Montpellier. Six gilets jaunes condamnés à de la prison avec sursis
Le Poing
Publié le 22 janvier 2019 à 16:50 (mis à jour le 26 février 2019 à 16:54)
Rassemblement de gilets jaunes devant le tribunal de grande instance de Montpellier, le 21 janvier 2019
Huit personnes interpellées le samedi 19 janvier lors de l’acte X des gilets jaunes ont été déférées ce lundi 21 janvier au tribunal de grande instance de Montpellier et présentées devant un juge sous le régime de la comparution immédiate. Pour soutenir les inculpés et dénoncer les violences policières, des gilets jaunes se sont réunis en début d’après-midi devant le tribunal en faisant une haie d’honneur avec les portraits de manifestants blessés par des policiers. L’audience a commencé à 14h et s’est terminée vers 22h30. Le Poing fait le point :
1) Le premier prévenu est un postier-coursier trentenaire. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. Il aurait reconnu pendant la garde à vue l’accusation de violence. Il accepte de se faire juger pendant l’audience, mais l’avocat du policier considéré comme une victime dans cette affaire demande un report pour permettre à son client de se constituer partie civile. Le procès est renvoyé au 25 février. En attendant, le prévenu est placé sous contrôle judiciaire : pointage hebdomadaire au commissariat et interdiction de manifester à Montpellier et aux alentours le samedi.
2) Le second prévenu est un jeune chômeur. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur deux personnes dépositaires de l’autorité publique. Le prévenu demande un délai pour préparer sa défense. Il affirme ne pas avoir été à la manifestation : « j’étais chez mon père toute la journée, je suis sorti pour retirer des sous, et j’ai été interpellé. Il y a des caméras partout, il suffit de regarder les images ! » Son avocat acquiesce : « pendant la garde à vue, mon client a donné les coordonnées de son père à l’officier de police judiciaire, mais il n’a pas jugé utile de le contacter pour vérifier ses propos ! Et les caméras de vidéosurveillance n’ont pas été exploitées ! » Le procès est renvoyé au 25 février. En attendant, il est placé sous contrôle judiciaire : pointage hebdomadaire au commissariat et interdiction de manifester à Montpellier et aux alentours le samedi. Le juge demande aussi un supplément d’instruction pour auditionner son père et exploiter les caméras.
3) Le troisième prévenu est un jeune étudiant. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. « Les CRS venaient vers nous, j’ai renvoyé un palet de lacrymogène, mais les policiers étaient trop loin pour que je puisse les toucher ». Aucun policier n’a porté plainte contre lui, mais le juge et la procureur affirment qu’il voulait en découdre avec la police car il était équipé d’un masque de ski et d’un casque de vélo. La procureur s’indigne : « À l’entendre, on dirait que les manifestants sont attaqués par des hordes de CRS toute la journée. Mais il faut rappeler que les tirs de lacrymogènes sont effectuées après des sommations. Les policiers ont des consignes strictes et claires ! » L’avocat du prévenu fait remarquer qu’il n’y a dans cette affaire ni victime, ni préjudice. Le juge le reconnaît coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à quatre mois de prison avec sursis assortis d’une obligation d’effectuer un travail d’intérêt général de 35h sous 18 mois. Il doit aussi s’acquitter de 127€ de frais de procédure. « Si vous payez dans le mois, vous avez une réduction de 20% ! » conclut le juge.
