Droit au tabassage : de quoi la grève policière contre l’incarcération du policier qui a mutilé Hédi est elle le nom ?

Le Poing Publié le 25 juillet 2023 à 12:15 (mis à jour le 25 juillet 2023 à 12:23)
Crédit photo : Samuel Clauzier

Depuis l’incarcération d’un des policiers de la Bac Sud de Marseille par un juge d’instruction, une vague d’indignation se répand : des policiers se mettent en arrêt maladie à Marseille, Paris, Avignon… Et le mouvement semble s’étendre – Le Directeur de la Police Nationale, Frédéric Veaux (qui décidément porte bien son nom) et Laurent Nunez, Préfet de Police de Paris s’indignent : un policier, quelque soit le forfait dont il est accusé, ne devrait jamais aller en prison !

Difficile de ne pas s’indigner devant une revendication aussi radicale : ni plus ni moins que la revendication policière d’un droit au crime raciste et à la ratonnade ! Une grande partie des politiques l’a souligné, et même Emmanuel Macron a rappelé de manière très polie et embarrassée que la loi était censée s’appliquer à tout le monde, y compris aux policiers (ceux-ci étant la seule catégorie sociale que Macron n’écrase pas de son mépris – à se demander pourquoi…)


Mais il importe de se poser la question de comment a-t-on pu en arriver là ? Comment, à la suite de ce qu’il faut qualifier de ratonnade raciste, et d’une tiède action de la justice (placer en détention une personne accusée de tentative de meurtre), des policiers et des hauts fonctionnaires républicains en viennent à revendiquer un droit à la tentative de meurtre pour les policiers ?
Revenons-en aux faits. Même pour un grand défenseur de l’ordre républicain, ils sont inqualifiables : des policiers voient un passant, lui tirent une balle en plastique dans la tête au point de fracturer sa boite crânienne et, alors qu’il gît sur le sol, les policiers de la Bac marseillaise (devenus les héros de la fable policière réactionnaire « BAC NORD », réalisée par Cédric Jimenez) le tabassent pendant cinq longues minutes et le laissent pour mort. Un tel comportement assimile les policiers qui ont commis ces violences à la lie de l’humanité, et devrait attirer une condamnation universelle de la hiérarchie. Il n’y a guère que dans une institution telle que le régime de Pinochet où ce type de comportements pourrait sembler acceptable…


Comment alors expliquer que des policiers et des hauts fonctionnaires revendiquent aussi ouvertement ce droit à la violence raciste ? Si l’Etat était réellement ce qu’il prétendait être, c’est-à-dire une institution au service de la population, afin de protéger ses libertés fondamentales, ce type de revendication ne pourrait pas exister. Il faut en référer aux analyses de Marx et des anarchistes pour un peu mieux comprendre cette revendication policière. En effet, Marx considère que la police (et l’armée) n’est qu’une bande d’hommes armés au service de la classe dominante, c’est-à-dire la bourgeoisie. De même, les anarchistes considèrent que les services de police ont comme unique fonction de réprimer les opposants et les illégalismes (actes illégaux) des classes populaires qui menacent les possessions des bourgeois.


Si l’on adopte ce point de vue, les choses semblent plus claires . Il explique l’inefficacité de la police pour la répression d’une série de délits et de crimes : violences conjugales, viols, fraude fiscales, abus de biens sociaux ne sont que très faiblement réprimés, alors que la petite délinquance qui concerne les classes populaires (vols, agressions, cambriolages…) n’attire que marginalement l’attention des policiers. Par contre, l’efficacité (et la brutalité) des policiers face aux opposants (manifestants contre les retraites, Gilets Jaunes, émeutiers) est redoutable. De même, le taux d’élucidation des braquages de banques n’a rien à voir avec celui des petits délits frappant l’ensemble de la population. En réalité, l’idée selon laquelle la police serait républicaine ou respecterait les droits humains afin de protéger l’ensemble de la population n’est qu’une fiction. Et aujourd’hui, cette fiction est mise à mal par les policiers eux-mêmes.

Alors qu’à Marseille, les émeutes se sont soldées par le pillage de rues du centre-ville appartenant plutôt aux quartiers bourgeois, la police a montré les crocs et mis en œuvre un maintien de l’ordre barbare : la mutilation et le tabassage d’Hedi, et le meurtre d’un passant par un tir de LBD sur le cours Lieutaud, ne sont probablement que la pointe émergée de l’iceberg de la violence policière commise le premier week-end du mois de juillet à Marseille.


C’est ainsi qu’il faut interpréter la présente grève policière. Le sous-texte des déclarations des différents syndicalistes policiers est « nous sommes des brutes au service de la classe dominante, nous revendiquons d’exercer la violence, qui est notre fonction, sans entraves ». En un mot, lorsque la police se met en grève pour soutenir une ratonnade, elle revendique d’apparaitre au grand jour pour ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire un organe de violence au service de l’ordre établi. Ce que disent les policiers c’est « nous sommes des barbares et nous voulons le droit de tuer pour défendre la bourgeoisie ». La revendication des policiers fait apparaitre au grand jour la violence nécessaire au maintien de l’ordre capitaliste….


Cette lecture de la réalité de l’activité policière montre aussi l’inanité des revendications de gauche, qui souhaitent une meilleure police : à la suite du meurtre de Nahel, la gauche avait demandé une vaste réforme de la police, une autre IGPN et une extension des attributions du Défenseur des droits par rapports aux discriminations qui frappent la jeunesse. Ces revendications ne sont qu’un cautère sur une jambe de bois : si le rôle de la police est d’exercer la violence au service de l’ordre dominant, l’intérêt d’exercer une violence plus modérée n’est que très limité…

En réalité, c’est non seulement la violence exercée par la police dans son ensemble qu’il faut supprimer, mais surtout l’ordre social dont cette violence est l’émanation : celle de la société capitaliste. N’oublions pas que c’est pour protéger les magasins de la bourgeoisie marseillaise que les policiers ont laissé pour mort Hedi, dont le seul crime était d’être présent sur les lieux.

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