Y a-t-il du Donald Trump chez Michaël Delafosse ?
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Longtemps ronronnant ce mardi 11 février, le conseil municipal de Montpellier a tourné à l’affrontement au moment d’évaluer la politique sécuritaire conduite par Michaël Delafosse. Lequel s’obstine à produire une atmosphère extrêmement inquiétante sur ces questions
Y a-t-il du Donald Trump chez Michaël Delafosse ? Question a priori incongrue. C’est pourtant ainsi que s’est ouverte la principale séquence d’affrontement politique au sein du conseil municipal de Montpellier ce lundi 11 février en soirée. Dans celui-ci siège un électron libre. Serge Martin ne s’est assis dans son fauteuil d’élu que voici quatre mois. Cela à l’occasion de la démission de Mohed Altrad, le milliardaire candidat malheureux aux dernières élections municipales. Depuis lors, le nouvel élu n’a rejoint aucun des groupes constitués. Sa présence naguère au côté d’Altrad le situerait franchement à droite. A part quoi, il n’a de cesse de mentionner sa longue appartenance au PS (avant de le quitter), brandissant des références à Jean Jaurès et Mendes-France.
Donald Trump, alors ? Serge Martin interpelle Michaël Delafosse. A ses yeux, après avoir pris Emmanuel Macron pour modèle, c’est bien le nouveau président américain qui inspirerait le maire de Montpellier. Cela dans sa manière de multiplier « les déclarations démagogiques à l’emporte-pièces », quitte à « menacer l’État de Droit ». Précisément visée, une déclaration reprise nationalement dans les médias : Michaël Delafosse souhaite que l’ouverture d’un nouveau commerce soit soumise à son autorisation préalable en tant que maire.
Serge Martin, ne voit pas sur quels critères pourraient être délivrées les autorisations d’installation, sinon à préjuger de « crimes et délits qui ne se sont pas encore produits ». Ce qui « contredit tous les principes fondamentaux du Droit ». Ce ne serait que gadget pour occuper les médias, alors que « les résultats en matière de sécurité à Montpellier sont catastrophiques » estime-t-il.
Puis, juste après, était soumise à l’assemblée une convention de coopération entre police nationale et police municipale. Cette fois l’attaque vient d’Alenka Doulain, pour la MUPES (proche de LFI) : « Vous engagez la police municipale au côté de la police nationale dans les opérations “Place nette“ qui ne sont que des opérations spectacles pour servir la communication d’un ministre de l’Intérieur d’extrême-droite. Quelques jours après, les points de deal réapparaissent à quelques rues de là. Vos coups de menton ne produisent aucun résultat concret ».
A quoi Alenka Doulain oppose « une présence policière rassurante, utile, de proximité dans la ville en lien avec les habitants » ; cela tout en applaudissant l’augmentation des effectifs, mais à distribuer autrement, en commissariats de quartiers et postes mobiles. Également une politique générale de médiation, d’éducation, de création d’emplois, de restauration des services publics, d’urbanisme qui ne produise pas des ghettos, pour en finir avec « la détresse quotidienne des habitants des quartiers populaires ».
Face à ces attaques, le maire a justifié sa proposition d’autorisation préalable des ouvertures de commerce, comme une forme d’alerte au législateur : « Certains commerces deviennent des lieux de blanchiment pour le narcotrafic ». A l’image de ce qui s’est fait pour l’implantation des grandes surfaces, il serait « normal qu’il y ait des outils de régulation » de l’activité commerciale. Il revendique l’option de coopération absolue entre police locale et nationale.
Il ne se voit conduire qu’une vigoureuse politique d’égalité, en réhabilitant La Mosson (même si l’Agence nationale de rénovation urbaine relève en fait de moyens nationaux, lui est-il rappelé). Et Michaël Delafosse embraye sur le ton qui lui est coutumier, d’atmosphère extrêmement sombre et inquiétante, évoquant « des réseaux très puissants, qui constituent aujourd’hui l’un des plus grands dangers pour la cohésion de la société ». Il parle de narcotrafic. Mais aussi de « séparatisme à bas bruit » (juste après avoir évoqué ses rapports de très bonne qualité avec l’enseignement privé catholique, pourtant entorse à la laïcité et foyer actif de séparatisme culturel et social).
« Je ne cèderai pas. Je ne lâcherai pas » martèle-t-il, comme s’il fallait se rassurer en se rangeant derrière l’homme providentiel, parlant gravement de « courage », devant des questions « très dures ». Sa mise en scène se fait mystérieuse et troublante, quand il mentionne son refus de recourir personnellement à une protection personnelle rapprochée, qui aurait convenu après certaines de ses déclarations médiatiques si appréciées par la presse de droite dure et d’extrême-droite (il mentionne l’article de l’Opinion, sur le complot islamo-gauchiste qui le viserait).
Et de brandir le bip qu’il tient à portée de main en cours de séance, qui permettrait une entrée en liaison directe avec la police en cas de nécessité. Cet étrange scénario a les accents de “Peur sur la ville”, complètement à rebours de son autre discours qui voudrait faire des Montpélliérains les heureux habitants d’une « ville apaisée ».
Le restant du conseil s’était d’ailleurs fait ronronnant. On y avait constaté d’un peu de détente financière (baisse des taux d’intérêt, réduction de la facture énergétique, modération de Bayrou dans sa pression sur les collectivités). L’opposition saurélo-macronienne continue de nous voir à deux doigts de la barre fatidique des cent pour cent d’endettement. On y avait pris connaissance de rapports flatteurs, forcément flatteurs, mais soporifiques, forcements soporifiques, à coups de “pactes ville désirable”, stratégies de “médiation écologique” et autres “label résilience”. Montpellier y apparaît à tout coup en bon élève de l’égalité hommes-femmes ou de la protection du climat.
Pour ce dernier, la Ville aligne ses investissements sur les transports en commun, sa végétalisation, quand Verts et MUPES crient au martyre des résidents des Quatre boulevards, au non-sens de la création d’une autoroute urbaine (le Com) et l’installation de deux incinérateurs d’ordures en pleine ville. Sur l’égalité de genre, Alenka Doulain oppose à « la parité des rémunérations parmi les dix plus hauts postes de la hiérarchie municipale » à la réalité des conditions des « femmes ATSEM ou agents d’entretien », au point que la ville ne parvient plus à recruter pour ces postes.
Une bonne nouvelle sur une question proche : le nouveau congé maladie accordé aux employées, pour endométriose (manifestation douloureuse de la menstruation). A noter que des décisions analogues de la part d’autres collectivités en France, ont été cassées par des tribunaux administratifs après recours des préfets, pour inégalité de traitement. On guettera l’attitude de François-Xavier Lauch, assurément l’un des préfets les plus à droite qu’ait jamais connu l’Hérault, à qui Michaël Delafosse ne cesse par ailleurs de rendre hommage sur les questions sécuritaires – et autres dérives idéologiques caractéristiques de l’extrême-droitisation de la période.
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