IVG.net : pas de répression contre la propagande anti avortement.
Les sites anti-avortement actifs sur internet depuis une dizaine d’années et gérés par l’association SOS-DÉTRESSE ne sont toujours pas inquiétés par la justice. Alors que le gouvernement martèle sa résolution à combattre le prosélytisme et développer l’égalité entre les Femmes et les Hommes, certaines associations évitent les sanctions.
Des sites d’ information sur l’avortement douteux
Étonnamment bien référencés dans les résultats du géant Google, les sites IVG.net et Avortement.net attisent les débats et suscitent l’incompréhension des associations féministes depuis… 2008. Déguisés comme de véritables sites gouvernementaux qui ont vocation à apporter soutien psychologique et informations concernant la procédure d’interruption volontaire de grossesse ; ils sont en réalité des faux. Un leurre pour attirer des femmes enceintes, les convaincre de ne pas avorter. Pourtant en France, dissuader une femme d’effectuer un avortement qu’elle aurait décidé -même sur internet- c’est un délit.
La première page des sites opère comme un piège très convaincant si on ne connaît pas leurs véritables intentions. Un numéro vert est mis en avant sur les sites. Son apparence, semblable à ceux crées par le gouvernement dont la typologie est connue de l’imaginaire de tous.tes.
Pour apprécier le problème de plus près, nous avons appelé le numéro vert du site IVG.net avec un profil fictif. Voici donc Sophie, une jeune adolescente de 17 ans, actuellement en terminale, désireuse d’intégrer une fac d’histoire et de voyager. Sophie, souhaite davantage de renseignement sur la procédure d’IVG car elle pense être enceinte. Au téléphone, une dame assez âgée répond à notre faux profil. Elle semble bienveillante et ne cesse de la flatter : « tu à l’air d’une jeune fille mature ». Au début, les questions paraissent assez anodines : « Est-ce que tu as fait une prise de sang pour confirmer que tu es enceinte ? ». Le modus operandi est évident, gagner la confiance des femmes qui appellent, et introduire le doute.
Très rapidement, les questions deviennent très intrusives, orientées. « Est ce que ta maman a déjà avortée ? Vous êtes combien d’enfant à la maison ? Est-ce que ta mère serait prête à t’aider si tu décidais de garder l’enfant ? ». Sophie est jeune et ne connaît pas bien le sujet. Si au collège, on lui a montré comment mettre un préservatif en cours d’éducation sexuelle -comme le prévoit la circulaire gouvernementale en vigueur- peu ou pas d’informations éclairent le sujet de l’avortement, encore trop tabou. La jeune fille se laisse donc guider par cette vieille dame au ton bienveillant. « Tu sais que ça ne sera plus jamais la même chose avec ton copain. Toutes les femmes qu’on suit ont rompu avec leur copain après l’avortement. Même sexuellement, ça ne sera plus la même chose. C’est une blessure dont on ne se remet jamais vraiment tu sais. ». Sophie hésite, elle ne voit pas comment elle pourrait commencer ses études et réaliser ses rêves de voyage avec un enfant : « Il faut arrêter avec l’idée qu’avoir un enfant signifie la fin de la vie. Tu sais, beaucoup de fille amènent leurs enfants avec elles à l’université. Et on va t’envier ça, crois moi. Pour les voyages, je connais beaucoup de parents qui le font avec leurs enfants. » Avenante, elle propose à l’adolescente de 17 ans d’échanger par textos dans le futur, pour lui montrer des témoignages de femmes qui regrettent leur avortement, ou se réjouissent de ne pas l’avoir fait.
Nous avons demandé l’avis professionnel d’une sage femme concernant les pratiques d’éducation sexuelle au collège et la place de l’avortement dans la prévention. Sophia, sage femme depuis quelques années maintenant, a participé à plusieurs de ces cours : « En effet, avec des interventions si courtes dans les collèges, nous préférons nous concentrer sur les maladies sexuellement transmissibles et la contraception. L’avortement n’est pas envisagé comme une solution en soi, le but, c’est d’éviter à ces jeunes filles de subir une grossesse non-désirée grâce à la connaissance des moyens de contraception ». Peut être une ébauche de piste qui expliquerait la prolifération de ces faux sites ?
Le syndrome post avortement : le positivisme à la sauce fondamentaliste.
