Montpellier : une discussion sur l’argent avec George Lapierre
George Lapierre est un auteur et théoricien politique, proche des Zapatistes. Il vient discuter avec qui veut de la question de l’argent a la librairie scrupule le 15 mars 18 h 30
Dans les débuts des années 1980 à Marseille, un tag résonnait comme une menace : “Du fric ou on vous tue !” Cette phrase, empreinte d’une verve digne de braqueur, exprimait une demande catégorique adressée à ceux qui détenaient le pouvoir financier. Hors cadre et dans la contestation sociale, les Fossoyeurs du Vieux Monde puis Os Cangaceiros, qui prenaient leur nom en hommage aux bandits du Nordeste brésilien, se sont levés. L’intérêt porté aux luttes contre l’exploitation était central.
Ils étaient issus de la classe ouvrière ou avaient participé aux mouvements étudiants et ouvriers post Mai 68, leur approche se caractérisait par des tactiques subversives, du sabotage au vandalisme, ou la solidarité avec les prisonniers en révolte, visant à créer une “offensive dans la guerre sociale”, comme exprimé à travers leurs revues et publications.
Loin de se percevoir individuellement comme porteurs d’une cause, un véritable mouvement ne pouvait naître qu’à travers des rencontres.
Édité par ce groupe et rédigé notamment par un certain Georges Lapierre “L’Incendie Millénariste” offre une incursion dans les diverses manifestations d’ un “mouvement”, depuis les soulèvements paysans et hérétiques du Moyen Âge jusqu’aux utopies révolutionnaires des XIXe et XXe siècles, soulignant les traits communs qui les caractérisent : la quête d’une existence authentique et émancipée, affranchie des entraves.
Une discussion sur un livre : “traité sur l’ argent”
La discussion, à l’initiative d’un groupe de recherche informel, l’UFR 0, cultive un lien social chaleureux, ouvert à l’oralité, adoptant une approche d’auto-formation, de recherche transdisciplinaire et expérimentale, s’engageant pour la libération sociale, tout en accueillant la diversité des perspectives. Cette expérience favorise l’art de l’oralité en encourageant l’écoute, la synthèse des idées et la mise en avant des doutes, s’éloignant de la volonté de convaincre associée à la culture polémique.
Le “traité sur l’argent”, examine comment l’argent est devenu le moteur principal de nos interactions sociales, soulignant la manière dont il a remodelé la structure même de la société et perpétué les inégalités de pouvoir et de richesse. Il met en lumière les tensions entre la société et la nature, ainsi que les conséquences de cette dichotomie sur notre environnement et notre propre conscience sociale, révélant comment l’argent a aliéné notre pensée collective et fragmenté notre identité, nous éloignant de notre essence en tant qu’êtres pensants et sociaux. Lapierre nous pousse à réfléchir sur la façon dont nous pouvons imaginer nos relations sociales et notre rapport à la richesse et au pouvoir.
Ci-dessous un support pour cette discussion.
L’événement
Un commencement de notre civilisation est marqué par la rencontre entre un peuple de langue indo-européenne et les autochtones de la péninsule grecque. De cette rencontre naquit une civilisation caractérisée par l’émergence d’une classe aristocratique issue de l’envahisseur, consolidant son pouvoir à travers la guerre et le commerce initialement issus des échanges cérémoniels et du système tributaire.
Dans certaines sociétés, la pensée collective est préservée par le droit coutumier, considérée comme fondatrice de l’identité sociale. Il arrive parfois, lors d’émeutes ou d’insurrections, que la pensée collective se manifeste, mais généralement, elle est reléguée au second plan par nos préoccupations individuelles et la quête de satisfaction individualiste d’argent et de pouvoir.
Une autre géographie
Suite à cette rencontre entre peuples, les peuples concernés se trouvent confrontés à trois choix : préserver l’égalité entre les membres, instaurer un dialogue entre dominants et dominés pour garantir l’autonomie des peuples conquis, ou rechercher une société unique basée sur la séparation entre dominant et dominé.
