Voyage en Saurélie, ep. 2 : une agente dit s’être faite exploiter, harceler et agresser par des cadres de la mairie
Exclusivité Montpellier Poing Info, le 8 juin 2017 — Lors du premier article, le Poing vous révélait la plainte de l’agente municipale Hinem Goulli contre l’élu Abdi El Kandoussi pour injures sexistes. Cette histoire ne serait en fait que l’une des facettes du « véritable harcèlement mis en place par les services de la mairie à l’instigation de l’élu [Abdi El Kandoussi] visant à permettre le licenciement [de Hinem Goulli] avant la fin de sa période de stage », selon son avocate Me Joseph-Barloy.
37 contrats en CDD depuis 2007
Hinem Goulli a signé au moins 37 contrats à durée déterminée depuis l’année 2007, d’abord sur un emploi à temps non complet pour effectuer des remplacements successifs, puis sur un poste vacant et mensualisé à compter de mai 2011. Suite aux relances de son ancien avocat Me Robert, Hinem Goulli est convoquée le 27 avril 2016 à une réunion sur ses perspectives de carrière en présence de trois cadres de la mairie. Lors de cette réunion, l’élu Abdi El Kandoussi lui confirme une nomination comme fonctionnaire stagiaire, puis aurait rajouté la fameuse injure : « Il parait qu’il faut coucher ensemble pour avoir une nomination ».
Dans un courrier du 18 mai 2016, Me Robert envoie un courrier au maire pour le remercier de cette promesse d’évolution de carrière mais annonce que sa cliente se réserve le droit de porter plainte pour les propos « sexistes et déplacés » qu’aurait tenu Abdi El Kandoussi. Une semaine plus tard, Philippe Saurel écrit à Hinem Goulli : « Votre manière de servir et vos qualités professionnelles ayant été appréciées par votre supérieur hiérarchique, je suis en mesure de prononcer votre nomination en qualité d’adjoint administratif de 2ème classe stagiaire à compter de juin 2016 ». Hinem Goulli poursuit donc son activité à la maison pour tous Mélina-Mercouri, avec la perspective d’une titularisation au bout d’un an, comme il est d’usage pour les stages de fonctionnaire. Le 16 juin 2016, elle porte plainte contre Abdi El Kandoussi pour injures sexistes et prévient la police qu’ « en dénonçant ces faits, cela peut avoir des conséquences sur [s]on travail et [s]a carrière ». Et sur sa vie, tout simplement, puisque Hinem Goulli est handicapée (faible acuité visuelle de l’oeil gauche et tumeur à la gorge) et qu’elle doit élever seule son fils de huit ans.
Elle affirme s’être faite agresser pour avoir dénoncé de graves dysfonctionnements
Le 8 septembre 2016, tout s’accélère. Contactée par Le Poing, Hinem Goulli affirme que ce jour-là, l’adjoint au maire Rémi Assié aurait été présent sur son lieu de travail et qu’il aurait utilisé la photocopieuse. Hinem Goulli s’en serait servie à son tour et en appuyant sur la touche « bis », elle aurait alors obtenu des preuves sur l’orientation d’un jury chargé du recrutement de secrétaires d’élus, dossier brûlant dont Le Poing vous parlera prochainement. Hinem Goulli dépose aussitôt une main courante et en avise Fabrice Palau, chargé de mission au cabinet du maire, et Simine Namdar, chef de ce même cabinet. « La conséquence a été terrible puisqu’elle s’est immédiatement vue ostracisée, placardisée par les personnes proches des mis en cause, et que ses demandes au titre de handicaps […] n’ont pas été prises en compte » selon Me Joseph-Barloy.
Hinem Goulli est en effet mutée de la gestion administrative à l’accueil téléphonique, ce qui va à l’encontre des recommandations de la Fédération des aveugles et de la médecine du travail qui réclament au minimum d’aménager son lieu de travail, ce qui lui avait d’ailleurs été accordé sur son poste précédent. Il ne parait en effet pas bien difficile à comprendre qu’il est compliqué de devoir répondre au téléphone toute la journée quand on a un cancer au niveau des cordes vocales. Hinem Goulli est convoquée dans le bureau de sa directrice Fabienne Bouzidi le 27 octobre 2016 qui lui aurait annoncé son maintien à ce poste et le refus de ses congés. Sa directrice lui aurait aussi reproché de façon allusive d’avoir fait fuiter les preuves sur l’orientation du jury puis aurait donné un coup de pied dans la porte qui aurait alors violemment heurté le visage de Hinem Goulli. Elle est conduite au CHU à l’issue de la réunion et dépose une main courante quatre jours après.
