Commissariat Central de Montpellier : double peine pour les victimes

Le Poing Publié le 30 septembre 2021 à 00:19 (mis à jour le 30 septembre 2021 à 23:21)

Cet article parle de violences sexuelles. Ne le lisez pas si c’est un sujet sensible pour vous. 

“2/12/2020, je me rends au commissariat central de Montpellier pour un rdv suite à une pré-plainte. Un ex-partenaire a pris des photos de moi nue, pendant l’acte, sans mon consentement. La réponse du policier ? “Ça n’a pas été diffusé ? Ce n’est pas illégal”. Refus de plainte.#DoublePeine

Je reviens du commissariat central de Montpellier et malgré les preuves que j’ai avancées, il m’a été refusé le droit de dépôt de plainte pour menaces sur conjoint. Je me suis fait dire que j’avais besoin d’un psy car j’ai voulu corriger un point de la main courante.#DoublePeine”

“En voulant aller poser une main courante pour agression sexuelle, la policière m’a demandé pourquoi j’avais fait dormir chez moi l’ami qui m’a agressé et m’a certifié «  qu’un homme ça reste un homme », comme si c’était une évidence. #DoublePeine”

Ce sont quelques uns des témoignages qui affluent sous le hashtag  #DoublePeine, après qu’Anna Toumazoff, militante féministe très suivie sur Instagram et Twitter, a relayé le témoignage d’une jeune femme violée par un homme l’ayant raccompagnée à son domicile après une soirée à Montpellier. Lorsqu’elle se rend au Commissariat Central, la policière à l’accueil lui fait savoir que si elle avait bu, elle ne peut pas affirmer qu’elle ne consentait pas à ce rapport. Avant de lui demander si elle avait pris du plaisir lors de ce viol. La plainte a été classée sans suite en moins de 15 jours. 

Une histoire sordidement commune 

Cette histoire, c’est la triste réalité de la plupart des plaintes pour violences sexistes, sexuelles ou conjugales déposées en France, alors même qu’une femme victime sur dix seulement ose franchir le pas d’un commissariat. Celui de Montpellier avait déjà une réputation le précédant et il est d’usage localement, de conseiller à son amie, sa sœur, sa collègue, de porter plainte ailleurs. Ce même commissariat brille d’ailleurs par sa mauvaise foi (ou son absolue bêtise ? ) en utilisant les mesures visant à améliorer l’accueil des victimes à contresens total. Ainsi le code couleur mis en place nationalement dans le but d’une prise en charge adaptée et confidentielle, pousse à la confusion dans son adaptation montpelliéraine et semble inviter à choisir sa file : orange pour des violences sexuelles, conjugales ou familiales ; bleue pour les autres infractions. Discrétion assurée. Mise à l’aise garantie. Ou pas. 

Salle d’accueil du Commissariat Central de Montpellier

Une prise en charge des victimes bien en deçà des nécessités c’est aussi ce que nous rapporte A., qui souhaite garder l’anonymat. Victime de harcèlement moral et de menaces physiques de la part de son ex-compagnon, elle décide de porter plainte au Commissariat Central. La policière lui dira de déposer une simple main courante et non pas une plainte : “puisque vous avez eu un contact téléphonique avec lui depuis, ça ne sert à rien de porter plainte”. Lorsqu’elle finira par revenir pour déposer plainte, plusieurs semaines plus tard et alors que les menaces n’avaient pas cessé, le policier sourire aux lèvres lâche : “Bon je prends votre plainte mais ne revenez pas dans deux mois me dire qu’il vous a frappé parce que vous vous êtes remis avec”. Il retranscrira un message laissé sur le répondeur de la victime mais ne voudra pas prendre les nombreux mails de menace que A. tenait pourtant à sa disposition. Plusieurs mois plus tard, la situation n’ayant pas changé et aucune mesure n’ayant été prises, A. dépose une nouvelle plainte, cette fois au commissariat de la Comédie. Elle se rend compte à la sortie que le nom de famille de son agresseur ( un “problème d’égos de beaucoup d’hommes” selon les policiers de ce commissariat) est mal orthographié sur le PV. Le policier ne prendra pas en compte la demande de rectification. La première plainte sera classée sans suite dix mois après son dépôt et ne sera jamais mise en relation avec la seconde plainte. “On peut harceler, menacer des femmes pendant des mois et il ne se passe rien.” déplore A.  

Police, préfet, ministre. Tous pourris

Il n’aura pas fallu longtemps pour que le préfet Hugues Moutouh, accoure à la rescousse des policiers du Commissariat Central à travers un communiqué de presse publié le 28 septembre, alors même que manifestaient presque sous ses fenêtres des militant·es féministes pour garantir le droit à l’IVG. Le sens de l’agenda on vous dit. Sans un mot dans son communiqué pour la victime qui a vu sa plainte classée sans suite, diffamant celle qui a osé faire entendre sa voix, sans grande surprise mais toujours plus loin dans l’ignominie, Hugues Moutouh déclare la guerre aux féministes. A ce jeu là, il n’est pas garanti qu’il gagne. A la lecture du communiqué (voir ci-dessous) on se demande toutefois : mais pourquoi donc pense-t-il que les femmes, victimes ou militantes, mentent ? Alors que la seule question à se poser est : comment faire pour que les hommes arrêtent de violer ? 

Source : Site internet de la Préfecture de l’Hérault (comme vous vous en doutez on n’est pas encore sur la liste mail presse de la Pref ! )

Ce 29 septembre, l’antenne héraultaise d’un des syndicats les plus importants de la police, Alliance police, criait à la diffamation sur sa page Facebook, taxant de “pseudo-feministe” Anna Toumazoff et appelant au soutien inconditionnel de leur collègue. Inconditionnel ? Oui, inconditionnel. La parole des victimes ? Circulez, y’a rien à voir. 

Post publié par le syndicat alliance police nationale 34 sur leur page Facebook 

Mais finalement, qu’attendre de plus de la part d’institutions ayant à leur tête un ministre de l’Intérieur accusé de viol ? La Préfecture aurait indiqué que le ministère envisageait de porter plainte (pastille bleu, file de droite !). Plus le bois est poreux, plus le ver s’y enfonce. 

Libérer la parole et ne plus subir la double peine

Comme lors des vagues #MeToo, les personnes victimes de violences sexistes, sexuelles ou conjugales peuvent témoigner de la mauvaise prise en charge des forces de l’ordre avec le hashtag #DoublePeine. A Montpellier, les membres du collectif féministe Nous Toutes, appellent à témoignage (anonyme) directement sur leur page facebook Nous Toutes 34

Eduquez vos garçons. Formez vos policiers. 

PS : A chaque fois que vous lirez sur ce sujet des articles documentés, complets, vous pouvez être à peu près certain·es, que, des petites rédactions bénévoles aux grosses rédactions, en passant par les personnes suivies sur les réseaux sociaux, ce sont des femmes qui se sont emparées de ce sujet, qui y passent du temps, recueillent de la manière la plus adaptée possible les paroles des victimes (merci à elles), portent ces voix. 

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