Il y a dans l’articulation du système tributaire et du don cérémonial marqué sur une équivalence symbolique les bases du développement du système monétaire. La recherche d’équivalence entre les dons implique que leur valeur soit égale. Par exemple, la rançon payée pour un prisonnier de guerre rétablit sa valeur humaine et son retour à la société d’origine. Le concept de rançon et de don équivalent introduit des notions de comptabilité, qui ont favorisé le développement de l’argent en tant qu’unité de mesure de valeur des biens. Dans le commerce, le passage de la marchandise au prix marque définitivement un dépassement des obligations sociales et des règles coutumières accaparer par une aristocratie.
Peu à peu, l’argent devient à la fois le moteur de l’échange et l’unité de mesure de la valeur des marchandises, mais cette évolution pose problème, car elle éloigne la valeur de l’être humain de sa dimension sociale. Cette transformation conduit à une perte de la pensée collective au profit d’une pensée limitée par l’argent, faisant de ce dernier l’objet central de nos préoccupations, au détriment de la conscience sociale et de l’appartenance à une communauté.
Universalisme de l’argent ou la victoire du particulier
La valeur, dans son essence, définit notre humanité en nous dotant d’une vie sociale et en animant notre capacité de pensée et d’échange. Cette dimension sociale et cognitive nous distingue en tant qu’êtres pensants, engagés dans des interactions avec autrui. Cependant, le problème surgit lorsque cette pensée, qui s’exprime à travers les objets, devient exclusive et centrée sur l’argent. Au lieu d’une pensée collective et universelle, nous nous retrouvons limités par une perspective monétaire restreinte. L’argent, devenu l’objet principal de nos préoccupations, détériore la part subjective de notre pensée, prenant peu de place à la conscience de soi et de l’identité sociale au sein de la société.
La valeur, jadis liée à la pensée de l’échange, se retrouve désormais matérialisée dans les objets, ce qui empêche toute forme de conscience de soi. Alors que l’argent agit comme médiateur entre les choses, il représente également une extériorisation de la pensée, éloignant l’individu de sa conscience sociale.
En revanche, la coutume et les usages expriment la pensée collective d’une société, renforçant ainsi la conscience de soi en tant que membre d’un groupe social. Dans une société basée sur l’égalité, les relations reposent sur l’intersubjectivité, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance à une communauté. Il fut un temps où nous avions le sentiment d’appartenir à un ensemble, que ce soit la classe ouvrière, la bourgeoisie ou l’aristocratie. Cette conscience de classe s’appuyait sur une connaissance intuitive des mœurs et des usages, nous permettant de comprendre notre interdépendance au sein de cette communauté. Depuis le sentiment se fait plus rare l’importance prise par l’argent à balayer cette velléité dans un univers dans lequel nous nous sentons étrangers les uns des autres.
L’instauration d’une domination établie nous échappe souvent, alors que nous sommes encore marqués par le traumatisme d’une colonisation brutale et excessive, perpétrée tantôt de manière violente, tantôt plus subtilement avec la complicité des élites, aussi avec notre propre complicité. Cette séparation entre dominants et dominés a engendré une classe sociale consciente de sa supériorité et une population condamnée au travail, un schéma qui persiste et qui continue d’orienter la structure du monde. Ainsi, l’organisation de la civilisation a maintenu les travailleurs liés à ceux qui les exploitent.
Ensuite, la manière dont le travail fut lié à l’échange et au profit a positionné l’argent au cœur de cette unité sociale. Cependant, cette séparation toujours maintenue entre dominant et dominé au travers d’une unité sociale autour de l’argent conduit à une véritable disjonction entre le sujet et l’objet, ainsi qu’entre la pensée objective et la pensée subjective.
L’unique et ses propriétés
Marqués par l’émergence d’une aristocratie, les échanges cérémoniels voient l’évolution d’une pratique où les présents échangés, basés sur l’équivalence symbolique entre les objets, remplacer progressivement les échanges régis par les règles communautaires.