Une lecture naïve de ces sites pourrait en angoisser plus d’une. Loin de rassurer, ils proposent des descriptions assez graphiques de la procédure d’avortement. Par aspiration ou chirurgicale et curetage . « Cette IVG par aspiration nécessite une dilatation préalable du col de l’utérus. Cette dilatation est douloureuse et nécessite donc une anesthésie qui peut être locale ou générale », indique IVG.net. Seulement quelques lignes plus bas, un lien bleu dirige les femmes sur les risques liés à l’avortement. Pourtant, selon OMS (organisation mondiale de santé), « lorsque les avortements sont pratiqués conformément aux lignes directrices et aux normes de l’OMS, le risque de complications graves ou de décès est négligeable ». Le regard est aussitôt attiré sur une grande image en noir et blanc d’une femme en larme, au mascara coulant. Cet emploi évident du pathos, pour parler d’une procédure médicale a de quoi surprendre. Juste en dessous, un titre en police 30 et surligné en gras indique « Dépression après IVG ». Pour parler de ce sujet, le site invoque une obscure « étude américaine », dont les référencements sont absents, sûrement inexistants. Là encore, la mascarade est poussée à son paroxysme ; l’idéologie anti-avortement dont le site est imprégné repose sur une crédibilité scientifique douteuse. En effet, la multitude de témoignage sur le site et les paroles de la vieille dame que Sophie a eu au téléphone ont un dénominateur commun : ils abordent le même sujet : « le syndrome post avortement ». Une notion inventée par des militants opposés au droit à l’avortement, et que plusieurs études scientifiques ( réelles cette fois-ci) ont réfuté tour à tour.
Aussi, le but est clair ; capter l’attention de jeunes filles et de femmes au tempérament affaibli par une grossesse non désirée dans la démarche à peine déguiser de les en dissuader.
Dissuader le recours à l’IVG est illégal
Pourtant la loi est claire, même si elle est très récente. Aussi, depuis 2017, la majorité socialiste sous François Hollande avait réussi à imposer dans l’hémicycle l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, face à la droite conservatrice.
A la loi du 27 janvier 1993, qui pénalisait « la perturbation de l’accès aux établissements pratiquant des IVG ou l’exercice de pressions, de menaces, etc. à l’encontre des personnels médicaux ou des femmes enceintes venues subir une IVG. » s’ajoute maintenant « les nouvelles pratiques qui apparaissent sur internet ». Selon le site, ”vie publique”, géré par la DILA(Direction de l’information légale et administrative ) sous l’autorité du premier ministre, la loi « punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une IVG »
Ces sites, qui sont donc hors la loi depuis mars 2017, sont toujours en activité. Les numéros verts qu’ils affichent, toujours opérationnels. Rien n’a changé depuis et aucun recours en justice n’a été opposé. Le gouvernement actuel -qui voulait pourtant faire de l’égalité entre les femmes et les hommes le combat du quinquennat- semble peu enclin à se saisir du problème et guère de doute ne subsistent quant à une application effective de la loi.
« Une laïcité à plusieurs vitesses »
Une rapide visite dans les mentions légales indique que le site IVG.net est « soutenu par l’association SOS-Détresse déclarée en Préfecture de l’Essonne via une convention de partenariat exclusive. L’objet de l’association est de : “Venir en aide aux femmes en détresse suite à une grossesse en cours ou interrompue”. ». La directrice de publication du site, Marie Philippe est l’épouse de René Sentis. Tous deux sont adeptes de la méthode de contraception Billings, avalisée par l’Église catholique, et ont écrit de nombreux livres sur le sujet. Fervents catholiques, le couple possède une petite fortune conséquente qui leur permet d’œuvrer à leur agenda propagandistes anti avortement, sans dépendre des subventions publiques .
Si la Charte de laïcité proposée par le gouvernement en décembre dernier ne s’applique qu’aux associations qui perçoivent de l’argent public, leur demandant de montrer patte blanche autour de leur caractère non-religieux sous peine de perdre leurs financements. SOS-Détresse , qui gère ces sites ne sera donc pas inquiétée outre mesure. La charte de la laïcité, censée être un outil qui vise réellement les fondamentalismes religieux, révèle ici ses limites. Force est de constater que la pérennité de sites comme IVG.net n’est pas remise en question, malgré ses activités illégales, et alors que par ailleurs l’atmosphère se fait de plus en plus nauséabonde autour du moindre soupçon d’islamisme radical.
Inscrite dans la loi sur la charte de la laïcité, cette hypocrisie n’est pas remise en question, puisqu’une partie de l’église catholique française, ancienne institution para-étatique, bénéficie des fortunes liées à l’héritage d’anciennes riches familles aristocratiques, ou de tradition cléricale.
Liste non exhaustive des sites qui expliquent l’IVG :
Avortement | Le planning familial (planning-familial.org)
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