4) Le quatrième prévenu est un agent de maintenance, proche de la trentaine. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. Il conteste ces accusations. Selon les témoignages identiques de deux policiers, il faisait partie d’un « groupe de caillasseurs » et il aurait été identifié en train de jeter une pierre qui, de l’aveu même des policiers, n’a atteint personne. Il a été interpellé au niveau du square Planchon : « j’aidais une personne à escalader la grille » affirme-t-il. Dans son sac à dos, les policiers retrouvent des équipements de protection : masque de ski, masque en tissu blanc et lunettes de protection. Pendant la garde à vue, le médecin a constaté un hématome au crâne : « je pense que c’est un coup de matraque » déclare le prévenu pendant l’audience. La procureur s’attarde sur les convictions politiques du prévenu : « il déclare être un militant anti-corrida, mais ces militants sont censés être non violents, notamment envers les animaux, et là il fait preuve de violence envers des policiers, ce n’est pas cohérent ! » L’avocat du prévenu remet en cause l’authenticité des procès-verbaux des policiers : « les heures des procès-verbaux ne tiennent pas et c’est toujours le même policier qu’on retrouve dans tous les dossiers ! » Le juge le reconnaît coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à cinq mois de prison avec sursis assortis d’une obligation d’effectuer un travail d’intérêt général de 35h sous 18 mois, plus 127€ de frais de procédure.
5) Le cinquième prévenu est un carrossier d’une trentaine d’années. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. Il s’est fait interpeller en possession d’équipements de protection – masque à gaz, lunettes – et de trois pierres : « les pierres étaient dans ma poche, je ne sais pas si je les ai jetées, il y avait du gaz partout, j’étais dans un entonnoir, les CRS étaient devant et derrière et ils faisaient tout pour qu’on ne sorte pas ». Le juge reproche au prévenu d’être resté à la manifestation jusqu’en soirée : « Vous saviez que ça allait dégénérer ! Les policiers ne veulent pas aller à l’affrontement, ils font des sommations, et laissent les gens partir quand il y a un ordre de dispersion ». L’avocat note que le procès-verbal d’ambiance, censé retranscrire les événements de la manifestation, a été rédigé à 9h du matin, soit cinq heures avant le départ du cortège. L’avocat clame aussi qu’avoir des équipements de protection sur soi ne présume pas d’intentions malveillantes : « tout le monde était équipé ce jour-là, s’il fallait tous les présenter devant un juge, nous serions des centaines dans la salle d’audience ! Par ailleurs, le fameux délit de ‘‘participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences’’ a fait l’objet d’une circulaire, celle du 16 mars 2010, qui insiste sur la nécessité de caractériser les faits matériels de l’accusation. Si les manifestants sont présentés individuellement aujourd’hui, et non collectivement, cela prouve bien qu’ils ne faisaient pas partie du même groupement, alors de quel groupement parle-t-on ? Jusqu’à preuve du contraire, la manifestation des gilets jaunes ne constitue pas un groupement illégal ! Quant aux violences qu’on reproche à mon client : où, quand, comment, qui, de quel fait dommageable parle-t-on ? On ne sait pas. » Malgré cette plaidoirie efficace, le juge reconnaît le prévenu coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à cinq mois de prison avec sursis assortis d’une obligation d’effectuer un travail d’intérêt général de 35h sous 18 mois, plus 127€ de frais de procédure. « Il faut faire attention à ce qu’on dit aux policiers. En garde à vue, vous avez reconnu avoir jeté une pierre ! » conclut le juge.
6) Le sixième prévenu est un fonctionnaire d’État d’une quarantaine d’années. Il accepte de se faire juger immédiatement. Un chef d’inculpation lui est reproché : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences. Selon des policiers, il faisait partie d’un « groupe de casseurs » et il aurait été identifié en train de casser des blocs de pierres pour en faire des plus petites, et en train de jeter des pierres sur les policiers, qui, de leurs propres aveux, n’ont atteint personne. Il a été interpellé au niveau du square Planchon : « Il y avait des CRS qui venaient de la gare et d’autres de la Comédie. On m’a aidé à escalader la grille du square, alors moi aussi j’ai aidé quelqu’un à la franchir, et j’ai été interpellé ». Il conteste les faits qui lui sont reprochés : « je n’ai jeté aucun projectile sur qui que ce soit et je n’ai pas cassé de pierre, je n’ai rien cassé du tout ». Les policiers retrouvent dans son sac à dos des équipements de protection – masque, lunettes – et ils affirment aussi avoir trouvé « deux caillasses ». En garde à vue, le prévenu affirme que « ces pierres ont été mises par quelqu’un d’autre, peut-être des policiers ». Pendant l’audience, il réaffirme ne pas avoir mis ces pierres dans son sac. « J’ai compris lors des auditions de garde à vue que ma position serait inaudible lors de l’audience. Je sais qu’il aurait mieux valu ‘‘avouer’’ plutôt que de dire la vérité. Mais la vérité, c’est que quand j’ai été interpellé, les policiers m’ont mis au sol, ils ont fouillé mon sac, et ils m’ont montré des pierres qu’ils avaient dans la main ». « Les policiers ne font pas ça » réplique le juge. L’avocat du prévenu reprendra les éléments de défense évoqués pour les affaires précédentes : « l’accusation de ‘‘participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences’’ n’est pas caractérisé : ni l’intention, ni le groupement ne sont définis. » Le juge reconnaît le prévenu coupable du chef d’inculpation et le condamne à trois mois de prison avec sursis sans inscription au casier judiciaire, plus 127€ de frais de procédure.
