sévir que sous le règne de la dictature marchande ultra-libérale. La violence symbolique est inouïe, qui indique que le dessein politique commun s’incline devant la sur-puissance financière privée, et lui abandonne jusqu’à la symbolique de la mise en scène des espaces et des biens publics. Comble de cynisme, ce sort lamentable est généralement réservé aux enceintes sportives, comme s’il était urgent de bénir la dérive mortifère du pourrissement du sport par le fric.

Au Poing, on n’est franchement pas fan de la lecture des commentaires des lecteurs du site du Midi Libre, généralement pourris de relents xénophobes et sécuritaires. Mais pour une fois, les quelques commentaires laissés à la consultation font plutôt mouche. A propos d’Angelotti, on lit : « Comme s’il n’avait pas assez défiguré le paysage ». Puis : « A quand le naming sur la mairie, et pourquoi pas le commissariat et le palais de justice ? ». Tout serait plus clair en effet. Puis un laconique et efficace « La valse des enveloppes… ». Il y a bien eu quelques voix issues d’EELV ou du PCF pour critiquer pareille décision devant le conseil de métropole. Mais comme ces élus sont partie intégrantes, pieds et poings liés, de la majorité conduite par le maire social-libéral de Montpellier, on ne saisit toujours pas à quoi peuvent bien servir leurs vertueux blablas pour la galerie.

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