150 ans après la Commune de Paris, le temps des cerises n’est pas arrivé mais les graines ont germé

Le Poing Publié le 17 mars 2021 à 18:58 (mis à jour le 17 mars 2021 à 19:05)

18 mars 1871 ! Refusant qu’on le désarme, le peuple parisien se soulève. La révolte face au traître gouvernement d’Adolphe Thiers se mue rapidement en expérience révolutionnaire. Deux mois durant, la Commune va délibérer, expérimenter, agir. Souvent avec un siècle d’avance sur son temps. Parfois pas assez, ou mal. Jusqu’à sa conclusion tragique : la Semaine sanglante et ses dizaines de milliers de morts. Un siècle et demi plus tard, le temps des cerises n’est pas encore arrivé, mais les graines ont germé.

Faire un bilan de la Commune, en raconter l’histoire de manière détaillée, serait une tâche immense. D’autres le feront mieux que nous. Nul doute que cet anniversaire sera marqué par une flopée de publications de qualité diverse. L’évènement est aujourd’hui commémoré dans l’histoire officielle. Aujourd’hui, le square Louise Michel (en hommage à cette militante communarde, anarchiste et anticoloniale) se déploie aux pieds du Sacré Cœur, cette infâme basilique érigée par la bonne bourgeoisie catholique pour expier les rivières de sang ouvrier versées par l’armée versaillaise…

Si la droite parisienne s’est opposée cette année à une commémoration officielle, assumant d’être plutôt du côté des massacreurs, la plupart des bords politiques revendiquent la Commune. Ceux issus du mouvement ouvrier, bien sûr : libertaires, marxistes et socialistes ont fini par intégrer cet évènement dans leur mémoire collective. Mais même l’extrême droite tente de tirer la couverture en vantant un peuple patriote opposé à un régime ayant perdu la guerre… Et puis, il y a les marchands du temple. Jusqu’à cette boutique « Commune de Paris 1871 » qui vend aux hipsters héritiers des versaillais des t-shirts sérigraphiés à 50€…

Et aujourd’hui alors ?

Alors, faut-il commémorer, oublier, ou peut être recommencer… ? La Commune est un évènement unique mais multiple qui inspire depuis les rebelles du monde entier. Des chansons du Parti Communiste français aux volontaires de la guerre d’Espagne, de la Commune de Shanghai de 1967 aux Communes éphémères déclarées ici et là lors des récents soulèvements, ces deux mois d’insurrection parisienne auront eu une incroyable postérité.

Il faut dire que la Commune a réellement tenté de changer la vie. Dans des domaines aussi variés que l’éducation, la justice, la culture, le travail des enfants ou les droits des femmes, elle a été visionnaire. Une action parfois brouillonne et violente mais portée par un immense espoir émancipateur. Le recul historique nous permet de voir que cette ébullition l’aura rendu aveugle aux dangers la menaçant, alors que pourtant, d’autres Communes fleurissaient ailleurs avant d’être réprimées, à Lyon, Toulouse ou encore à Marseille. Faute d’initiative, le peuple insurgé a laissé ses adversaires s’organiser et recruter, jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Il n’est donc pas question de vouloir reproduire à l’identique cette expérience. Ce ne serait ni possible, ni souhaitable. Mais la Commune est un moment clé témoignant de l’irruption dans l’histoire des nouveaux damnés de la Terre : le prolétariat industriel, alors inspiré par les premiers penseurs socialistes, par les idéaux issus de la Révolution française, et même par quelques militants de l’Association internationale des travailleurs alors en plein développement. Débarrassé de son roi mais pas de ses nouveaux maîtres en chapeau haut-de-forme, il part « à l’assaut du ciel » et multiplie les expérimentations. Essayons de faire vivre cette histoire complexe, en en comprenant la signification, sans nostalgie poussiéreuse. Car peut être que bientôt enfin « les mauvais jours finiront » …

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