7) Le septième prévenu est un intérimaire d’une vingtaine d’années. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et dégradation d’un bien par incendie. Selon des policiers, il faisait partie d’un groupe « parmi les plus véhéments ». Identifié par une caméra de vidéosurveillance, il reconnaît pendant l’audience avoir « alimenté un feu » devant le cinéma Gaumont. Il aurait été suivi par des policiers, et il a été interpellé sur l’Esplanade. Les policiers retrouvent sur lui des allume-feux en cube et en gel : « la boîte était fermée, je ne m’en suis pas servi » se défend le prévenu. Son avocat rappelle que « rien dans la procédure ne l’accuse d’avoir allumé le feu, il l’a attisé, ce n’est pas pareil ». Le juge reconnaît le prévenu coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à six mois de prison avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve de deux ans consistant en une obligation de travailler ou d’être en formation, et une interdiction d’être dans le centre-ville de Montpellier le samedi après-midi, plus 127€ de frais de procédure.
8) Le huitième prévenu est un jeune homme d’une vingtaine d’années titulaire d’un CAP zingueur en reconversion professionnelle. Il accepte de se faire juger immédiatement. Trois chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, violence sur personne dépositaire de l’autorité publique, et provocation à la rébellion. Il aurait été vu par des policiers comme étant « particulièrement actif et violent » pendant la manifestation, et suivi pendant plus d’une heure et demie. Il aurait été identifié par des caméras de vidéosurveillance, mais les images ne sont pas claires. Le juge montre au prévenu d’autres images de vidéosurveillance datant des manifestations du 5 et du 12 janvier, et le prévenu se reconnaît dessus. Pendant la garde à vue, le prévenu reconnaît la plupart des faits qui lui sont reprochés, excepté la provocation à la rébellion. « À la base, je ne suis pas parti en manif’ pour ça, c’était pour se faire entendre, mais j’ai vu des tirs policiers et des gens suffoquer sur la place de la Comédie… » Son avocat dénonce un dossier « fait n’importe comment. Encore une fois, je rappelle que le procès-verbal d’ambiance a été rédigé à 9h du matin, ce qui ne semble choquer personne. On nous dit que les policiers l’ont suivi pendant plus d’une heure, ils n’avaient vraiment que ça à faire ? Permettez-moi d’en douter. Et pourquoi vous ressortez de vieilles photos ? Vous ne le poursuivez pas pour des faits antérieurs, alors je ne vois pas pourquoi on en parle aujourd’hui ! Et de quelle violence parle-t-on ? Où est l’atteinte physique et psychologique ? Qui a porté plainte ? Personne ! Nous sommes ici pour faire du droit, pas de la politique ! Quant à la provocation à la rébellion, les propos censés l’incriminer ne sont tout simplement pas qualifiés dans la procédure ! » Le juge relaxe le prévenu pour l’accusation de provocation à la rébellion mais le reconnaît coupable des deux autres chefs d’inculpation et le condamne à un an de prison avec sursis avec une mise à l’épreuve de deux ans consistant en une obligation de travailler ou d’être en formation, une interdiction d’être dans le centre-ville de Montpellier le samedi après-midi et une interdiction de porter une arme. En réponse à l’avocat, le juge affirme que peut être considéré comme une violence « tout acte de nature à créer un choc émotif, sans avoir besoin de définir ce choc ».