Licenciée deux semaines avant sa titularisation
Le 19 janvier 2017, Hinem Goulli est convoquée à une réunion par quatre cadres de la mairie : Thaïs Castello, Domitien Détrier, Thierry Margaux et Pierre Ferran. « Cet entretien a été tellement dur et les mots employés tellement fort que Madame Goulli a fait une crise de tachycardie à tel point que les pompiers ont dû intervenir et Madame Goulli a dû être transportée en urgence au CHU de Montpellier » selon Me Robert, qui réclame alors une nouvelle réunion pour « faire le point sur cette situation qui ne peut durer plus longtemps ». Après plusieurs relances de l’avocat, la nouvelle réunion a finalement lieu le 27 février 2017. Domitien Détrier et Thaïs Castello proposent à Me Robert de procéder à une nouvelle expertise médicale de Hinem Goulli, alors qu’un diagnostic a pourtant déjà été posé par le docteur Claude Lefrançois, médecin expert agréé près de la Cour d’appel de Montpellier.
Le 28 avril 2017, c’est la douche froide : Christian Fina, directeur générale des services de la mairie, saisi pour avis la commission administrative paritaire en vue de demander le licenciement de Hinem Goulli pour « insuffisance professionnelle ». Me Sabine Joseph-Barloy remet en cause la bonne-foi de cette accusation d’« insuffisance professionnelle » étant donné que sa cliente était encore considérée jusqu’au 23 décembre 2016 comme un « bon agent administratif » par ses supérieurs. Me Joseph-Barloy considère que, quand bien même il y aurait une insuffisance professionnelle, ce serait de la faute des cadres de la mairie puisqu’ils ont refusé d’aménager le poste de travail de sa cliente alors qu’elle était reconnue comme travailleur handicapé.
Philippe Saurel notifie à Hinem Goulli son licenciement le 18 mai 2017, soit deux semaines avant sa titularisation. Ce même jour, Hinem Goulli interpelle respectueusement Philippe Saurel au début du conseil municipal et termine à l’hôpital. La suite au troisième épisode.
Sources : lettres de Me Robert et Me Joseph-Barloy envoyées à Philippe Saurel, documents de police, plainte envoyée au procureur de la République.
Jules Panetier
Contact presse : 04 67 04 51 14 (cabinet de maitre Joseph-Barloy) / lepoing@riseup.net
Hinem Goulli a précisé au Poing « Je voudrais faire ressortir ce côté obéissant et discipliné que j’avais envers l’exécutif dans l’exercice de mes fonctions. Je tenais très sincèrement à la politique publique du maire, je ne faisais qu’appliquer les décisions, c’est dans mon lieu de travail que je me suis rendue compte qu’il y avait une divergence technique entre Madame Bouzidi et les choix du maire. Madame Bouzidi privilégiait l’instruction d’une association plutôt qu’une autre, pour cela je me prenais souvent des réflexions. J’avais l’impression d’être seule. J’estime que je n’ai jamais remonté de choses fausses au maire. Lui ne peut forcément pas être au courant de tout. »
Hinem Goulli a plusieurs diplômes d’états : conseillère en insertion professionnelle, conseillère en économie sociale et familiale, formatrice pour les écoles de la 2ème chance, capacité en droit. Elle a fait partie des groupes de travail de la mutualisation de services entre la mairie et la métropole. Elle a instruit les délibérations en matière de démocratie de proximité et citoyenneté. Elle a toujours tenté de faire reconnaître ses compétences. Elle a passé le test de concours de rédacteur, qu’elle a obtenu en 2016.
Par ailleurs, Hinem Goulli affirme que Philippe Saurel n’a jamais répondu à Me Robert, malgré un rappel effectué par voie d’huissier de justice (Me Berthezene) pour le courrier du 27 janvier 2017 relatant les faits du 19 janvier 2017. Me Joseph-Barloy affirme aussi qu’elle n’a jamais reçu de réponses de la part de Philippe Saurel.
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