L’être humain est intrinsèquement attiré par la dimension spirituelle, cherchant à transcender sa condition de simple créature soumise aux besoins primaires tels que se nourrir et se protéger des agressions. Cette quête de dépassement des contraintes liées à notre existence terrestre est ce qui nous pousse à aspirer à l’esprit. La vie sociale offre ainsi un accès à cette dimension spirituelle, libérant l’homme des contraintes matérielles pour lui permettre de s’adonner aux loisirs, et au monde de la pensée. Cette ouverture vers la vie de l’esprit se concrétise notamment à travers la fête, tradition ancrée dans nos sociétés.
Cependant, nos sociétés sont marquées par une séparation entre ceux qui travaillent et ceux qui échangent. Une partie de la population est contrainte de libérer l’autre partie du fardeau du travail. Les dominants accèdent ainsi à la pensée de l’échange au nom de la pensée, tandis que les dominés se voient limités à l’accès à l’argent, réduit à une forme aliénée de pensée. Cette inversion des rôles dans un monde où l’argent dicte les règles réduit la perspective des travailleurs, tout comme elle l’avait fait auparavant pour les bourgeois.
L’argent incarne la pensée de l’échange, mais cette pensée s’est matérialisée dans les biens matériels. Il demeure toujours l’expression tangible de l’idée qui sous-tend la vie sociale, mais la communication entre les individus se fait désormais indirectement, à travers le marché et l’échange de marchandises. Nous nous sentons étrangers à notre propre vie sociale, qui nous apparaît comme un simulacre. Cette dissociation de notre identité avec notre environnement social reflète la manière dont l’argent a altéré notre perception et notre relation avec le monde qui nous entoure.
La pensée comme aliénation de la pensée
L’argent, en tant qu’outil matériel, incarne l’idée abstraite d’échange, pilier fondamental du commerce entre les marchandises. Le commerce, quant à lui, se matérialise comme la concrétisation de cette notion d’échange, étroitement liée à l’utilisation de la monnaie. Les interactions humaines sont grandement facilitées et enrichies par ce processus commercial. La dynamique sociale est profondément influencée par le cycle de vie des objets, leur intégration dans la société, et leur circulation à travers les échanges. En intégrant l’argent dans cette équation, l’échange des biens contre de la monnaie incarne la conscience inhérente aux objets. Cette conscience, bien qu’objectivement perceptible, reste dépourvue de toute subjectivité, s’exprimant à travers les transactions monétaires.
La langue elle-même repose sur la relation du sujet à l’objet. Le peuple envahisseur n’a pas cherché à reconnaître comme sujet le ou les peuples autochtones. L’unité sociale ne reposait pas sur une reconnaissance réciproque générique d’une différence, mais elle fut imposée de fait par le peuple envahisseur et sous son autorité. Nous avons affaire à une première colonisation qui est devenue notre manière d’être, que nous produisons sans fin. La règle fondatrice des usages est différente d’un peuple à l’autre, pourtant elle génère la vie en société et en est génératrice.
Peut-être que le premier enjeu de reconnaissance de l’égalité se pose à travers la question du genre, où il est possible de construire une unité réciproque et non une hiérarchie. Cette reconnaissance égale dans la différence des genres représente aussi le premier pas d’une reconnaissance entre les peuples.
Les notions de sujet et d’objets sont des constructions mentales à partir de notre réalité, à partir du soi, le soi que nous sommes confondus avec le soi de notre civilisation. Le rapport entre le soi et le monde qui lui est extérieur est dicté par ce qui constitue le soi, c’est-à-dire par notre propre réalité. Il s’agit de saisir l’autre soit comme intériorité, le sujet, soit comme extériorité, l’objet.
La colonisation de l’argent
Dans un monde façonné par l’argent et le commerce, nous évoluons dans un univers où les êtres humains deviennent des instruments de communication entre les objets. Cette division entre le monde des hommes et celui des objets découle de la séparation au sein de la société entre les dominants, ceux qui contrôlent la pensée de l’échange, et les dominés, assignés au travail de production des biens à échanger. Cette division intrinsèque à la société a façonné notre histoire, menant à la séparation entre sujets et objets, entre la vie sociale basée sur l’échange entre les individus – la communalité – et le commerce, qui représente l’échange entre les biens matériels. Dans cette optique, le commerce devient une inversion de la société telle que nous la concevions, transformant notre triste intériorité en une extériorité cruelle..