1) Le premier prévenu est un postier-coursier trentenaire. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. Il aurait reconnu pendant la garde à vue l’accusation de violence. Il accepte de se faire juger pendant l’audience, mais l’avocat du policier considéré comme une victime dans cette affaire demande un report pour permettre à son client de se constituer partie civile. Le procès est renvoyé au 25 février. En attendant, le prévenu est placé sous contrôle judiciaire : pointage hebdomadaire au commissariat et interdiction de manifester à Montpellier et aux alentours le samedi.
2) Le second prévenu est un jeune chômeur. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur deux personnes dépositaires de l’autorité publique. Le prévenu demande un délai pour préparer sa défense. Il affirme ne pas avoir été à la manifestation : « j’étais chez mon père toute la journée, je suis sorti pour retirer des sous, et j’ai été interpellé. Il y a des caméras partout, il suffit de regarder les images ! » Son avocat acquiesce : « pendant la garde à vue, mon client a donné les coordonnées de son père à l’officier de police judiciaire, mais il n’a pas jugé utile de le contacter pour vérifier ses propos ! Et les caméras de vidéosurveillance n’ont pas été exploitées ! » Le procès est renvoyé au 25 février. En attendant, il est placé sous contrôle judiciaire : pointage hebdomadaire au commissariat et interdiction de manifester à Montpellier et aux alentours le samedi. Le juge demande aussi un supplément d’instruction pour auditionner son père et exploiter les caméras.
3) Le troisième prévenu est un jeune étudiant. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. « Les CRS venaient vers nous, j’ai renvoyé un palet de lacrymogène, mais les policiers étaient trop loin pour que je puisse les toucher ». Aucun policier n’a porté plainte contre lui, mais le juge et la procureur affirment qu’il voulait en découdre avec la police car il était équipé d’un masque de ski et d’un casque de vélo. La procureur s’indigne : « À l’entendre, on dirait que les manifestants sont attaqués par des hordes de CRS toute la journée. Mais il faut rappeler que les tirs de lacrymogènes sont effectuées après des sommations. Les policiers ont des consignes strictes et claires ! » L’avocat du prévenu fait remarquer qu’il n’y a dans cette affaire ni victime, ni préjudice. Le juge le reconnaît coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à quatre mois de prison avec sursis assortis d’une obligation d’effectuer un travail d’intérêt général de 35h sous 18 mois. Il doit aussi s’acquitter de 127€ de frais de procédure. « Si vous payez dans le mois, vous avez une réduction de 20% ! » conclut le juge.
4) Le quatrième prévenu est un agent de maintenance, proche de la trentaine. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. Il conteste ces accusations. Selon les témoignages identiques de deux policiers, il faisait partie d’un « groupe de caillasseurs » et il aurait été identifié en train de jeter une pierre qui, de l’aveu même des policiers, n’a atteint personne. Il a été interpellé au niveau du square Planchon : « j’aidais une personne à escalader la grille » affirme-t-il. Dans son sac à dos, les policiers retrouvent des équipements de protection : masque de ski, masque en tissu blanc et lunettes de protection. Pendant la garde à vue, le médecin a constaté un hématome au crâne : « je pense que c’est un coup de matraque » déclare le prévenu pendant l’audience. La procureur s’attarde sur les convictions politiques du prévenu : « il déclare être un militant anti-corrida, mais ces militants sont censés être non violents, notamment envers les animaux, et là il fait preuve de violence envers des policiers, ce n’est pas cohérent ! » L’avocat du prévenu remet en cause l’authenticité des procès-verbaux des policiers : « les heures des procès-verbaux ne tiennent pas et c’est toujours le même policier qu’on retrouve dans tous les dossiers ! » Le juge le reconnaît coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à cinq mois de prison avec sursis assortis d’une obligation d’effectuer un travail d’intérêt général de 35h sous 18 mois, plus 127€ de frais de procédure.
