Jean-Michel Dunand, un catho fervent montpelliérain engagé pour les causes LGBTQIA+

Le Poing Publié le 22 avril 2025 à 15:59 (mis à jour le 22 avril 2025 à 16:00)
Jean-Michel Dunand, lors de la Pride 2023 à Montpellier, au cours de laquelle il a organisé un dialogue inter-religieux rassemblant Emeline Daudé, pasteure lesbienne, Josué Ferreira, rabbin transgenre, et Ludovic-Mohamed Zahed, imam gay. Crédit photo : Lokko

Chargé de pastorale scolaire au lycée privé de La Merci à Montpellier, Jean-Michel Dunand a plus de dix mille followers sur les réseaux sociaux. Il a rendu publique son homosexualité, comme la persécution subie de la part de certaines instances catholiques. Mais toujours croyant fervent, autant qu’engagé pour les causes LGBTQIA+

La mort du pape François, survenue ce lundi 21 avril, fait réémerger les tensions idéologiques au sein de l’église catholique, notamment la place des personnes LGBTQ+, en vue de sa succession. Nous avons donc choisi de republier ici cet article , initialement paru dans le numéro 45 du Poing (“Encore heureux”, janvier 2025), toujours disponible sur notre boutique en ligne.

Ça n’est pas tous les jours qu’un journaliste du Poing a rendez-vous dans un lycée privé catholique. La religion n’est-elle pas l’opium du peuple, qui repousse après la mort l’horizon d’un paradis insaisissable, tout en contrariant le présent des luttes ? Le lycée montpelliérain de la Merci, établissement catholique depuis 180 ans, n’est-il pas l’un de ces hauts-lieux du séparatisme social, où les familles aisées tiennent leurs enfants à l’abri du brassage de l’enseignement public ?

Reste que les préoccupations spirituelles existent ; et que des croyants fervents, tel Jean-Michel Dunand, apportent de sacrés coups de main à ceux de leurs semblables qui souffrent d’oppressions. Son rayon personnel : les personnes LGBTQIA+. Plein de chaleur un peu exubérante, façon catho, Jean-Michel nous accueille dans le hall du lycée. Une statue de la Vierge y fait face aux insignes de la République.

La soixantaine joviale, Jean-Michel est adjoint du directeur, chargé de la pastorale. Un prêtre vient célébrer quelques messes, s’associer à des réflexions. À part quoi, c’est Jean-Michel Dunand qui est chargé de « témoigner d’une clarté dans la foi, mais sans chercher à l’imposer à quiconque ». Son bureau toujours ouvert, il passe « énormément de temps à écouter les jeunes », les encourager « dans des projets d’engagements sociaux, spirituels, citoyens ». Beaucoup, « y compris non croyants, voire musulmans, m’ont dit l’importance de la reconnaissance que je leur apporte ».

Ces ados ont su l’entraîner au maniement des réseaux sociaux. Il a plus de dix mille followers, dans une position singulière : « Je ne sors pas un étendard pour répéter tous les jours que je suis gay ; mais tout le monde le sait. Je ne suis pas investi d’une mission de transformer les positions de l’Église sur ce terrain, mais tout le monde considère que ça va dans ce sens. »

Et Jean-Michel Dunand en paie le prix : « Je reçois beaucoup de violence, des menaces de mort, comme Thomas Joly après le spectacle des Jeux Olympiques, ou bien Bilal Hassani. Il a fallu en parler avec la police. » Puis il rassure : « Ce que je reçois de positif pèse beaucoup plus que cette haine. » Puis, stratégique : « Le milieu catho obscurantiste qui me poursuit, je le connais très bien, sur scène et dans les coulisses. »

Dunand revient de loin. Son enfance est enracinée dans un christianisme terrien. Dès l’âge de cinq ou six ans, il se dit « saisi par le visage du Christ, innocent voué à un don d’amour pour les exclus, mais recueillant en retour la plus grande violence, exclu lui-même, jusqu’ à la mort ». Mais, très jeune aussi, il se souvient s’être senti « attiré par la beauté du corps masculin. Il était hors de question de parler de choses pareilles, sinon de manière glauque ». Doué de « délicatesse, en proximité avec le féminin, quelque chose d’atypique », il est vite désigné au harcèlement. « Ça m’a fait tomber dans la honte. Et la honte vous met vivant dans une tombe. »

Le célibat du clergé peut alors paraître une solution, « une fuite de la sexualité, un peu hors-sol, mettant le turbo de l’engagement spirituel. J’étais honnête, sincère », mais en proie aux déchirements, quand demeure l’attirance homo-sensuelle. Dès l’âge de dix-huit ans, notre jeune croyant fervent prend le chemin des monastères. Écartelé. Il cherche du soutien. Les « prières de guérison » seront la réponse. « Je me suis trouvé embarqué dans les thérapies de conversion. En fait, j’ai subi huit exorcismes. J’ai failli y perdre la vie, par épuisement moral, et physique aussi. Et tentatives de suicide. »

Le réprouvé trouve la force de « fuir tout ça ; mais en restant dans ma démarche de foi, qui est plus forte que tous ces tarés, ces viols spirituels, ces abus ». Dans l’Église, il assure toujours rencontrer « des gens fabuleux, de très beaux lieux aussi, actifs sur des questions d’écologie, ou de justice sociale ». Sur son chemin de réparation, il croise Louis Boffet, qui fut un évêque progressiste à Montpellier à la fin du siècle dernier. Qui lui dit : « Je te fais confiance. » « Ces mots ont illuminé ma vie », se souvient-il.

Il devient ensuite une figure, sans l’avoir cherché : « J’avais écrit mon livre où je me suis mis à nu. Deux journalistes s’y sont intéressés en réalisant un dossier qui a marqué, sur les thérapies de conversion. Deux députés, un de La France Insoumise, un d’En marche, m’ont fait appel, pour aboutir à la loi de janvier 2022, qui interdit ces pratiques. Il y a eu un reportage sur Arte. Hélas, ces thérapies continuent, masquées. »

À l’évidence, depuis la Manif pour tous, l’Église en France est en forte dérive droitière. Jean-Michel Dunand s’en fait une vision plus nuancée : « La Manif pour tous a eu des effets paradoxaux. Elle a été l’occasion de coming out gay dans le monde catholique, jusque dans les familles ; beaucoup de questionnements. Puis il y a la crise morale découlant des révélations sur la pédo-criminalité. » En fait, « ça bouge, la vie est plus forte, la vie des personnes LGBTQIA+ pousse. Ça ne peut plus durer ».

Au bout d’un immense parcours, vivant en couple depuis plus de trente ans, certes pas prêtre, mais pleinement impliqué dans la vie de l’Église, Jean-Michel Dunand pense s’être totalement reconstruit. La force surgie des épreuves, il l’a investie pour créer la Communion Béthanie, qui voue ses prières partagées aux personnes LGBTQIA +, les transgenres tout particulièrement. « Quand verrons-nous les personnes comme des cœurs à aimer, non comme des théories ? » s’exclame-t-il. Chaque année, dans un bar queer de Montpellier, il précède la Marche des fiertés, par une soirée partagée avec un rabin et un imam, également sensibles à ces thèmes.

Ce qu’apprenant, Norbert Turini, archevêque de Montpellier – qui n’a pas laissé que des souvenirs progressistes dans sa précédente affectation à Perpignan – le rassure : « Continuez, vous allez quelque part où nous-autres n’allons pas. »

Gérard Mayen

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