L’importance accordée à la pensée objective découle de la pression exercée par les objets, les marchandises, sur notre existence. Cette importance découle également de l’échange des biens contre de l’argent, qui constitue le fondement de cette vision du monde, l’argent étant l’expression tangible de la pensée de l’échange concernant les biens matériels.
Si la civilisation de la domination s’est imposée comme une évidence, sans reconnaissance des autres sociétés, nous reproduisons inconsciemment cette attitude à travers le monde, marquée par notre ignorance et notre indifférence envers autrui, perçu comme une menace pour notre identité. Cette attitude nous aveugle et entrave toute possibilité de rencontre, réduisant l’autre à une simple à une extériorité, soumise à notre volonté.
Aujourd’hui, les banques exercent une autorité décisive sur notre avenir, en contrôlant les échanges de produits issus du travail. En agissant comme intermédiaires entre les marchands et le marché, elles organisent la vie sociale selon leurs propres desseins, dictés par la quête incessante de profits. L’argent, dans sa dualité de capital et de monnaie, symbolise l’unité de la société. Toutefois, cette unité se révèle illusoire au regard des deux formes d’argent qui coexistent : l’argent riche, dépourvu de limites et associé à l’idée d’échange et de valeur, et l’argent pauvre, dont le pouvoir d’achat est limité. L’argent riche, investi dans la production de biens à échanger, incarne le capital et réintègre le domaine conceptuel une fois converti en argent. En revanche, l’argent pauvre, tel que le salaire, destiné à la consommation plutôt qu’à la reproduction du capital, reste limité dans son pouvoir d’achat, révélant ainsi la dichotomie de l’argent en tant qu’idée et instrument de mesure.
Le salaire, faisant partie du capital investi, revient sous forme de marchandises, permettant ainsi la perpétuation du cycle de l’échange. Le travailleur ne perçoit l’argent que comme un pouvoir d’achat, une mesure de la valeur, tandis que l’actionnaire en comprend les deux aspects : l’idée d’échange et l’instrument de mesure. Cependant, l’activité commerciale engendre une insatisfaction existentielle, celle de l’inégalité sociale qu’elle prétend résoudre. Malgré l’impossibilité d’un retour en arrière, nous portons notre futur, notre devenir, et nous devons nous y confronter. Nous sommes revenus à un état primitif, celui de l’individu soumis à ses désirs immédiats, incapable de voir au-delà de son intérêt personnel.
L’argent, en tant qu’idée d’échange, nous sépare de la vie sociale, tout en la structurant. Il est la colonne vertébrale de notre société, assurant sa pérennité tout en favorisant sa destruction. En nous détachant de la réalité sociale, l’argent aliène notre conscience collective et fragmente notre identité en une multiplicité d’individus étrangers les uns aux autres. La quête de l’argent nous aveugle et nous détourne de notre essence, celle d’êtres pensants et sociaux. Nous sommes prisonniers d’un système fondé sur la domination, incapable de percevoir l’horizon au-delà de notre vision immédiate.
Réflexion sur l’effacement
Nous pouvons nous interroger sur l’effacement de certaines notions, telles que le travail théorique de la société de la pensée sous sa forme collective, qui se précise peu à peu et fait corps avec son mouvement et son devenir.
La société a remis en question le terme de classe ouvrière pour conserver celui de classe bourgeoise. En revenant à l’idée d’une population laborieuse ayant perdu la conscience d’elle-même en tant que classe sociale, alors que la bourgeoisie avait gardé la sienne pour s’opposer au monde du travail. Le monde ouvrier n’était plus ce qu’il était : il se ruait sur les supermarchés et épargnait ses retraites en bourse. Réfléchir sur ce qui disparaît nous permet de réfléchir sur notre propre monde.
