“Pression sur la défense” : Le préfet de l’Hérault s’en prend à une avocate par courrier
L’avocate Sophie Mazas a reçu un courrier du Préfet de l’Hérault en personne, François Xavier-Lauch, la sommant de se « modérer », sous peine de poursuites. En cause, la défense de cette figure montpelliéraine de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) lors d’une audience concernant un titre de séjour. Une démarche rare, que l’intéressée dénonce comme une pression directe et une attaque contre l’immunité de la plaidoirie d’un avocat
Le shériff Lauch a encore frappé. Pour comprendre la raison qui l’a poussé à menacer une avocate de poursuites en diffamation par courrier, il faut remonter au 4 novembre 2025. Lors d’une audience en référé au tribunal administratif de Montpellier, l’avocate Sophie Mazas, membre active de la LDH, défend un ressortissant camerounais installé légalement en France depuis plus de vingt ans. Le recours vise à suspendre la décision préfectorale de refus d’enregistrement de sa demande de titre de séjour, une décision que le juge qualifiera par ailleurs deux jours plus tard d’irrégulière. À la barre, l’avocate s’interroge sur les raisons des refus répétés opposés à son client : « J’ai demandé si c’est parce qu’il était noir qu’il n’avait pas eu de rendez-vous », explique-t-elle.
Quelques jours plus tard, la situation prend un tour inédit. Dans un courrier officiel, François-Xavier Lauch reproche à Me Mazas des « propos diffamatoires » portant atteinte à « l’honneur » de ses services et l’enjoint de faire preuve de « davantage de mesure ». Il évoque même la possibilité d’« ester en justice » en cas de réitération. Une mise en garde inhabituelle visant directement une avocate pour des propos tenus en audience. De son côté, la membre de la LDH souligne que l’interrogation qu’on lui reproche était une figure de style propre à sa stratégie de défense. Elle rappelle surtout que « tout se plaide à l’audience, sous le contrôle du juge, seul habilité à faire la police du tribunal », et que d’une manière générale, la jurisprudence garantie la liberté d’expression à l’avocat dans ses plaidoiries. Elle y voit une mise en demeure de modifier sa manière de plaider, ce qu’elle estime « au mieux » relever du « mauvais joueur », et « au pire » constituer une pression sur l’exercice de la défense. « Si la préfecture conteste la décision du juge des référés, des voies de recours existent, plutôt que d’adresser des avertissements à un avocat », rétorque-t-elle.
Ce n’est pas la première fois que le Préfet de l’Hérault écrit nommément à des personnalités locales pour les rappeler à l’ordre. En septembre 2024, il avait reproché par courrier à des militants pro-palestiniens une « pratique opportuniste », « malhonnête », qui peut être « lourd de conséquences » en les accusant de participer à des manifestations éloignées des objets pour lesquels leurs associations se mobilisent habituellement. Le fait de cibler une avocate est néanmoins inédit. Laquelle rappelle qu’en sa qualité de représentant de l’État, le préfet a le rôle de faire respecter la loi. « Je ne doute pas de son intervention afin d’empêcher l’inauguration de crèche de nativité à Béziers prévue le 29 novembre, installée en violation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 février 2025 » , précise la membre de la Ligue des Droits de l’Homme, très active dans ce dossier.
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