5) Le cinquième prévenu est un carrossier d’une trentaine d’années. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. Il s’est fait interpeller en possession d’équipements de protection – masque à gaz, lunettes – et de trois pierres : « les pierres étaient dans ma poche, je ne sais pas si je les ai jetées, il y avait du gaz partout, j’étais dans un entonnoir, les CRS étaient devant et derrière et ils faisaient tout pour qu’on ne sorte pas ». Le juge reproche au prévenu d’être resté à la manifestation jusqu’en soirée : « Vous saviez que ça allait dégénérer ! Les policiers ne veulent pas aller à l’affrontement, ils font des sommations, et laissent les gens partir quand il y a un ordre de dispersion ». L’avocat note que le procès-verbal d’ambiance, censé retranscrire les événements de la manifestation, a été rédigé à 9h du matin, soit cinq heures avant le départ du cortège. L’avocat clame aussi qu’avoir des équipements de protection sur soi ne présume pas d’intentions malveillantes : « tout le monde était équipé ce jour-là, s’il fallait tous les présenter devant un juge, nous serions des centaines dans la salle d’audience ! Par ailleurs, le fameux délit de ‘‘participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences’’ a fait l’objet d’une circulaire, celle du 16 mars 2010, qui insiste sur la nécessité de caractériser les faits matériels de l’accusation. Si les manifestants sont présentés individuellement aujourd’hui, et non collectivement, cela prouve bien qu’ils ne faisaient pas partie du même groupement, alors de quel groupement parle-t-on ? Jusqu’à preuve du contraire, la manifestation des gilets jaunes ne constitue pas un groupement illégal ! Quant aux violences qu’on reproche à mon client : où, quand, comment, qui, de quel fait dommageable parle-t-on ? On ne sait pas. » Malgré cette plaidoirie efficace, le juge reconnaît le prévenu coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à cinq mois de prison avec sursis assortis d’une obligation d’effectuer un travail d’intérêt général de 35h sous 18 mois, plus 127€ de frais de procédure. « Il faut faire attention à ce qu’on dit aux policiers. En garde à vue, vous avez reconnu avoir jeté une pierre ! » conclut le juge.
6) Le sixième prévenu est un fonctionnaire d’État d’une quarantaine d’années. Il accepte de se faire juger immédiatement. Un chef d’inculpation lui est reproché : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences. Selon des policiers, il faisait partie d’un « groupe de casseurs » et il aurait été identifié en train de casser des blocs de pierres pour en faire des plus petites, et en train de jeter des pierres sur les policiers, qui, de leurs propres aveux, n’ont atteint personne. Il a été interpellé au niveau du square Planchon : « Il y avait des CRS qui venaient de la gare et d’autres de la Comédie. On m’a aidé à escalader la grille du square, alors moi aussi j’ai aidé quelqu’un à la franchir, et j’ai été interpellé ». Il conteste les faits qui lui sont reprochés : « je n’ai jeté aucun projectile sur qui que ce soit et je n’ai pas cassé de pierre, je n’ai rien cassé du tout ». Les policiers retrouvent dans son sac à dos des équipements de protection – masque, lunettes – et ils affirment aussi avoir trouvé « deux caillasses ». En garde à vue, le prévenu affirme que « ces pierres ont été mises par quelqu’un d’autre, peut-être des policiers ». Pendant l’audience, il réaffirme ne pas avoir mis ces pierres dans son sac. « J’ai compris lors des auditions de garde à vue que ma position serait inaudible lors de l’audience. Je sais qu’il aurait mieux valu ‘‘avouer’’ plutôt que de dire la vérité. Mais la vérité, c’est que quand j’ai été interpellé, les policiers m’ont mis au sol, ils ont fouillé mon sac, et ils m’ont montré des pierres qu’ils avaient dans la main ». « Les policiers ne font pas ça » réplique le juge. L’avocat du prévenu reprendra les éléments de défense évoqués pour les affaires précédentes : « l’accusation de ‘‘participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences’’ n’est pas caractérisé : ni l’intention, ni le groupement ne sont définis. » Le juge reconnaît le prévenu coupable du chef d’inculpation et le condamne à trois mois de prison avec sursis sans inscription au casier judiciaire, plus 127€ de frais de procédure.