Ce fut ensuite le terme de bourgeoisie qui disparut en se fondant dans un ensemble plus vaste : les riches. Ce n’est plus une classe héréditaire fermée sur sa conscience de classe, comme un relais de génération en génération. Cet esprit devenait largement partagé dans la société, entraînant une reconnaissance plus diffuse qui débordait largement cette conscience d’appartenir à une classe dominante. La séparation entre les populations laborieuses et ceux qui les mettent au travail existe toujours, mais sous une forme différente, pour devenir celle d’une opposition entre deux catégories de la société : les riches et les pauvres. L’envahissement de la société par le commerce et par l’argent a permis l’unité de ce qui était perçu comme une opposition. L’opposition existe toujours, elle n’a pas disparu ; elle s’est réfugiée dans l’argent. Elle est l’opposition entre ceux qui ont beaucoup d’argent, les riches, et ceux qui en ont peu, les pauvres. La société se trouve pour l’instant dans l’opposition qui la met en mouvement et lève à l’existence. L’argent est donc le fondement de la société que nous connaissons.
La disparition progressive du concept d’état de nature reflète un changement fondamental dans notre compréhension de la relation entre l’homme et son environnement. Autrefois perçu comme un être naturel, l’homme est désormais considéré comme un être social dont les actions ont un impact significatif sur la nature qui l’entoure. Cette évolution met en lumière l’opposition entre la société et la nature, soulignant l’incompatibilité croissante entre la vie sociale et un environnement naturel préservé. L’argent, en tant qu’instrument de médiation dans nos interactions sociales, joue un rôle central dans cette dynamique. Alors que la société moderne accorde une importance croissante à la poursuite de la richesse matérielle et du confort matériel, les préoccupations environnementales sont souvent reléguées au second plan. Cette orientation vers la satisfaction des besoins matériels immédiats contribue à renforcer l’opposition entre la société humaine et la nature.
Cependant, il est important de reconnaître que cette réflexion n’annule pas l’opposition observée entre les dominants et les dominés au sein de la société. Les individus dominants, en quête de pouvoir et de domination, exploitent souvent l’argent comme un symbole de leur statut social élevé, renforçant ainsi les structures de pouvoir existantes. Cette situation crée une dépendance sociale qui lie les dominés aux dominants, perpétuant ainsi les inégalités de pouvoir et de richesse.
L’argent agit également comme un instrument de mesure de la valeur des biens et des individus dans la société. Cette idée d’échange, fondée sur la valeur monétaire, est devenue omniprésente dans nos interactions sociales, qu’il s’agisse de l’échange de marchandises ou de l’échange entre individus par le biais de leur travail. Cette conception de la valeur renforce les hiérarchies sociales existantes, mesurant le pouvoir et le statut des individus en fonction de leur position dans la société.
Cette situation, qui réduit le sujet social à un simple individu contemplatif, est la conséquence de la séparation originelle entre les dominants, issus du peuple envahisseur, et les dominés, issus du peuple autochtone, condamnés à travailler pour libérer les dominants du poids de la nécessité. L’échange de marchandises contre de l’argent est perçu comme un moyen de libération, expliquant ainsi l’importance du commerce. Cependant, bien qu’il promette une libération, il ne supprime pas pour autant la séparation entre dominants et dominés. La libération qu’il promet est compromise et sans cesse repoussée, car les dominants continuent de contrôler leur position dominante à travers l’État. Cette position s’est même renforcée au fil du temps pour empêcher toute initiative de la part des dominés. Le conflit social entre les deux catégories de la société a perdu sa caractéristique de lutte des classes opposant la classe laborieuse à la bourgeoisie. La population travailleuse a désormais accès à l’argent, autrefois réservé aux dominants, donnant ainsi naissance à une société civile qui concentre son pouvoir dans l’État, son émanation. Cette complicité entre la société civile et l’État a toujours existé et définit ce que nous entendons par société civile. Grâce à l’argent, la société civile s’est élargie pour englober toute la nation. La rébellion est amenée à prendre une autre forme pour donner consistance à un mode de vie. C’est elle qui favorise les rencontres.
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