7) Le septième prévenu est un intérimaire d’une vingtaine d’années. Il accepte de se faire juger immédiatement. Deux chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, et dégradation d’un bien par incendie. Selon des policiers, il faisait partie d’un groupe « parmi les plus véhéments ». Identifié par une caméra de vidéosurveillance, il reconnaît pendant l’audience avoir « alimenté un feu » devant le cinéma Gaumont. Il aurait été suivi par des policiers, et il a été interpellé sur l’Esplanade. Les policiers retrouvent sur lui des allume-feux en cube et en gel : « la boîte était fermée, je ne m’en suis pas servi » se défend le prévenu. Son avocat rappelle que « rien dans la procédure ne l’accuse d’avoir allumé le feu, il l’a attisé, ce n’est pas pareil ». Le juge reconnaît le prévenu coupable des deux chefs d’inculpation et le condamne à six mois de prison avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve de deux ans consistant en une obligation de travailler ou d’être en formation, et une interdiction d’être dans le centre-ville de Montpellier le samedi après-midi, plus 127€ de frais de procédure.
8) Le huitième prévenu est un jeune homme d’une vingtaine d’années titulaire d’un CAP zingueur en reconversion professionnelle. Il accepte de se faire juger immédiatement. Trois chefs d’inculpation lui sont reprochés : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, violence sur personne dépositaire de l’autorité publique, et provocation à la rébellion. Il aurait été vu par des policiers comme étant « particulièrement actif et violent » pendant la manifestation, et suivi pendant plus d’une heure et demie. Il aurait été identifié par des caméras de vidéosurveillance, mais les images ne sont pas claires. Le juge montre au prévenu d’autres images de vidéosurveillance datant des manifestations du 5 et du 12 janvier, et le prévenu se reconnaît dessus. Pendant la garde à vue, le prévenu reconnaît la plupart des faits qui lui sont reprochés, excepté la provocation à la rébellion. « À la base, je ne suis pas parti en manif’ pour ça, c’était pour se faire entendre, mais j’ai vu des tirs policiers et des gens suffoquer sur la place de la Comédie… » Son avocat dénonce un dossier « fait n’importe comment. Encore une fois, je rappelle que le procès-verbal d’ambiance a été rédigé à 9h du matin, ce qui ne semble choquer personne. On nous dit que les policiers l’ont suivi pendant plus d’une heure, ils n’avaient vraiment que ça à faire ? Permettez-moi d’en douter. Et pourquoi vous ressortez de vieilles photos ? Vous ne le poursuivez pas pour des faits antérieurs, alors je ne vois pas pourquoi on en parle aujourd’hui ! Et de quelle violence parle-t-on ? Où est l’atteinte physique et psychologique ? Qui a porté plainte ? Personne ! Nous sommes ici pour faire du droit, pas de la politique ! Quant à la provocation à la rébellion, les propos censés l’incriminer ne sont tout simplement pas qualifiés dans la procédure ! » Le juge relaxe le prévenu pour l’accusation de provocation à la rébellion mais le reconnaît coupable des deux autres chefs d’inculpation et le condamne à un an de prison avec sursis avec une mise à l’épreuve de deux ans consistant en une obligation de travailler ou d’être en formation, une interdiction d’être dans le centre-ville de Montpellier le samedi après-midi et une interdiction de porter une arme. En réponse à l’avocat, le juge affirme que peut être considéré comme une violence « tout acte de nature à créer un choc émotif, sans avoir besoin de définir ce choc ».
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